Intervention de José Angel Gurría

Réunion du mardi 13 novembre 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

José Angel Gurría, Secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :

Que dire du Brexit, sinon que l'on déploie une énergie considérable pour parvenir, au terme d'un remarquable gaspillage de temps et d'argent, à une situation plus mauvaise pour toutes les parties que ne l'est le statu quo ? J'en éprouve une grande frustration, moi qui ai combattu le Brexit autant que je l'ai pu en expliquant que ce serait une taxe sur le bien-être des Britanniques, de certains Européens et, dans une moindre mesure, du reste du monde. J'ai été affligé de constater que de nombreux jeunes Britanniques ne sont pas allés voter alors que leur avenir était en jeu ; je suis sûr qu'ils le regrettent terriblement. Mme Theresa May a dit il y a quelques semaines que 95 pour cent des problèmes étaient résolus et que seule restait pendante la grande question de la frontière avec l'Irlande. J'ignore quelle solution a finalement été retenue, mais elle devra être discutée par les Britanniques entre eux demain, après-demain et le jour suivant encore ; et si des ajustements ont lieu, il faudra voir ce qu'en pensera l'Union européenne. Néanmoins, la nouvelle qu'un projet d'accord a été trouvé est une bonne nouvelle.

Le Brexit est une self-inflicted wound, une balle que le Royaume-Uni s'est tiré dans le pied sans raison et sur un fondement mensonger, puisque le débat a porté d'une part sur l'immigration à un moment où le Royaume-Uni acceptait, par choix, l'arrivée de 250 000 immigrants non-européens, d'autre part sur la « tyrannie réglementaire de Bruxelles » – une réglementation communautaire qui laissait pourtant au Royaume-Uni l'espace suffisant pour avoir des règles plus souples qu'ailleurs.

Dans les années 1970, je vivais dans le Yorkshire, où les bourgs comptaient d'innombrables immigrés venus travailler dans l'industrie textile ; bien des gens changeaient de trottoir en les voyant. Ce sont eux qui ont décidé le Brexit, et c'est triste. Il faudrait un deuxième référendum. Mes services ont publié une étude évaluant les coûts du Brexit – et malheureusement cette estimation est trop modeste au regard de la réalité. Réjouissons-nous donc de la nouvelle d'un accord de principe car, une fois la décision prise, il faut s'efforcer qu'elle ait les conséquences les moins coûteuses possibles.

Mon fils aîné vit avec femme et enfants au Royaume-Uni. Il y paye ses impôts et il a voulu acquérir la nationalité britannique, comme 75 % des résidents étrangers qui habitent autour de Cambridge et qui se considèrent Anglais, Européens et citoyens du monde. Mais, vingt kilomètres plus au Nord, 75 % des habitants se sont prononcés en faveur du Brexit. M. Cameron a commis plusieurs erreurs : avoir promis la tenue d'un référendum ; avoir honoré cette promesse alors que les circonstances avaient changé ; avoir perdu le référendum parce que son gouvernement est entré en campagne contre le Brexit comme s'il s'agissait d'élire une reine de beauté alors qu'il était question de rien moins que l'avenir du pays. Quant aux travaillistes, ils ont considéré que l'affaire concernait les conservateurs. On retirera de cet épisode deux enseignements : il faut se méfier des référendums ; toutes les informations doivent être mises sur la table pour que les citoyens puissent prendre une décision éclairée.

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