Intervention de Annick Girardin

Réunion du mardi 12 mars 2019 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Je répondrai d'abord aux questions de M. le rapporteur. En ce qui concerne le nombre des collaborateurs de cabinet, vous avez terminé votre propos en me demandant si j'étais ouverte au débat. Je le suis bien entendu, de même que sur tous les autres sujets. Cela dit, le tout est de savoir sur quelle question revenir ou pas, sachant que ces textes résultent d'un équilibre trouvé après plusieurs années d'échanges, sans oublier les travaux du Sénat. Je n'ai pas d'objection à débattre d'une question en particulier, notamment de celle-ci. Actuellement, le nombre des collaborateurs est limité à 3 % de la masse salariale. La modification du taux a été envisagée pendant les travaux. Il a été question de le porter à 4 % ou encore de modifier l'assiette. On a même évoqué la suppression de toute limite. Le Sénat a considéré que de tels amendements tombaient sous le coup de l'article 40 de la Constitution : le sujet n'est donc pas arrivé en discussion. Le Gouvernement ne proposera pas d'amendement en ce sens. Toutefois, je serai à l'écoute des débats au sein de la Commission et des différents groupes sur le sujet.

S'agissant de l'article 43 de la loi organique de 2004, tel qu'il résulte de la réécriture votée par le Sénat, il n'y a pas de modification des compétences en matière de transports publics. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter les mots « sans préjudice de la compétence exercée par la Polynésie française ».

En ce qui concerne la loi ordinaire, vous m'avez interrogée sur l'idée d'une dotation unique, dont il a effectivement été question. Actuellement, il y a trois dotations pour la Polynésie française. Il y a d'abord la dotation globale d'autonomie (DGA) de 90 millions d'euros. Il y a ensuite la dotation territoriale pour l'investissement des communes de la Polynésie française de 9 millions d'euros qui est versée au fonds intercommunal de péréquation (FIP) – le texte prévoit, à cet égard, que le FIP puisse recevoir des subventions à la fois de l'État et de la Polynésie française, ce qui permettra peut-être de financer ou cofinancer davantage de projets des communes. Le troisième instrument financier (3IF), enfin, dont le niveau peut effectivement évoluer, finance des projets d'investissement à hauteur de 72 millions d'euros.

Le financement repose donc, à l'heure actuelle, sur trois composantes répondant à des objectifs différents. Nous nous proposons effectivement de faire basculer la DGA en prélèvement sur recettes. Elle serait ainsi sanctuarisée, d'une certaine manière, et ne subirait plus, comme cela a pu se produire, des modifications liées à la diminution des crédits du ministère des outre-mer. En effet, il faut savoir que les trois fonds sont abondés entièrement à partir du budget de ce ministère ; c'est là une particularité de la Polynésie française. Les deux autres fonds, qui n'ont pas le même objet – ils visent plutôt à accompagner l'investissement et la réalisation de projets –, pourront fluctuer, hélas, comme tous les autres financements de l'État. C'est le jeu du vote du budget chaque année. Cela dépend aussi des politiques menées.

Concernant la conformité du dispositif à la Constitution, notamment pour les droits du conjoint survivant, nous aurons sans doute l'occasion d'en rediscuter, mais la solution retenue ici est effectivement différente de la « loi Letchimy » puisque, en Polynésie française, les biens de famille reviennent aux frères et aux soeurs. Le conjoint survivant ne s'en voit pas reconnaître l'usufruit. Cette spécificité juridique correspond à une demande forte du gouvernement de la Polynésie française, que nous avons acceptée. En l'état, cela ne me semble pas être un problème : on peut suivre les propositions qui ont été faites.

Le travail du Sénat a effectivement été très riche et consensuel, au point que certains ont pu anticiper un vote conforme de l'Assemblée nationale. Pour avoir été députée, je sais que c'est une frustration énorme : quand un texte arrive à l'Assemblée nationale, on a envie d'y travailler également. Je suivrai vos travaux. Sans toucher à l'équilibre général, il est possible d'améliorer des dispositifs particuliers. Les députés de la Polynésie française, notamment, vont défendre quelques demandes. Nous aurons sans doute des débats.

S'agissant de la reconnaissance de la place particulière de la Polynésie française dans la construction de la capacité de dissuasion nucléaire, laquelle a participé à la défense de la nation, il était effectivement important de la garantir. Ce sont en effet, madame Pau-Langevin, les suites de ce que l'on a appelé l'accord de l'Élysée du 17 mars 2017 – je l'ai d'ailleurs rappelé tout à l'heure. Il faut se féliciter de l'engagement du Président de la République de tenir les engagements de son prédécesseur – pour la Polynésie française comme pour la Guyane ou d'autres. Il y a là des engagements forts concernant l'indemnisation des victimes.

Le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a été réactivé. Il est vrai que les résultats ont été peu satisfaisants, comme en témoigne le nombre de dossiers traités : on relève une forte baisse en 2016 et 2017 et, pour 2018, on peut se satisfaire d'un retour à la normale avec 160 demandes. Les victimes indemnisées sont, quant à elles, peu nombreuses : dix-sept dans les années antérieures à 2015, six en 2015, trente-cinq en 2016 et soixante-trois en 2017. Ce sont des chiffres dont on ne saurait se satisfaire. C'est pour cela qu'un travail a été mené. Des propositions ont été faites et le budget a été largement augmenté pour être au niveau de notre responsabilité et faire en sorte, depuis l'année dernière, de mieux accompagner les demandeurs, d'instruire dans des délais plus courts et d'indemniser rapidement. Il est également intéressant de connaître le montant moyen de l'indemnisation. Avant 2015, il s'établissait à 84 000 euros par personne ; il a été de 41 500 euros en 2015, 42 800 euros en 2016 et 73 168 euros en 2017. Il est certes un peu tôt pour dire que tout va mieux, mais on peut d'ores et déjà se réjouir de la rapidité avec laquelle, dernièrement, les procédures ont été conduites. Des experts et des médecins se rendent sur place pour qu'un nombre plus important de dossiers soient traités et, surtout, pour rencontrer les gens.

Des engagements avaient été pris concernant la dépollution des atolls. L'État y consacre des moyens conséquents. Le processus a commencé en 2009 et il a permis la déconstruction de 90 bâtiments à Hao. La dépollution des terres, quant à elle, a démarré en 2014. Les crédits mobilisés s'élèvent à 5 milliards de francs Pacifique, soit 45 millions d'euros. Nous devons définir avec le pays les modalités de l'intervention.

Le plus important reste d'informer régulièrement les populations de cet atoll, afin de les rassurer mais aussi de leur faire connaître les avancées. Je vous ferai parvenir des informations plus précises sur la dépollution d'ici quelques jours.

Madame Obono, vous évoquez la rédaction de l'article 1er. Vous estimez que le terme « contribution » signifie que les Polynésiens auraient été volontaires pour participer aux essais nucléaires et aux avancées associées. Ce n'est pas ce que dit le texte. Mais je suis sensible à votre remarque car on m'a fait la même en Polynésie française la semaine dernière. Pourtant, j'éprouve des réticences à revenir sur la rédaction de l'article 1er. Pourquoi ? Elle avait été actée avant la constitution de ce Gouvernement ; elle avait demandé un très important travail de concertation ; elle a été intégrée telle quelle dans le projet de loi. Pour autant, cet article extrêmement important ne doit connaître aucune contestation. Si vous estimez qu'il manque un mot ou qu'un terme doit être modifié, sans que l'on rouvre le débat sur l'ensemble, je m'en remettrai à vos travaux. En effet, il est important que cet article dont l'objectif est d'apaiser, de travailler autrement et de reconnaître, ne soit pas mal interprété par les populations. Pour le moment, et depuis uniquement une semaine, seules quelques personnes m'en parlent – notamment l'association « 193 ». Tout dépendra des retours du pays, mais je ne suis pas fermée sur ce sujet.

Concernant l'examen du texte, je vous remercie d'y participer. Vous avez raison de faire confiance à ceux qui le connaissent et qui ont beaucoup travaillé : les députés – dont une est à nos côtés aujourd'hui – et les sénateurs de Polynésie française. Tous les élus du territoire se sont fortement impliqués dans ce dossier. C'est pourquoi je suis prudente face aux modifications car, je le redis, un équilibre a été trouvé et le texte a été amélioré au Sénat. Je serai à votre écoute sur tous les sujets, mais les modifications devront être mesurées et faire l'objet d'une véritable co-construction.

Je conclurai sur le centre de mémoire sur les essais nucléaires qui va ouvrir. C'est un élément important du dispositif car apaiser, c'est aussi informer les populations et les générations futures. Il est important de suivre l'évolution de ce projet, qui avance bien. Cet outil pédagogique est le fruit d'un partenariat entre le pays, l'État et les associations. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, l'État a déjà transféré à titre gracieux le terrain au pays.

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