Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé s'inscrit dans le cadre d'une réforme ambitieuse qui vise à restructurer notre système de santé afin d'en garantir la viabilité et d'améliorer l'accès à des soins de qualité dans tous les territoires.

Je mesure les attentes ; c'est pour cette raison que je souhaite avant toute chose rappeler qu'il s'agit d'une stratégie globale qui vient transformer les modes d'organisation, de financement, la formation et les conditions d'exercice des professionnels de santé.

S'il demeure par bien des aspects synonyme d'excellence, notre système de santé est confronté, à l'instar de celui d'autres pays développés, à des défis structurels qui nécessitent une évolution profonde de ses organisations, des prises en charge qu'il propose et des modes d'exercice des professionnels. Ces tendances lourdes sont bien connues : le vieillissement de la population, conséquence mécanique de l'augmentation de l'espérance de vie ; l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques, qui pèseront de plus en plus sur le système de soins ; la persistance, voire l'aggravation, des inégalités territoriales en santé.

Les travaux préparatoires au lancement de la stratégie, à la suite du discours du Président de la République du 18 septembre dernier, ont confirmé une triple inadaptation de nos organisations.

Premièrement, les patients font mention d'attentes insatisfaites en matière de délais de rendez-vous, d'accès à un médecin traitant ou même aux soins dans certains territoires, notamment aux soins non programmés.

Deuxièmement, les professionnels de santé font état de la lourdeur des charges administratives, de la multiplication parfois non pertinente de certains actes, du manque de temps dédié à la personne malade ou encore de la faiblesse des évolutions professionnelles et de la reconnaissance de leur implication.

Troisièmement, notre organisation et nos modes de financement ne valorisent ni la qualité des soins, ni leur pertinence, ni la coopération entre acteurs de santé.

Ce diagnostic, nous l'avons établi avec les acteurs de la santé, qu'ils soient usagers du système de santé, professionnels ou élus ; il fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. Ce diagnostic, nos concitoyens l'ont confirmé dans le cadre du Grand débat national ; chacun ici entend leurs attentes en matière d'accès à des soins de proximité.

Face à un système jugé trop cloisonné – entre ville, hôpital, médico-social, entre public et privé, entre professionnels eux-mêmes – mettant insuffisamment en valeur la fluidité des parcours, la coordination entre professionnels, la qualité et la prévention ainsi que la mise en oeuvre d'organisations adaptées à chaque territoire, « Ma Santé 2022 » propose un changement de paradigme.

La philosophie de cette stratégie s'articule en trois axes : la qualité des prises en charge, en plaçant l'usager au centre du dispositif ; une offre mieux structurée, en renforçant l'accès aux soins par un maillage territorial de proximité ; des métiers, des modes d'exercice, des pratiques professionnelles repensés.

Notre stratégie ne se réduit pas au projet de loi. Elle entend activer l'ensemble des leviers et jouer sur toutes les composantes du système de santé pour proposer une nouvelle donne aux usagers et aux professionnels. Elle sera, par exemple, complétée par une réforme profonde du mode de financement qui s'appuiera sur le rapport que Jean-Marc Aubert, directeur de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), vient de me remettre.

Des premières concrétisations ont d'ores et déjà été apportées par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019. Citons la mise en place de financements forfaitaires pour la prise en charge hospitalière du diabète et de l'insuffisance rénale chronique ou le développement de la dotation valorisant la qualité dans les établissements de santé. Les travaux se poursuivent et de nouvelles avancées seront proposées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Tout l'enjeu est de passer d'un système favorisant la course à l'activité et la multiplication des actes à un système qui incite la prévention, qui soutienne la coopération entre professionnels et qui fasse de la qualité le premier objectif de la prise en charge.

D'autres leviers, réglementaires, conventionnels, financiers, mais aussi d'animation territoriale et d'appui aux acteurs, viendront prolonger le projet de loi. C'est notamment le cas avec plusieurs mesures emblématiques : le déploiement de 400 postes de médecins généralistes dans les territoires les plus en difficulté du point de vue de la démographie médicale ; la définition et le déploiement des fonctions d'assistants médicaux qui devront rapidement permettre de libérer du temps médical, de soigner un plus grand nombre de patients et de mieux les accompagner ; le soutien au développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui conduiront à une meilleure coordination des professionnels de santé et amélioreront l'accès aux soins de la population dans les territoires.

Ce projet de loi est volontairement resserré autour d'un nombre limité de dispositions afin d'enclencher des dynamiques.

Ce texte a été produit et concerté avec les principales parties prenantes dans des délais brefs, qui se justifient par les engagements relatifs à la réforme des études en santé dont parlera Frédérique Vidal. La suppression de la première année commune d'études en santé (PACES) et du numerus clausus, d'une part, et celle, d'autre part, de l'examen classant national (ECN) en fin de deuxième cycle impliquaient que la loi puisse vous être soumise dès le début de l'année 2019 pour préparer et informer en temps utile les acteurs, les étudiants, les universités, des nouvelles modalités de sélection.

Du fait de ce calendrier, certaines modifications législatives prennent la forme d'habilitations à légiférer par ordonnances, qui ont été groupées et limitées à six articles. Touchant à des transformations lourdes et parfois sensibles, elles se justifient par la nécessité de construire avec les acteurs un modèle robuste et durable. Elles associeront étroitement les parlementaires comme je m'y suis déjà pleinement engagée.

J'en viens au projet de loi proprement dont je résumerai les principales dispositions.

Je laisserai Frédérique Vidal vous présenter le titre premier du projet de loi concernant les études en santé.

Dans son titre II, le projet de loi se donne pour ambition la structuration d'un collectif de soins dans les territoires.

Au-delà du soutien évoqué au développement des CPTS, la création de projets territoriaux de santé doit aider à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs des territoires, quel que soit leur statut – libéral, en exercice regroupé ou coordonné, hospitalier, du secteur social ou médico-social, public ou privé –, en associant les élus et les usagers. Ces projets territoriaux formalisent le décloisonnement qui caractérise « Ma Santé 2022 ».

Le statut des hôpitaux de proximité sera par ailleurs revisité. Par ordonnance, les missions socles en seront définies ainsi que leur gouvernance et leurs modalités de financement afin d'en faire des structures adaptées aux soins du quotidien, ouvertes sur la ville et le médico-social, avec un financement qui garantira la continuité de services.

Le projet de loi et la stratégie dans son ensemble visent par ailleurs à soutenir une offre hospitalière de proximité qui constitue un pilier de l'offre de soins de premier recours dans les territoires. Les hôpitaux de proximité doivent faire l'objet d'un accompagnement particulier et disposer d'une gouvernance et de modalités de financement adaptées à leurs activités. En cohérence avec ces enjeux, sera conduite la réforme des autorisations des activités afin d'accompagner la gradation des soins, dans une recherche de qualité, de sécurité et de pertinence des prises en charge.

Un chapitre spécifique sera consacré à l'acte II des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le projet médical doit être désormais le centre de gravité des groupements. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée et la gouvernance médicale adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.

Dernier pivot du projet de loi : l'innovation et le numérique.

On connaît le dynamisme et le gisement de progrès pour la santé, pour la clinique et pour la science médicale que représentent les usages numériques, la dématérialisation des pratiques et l'exploitation adéquate des données. L'ambition est ici de donner à la France les moyens d'être en pointe sur ces sujets.

Les usages numériques doivent permettre au patient d'être un acteur à part entière de sa santé et de son parcours. C'est l'ambition de l'espace numérique de santé qui doit être ouvert pour chaque usager à l'horizon 2022. Il est conçu comme un nouveau service public digital et sa première brique sera le dossier médical partagé. Il aura vocation à regrouper l'ensemble des données de santé du patient et à donner facilement accès à un bouquet de services et d'applications ; il sera donc voué à s'enrichir de façon évolutive. Bien entendu, l'usager sera seul gestionnaire de ses données et de l'octroi de leur accès.

La bonne utilisation des données à des fins de recherche et d'innovation est un enjeu d'autant plus crucial que les bases en France, qui sont particulièrement riches, pourraient être mieux exploitées. La création de la Plateforme des données de santé ou « Health data hub » répond à cet objectif, en étendant le champ des données de santé recueillies par le système national des données de santé (SNDS) aux données cliniques, au-delà des données médico-administratives, et en adaptant l'Institut national des données de santé (INDS) pour lui donner plus de souplesse et d'agilité. La Plateforme constituera un guichet unique et sécurisé permettant le partage des données de santé dans un haut respect de la protection des données et de la vie privée.

La dématérialisation des pratiques passera quant à elle par le renforcement de la télésanté. Le télésoin sera ainsi créé. Pendant de la télémédecine pour les paramédicaux et les pharmaciens, il permettra la réalisation de certains actes, en orthophonie par exemple, à distance par voie dématérialisée.

Enfin – et il s'agit d'un objectif transverse à toutes les politiques publiques –, des mesures diverses de simplification, d'harmonisation et de sécurisation juridiques sont regroupées dans les titres IV et V du projet de loi.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons collectivement la responsabilité de garantir les conditions d'un meilleur accès aux soins sur le territoire à tous nos concitoyens. À ce titre, nous serons très sensibles à vos propositions pour enrichir notre stratégie de transformation de notre système de santé.

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