Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 5 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Madame Tamarelle-Verhaeghe, l'observatoire national de la qualité de vie au travail que nous avons mis en place pour le personnel soignant concerne aussi les étudiants. Nous l'avons lancé l'été dernier, nous aurons son premier rapport cet été.

Madame Annie Vidal, les services à domicile qui ne reçoivent pas de financement public et ne délivrent pas de soins, tels qu'ils sont définis dans l'actuel article du code de l'action sociale et des familles, sont soumis à la directive « services » : ils sont donc d'ores et déjà exonérés d'appels à projets. Ils n'ont donc pas lieu d'être concernés par cette disposition de l'article 18 dispensant certains établissements d'appel à projets.

Monsieur Vercamer, la loi permet-elle de réduire les inégalités entre les territoires ? Je vous réponds par l'affirmative. Toute l'approche qui vise à conforter les organisations territoriales vise aussi à réduire les inégalités. Nous définissons un nouveau zonage qui permet d'augmenter les zones sous-dotées apparentes et de les faire passer de 7 % de la population à 18 %. Cela permet d'élargir de manière significative les offres incitatives pour l'accompagnement des professionnels qui souhaitent s'installer dans ces territoires. Cela étant, le zonage ne résume pas toute la politique d'installation : je suis persuadée qu'au-delà des aides financières, qui créent souvent des effets d'aubaine, il faut promouvoir des organisations innovantes. Ce sont elles qui font rester les professionnels sur le terrain, notamment les jeunes qui souhaitent des exercices coordonnés. C'est pourquoi nous avons poursuivi cette politique de déploiement des maisons de santé pluriprofessionnelles, en doublant leur nombre à l'horizon de la fin du quinquennat. C'est aussi l'objet des CPTS, qui visent à la coordination de tous les acteurs sur un territoire. Car nous souhaitons favoriser tout ce travail en équipe, toutes ces délégations de tâches qui vont améliorer l'accès aux soins pour nos concitoyens, notamment pour le suivi des pathologies chroniques. Ainsi, au-delà du zonage, c'est vraiment la pratique qui, à mon avis, permettra d'attirer et de maintenir les professionnels dans les territoires. En tous les cas, à chaque fois que je fais des visites de terrain, je constate que les jeunes professionnels s'installent là où il y a de l'exercice coordonné et des partages de tâches.

Monsieur Laabid, vous m'avez interrogée sur les biologistes médicaux. Rappelons que ce projet de loi ne traite d'aucune catégorie ni d'aucune profession particulière. Nous ne voulons pas entrer dans cette logique. Ce qui explique qu'il n'y soit pas fait mention des kinésithérapeutes, ni des médecins spécialistes par rapport aux médecins généralistes, ni des biologistes ou des infirmiers. C'est une loi qui, justement, vise à embarquer absolument tous les professionnels dans cet exercice coordonné.

Il n'est pas prévu de revenir sur la réforme de la biologie de 2013, mais, évidemment, nous pourrons étudier vos propositions. Je suis évidemment attachée à la biologie médicale de proximité et de qualité. Nous verrons ce que vous proposez, mais je souhaite éviter à tout prix d'entrer dans des mesures catégorielles ; faut de quoi, toutes les professions de santé viendront « réclamer leur dû »… Ce qui n'est pas l'objet de cette loi d'urgence sur des organisations territoriales, qui vise avant tout à favoriser la proximité.

Monsieur Perrut, pour ce qui est du rôle des élus locaux, nous sommes ouverts à toutes les propositions qui permettront de le renforcer la concertation avec les ARS. Les projets territoriaux de santé sont vraiment, à mes yeux, l'outil qui va permettre une réelle concertation et une coconstruction de l'offre. Les élus y auront évidemment toute leur place. Cela étant dit, ils ont leur place aussi dans la gouvernance des hôpitaux de proximité, mais je ne suis pas sûre que nous allons redéfinir la composition du conseil de surveillance des hôpitaux ni du conseil de surveillance des ARS, où ils siègent déjà.

Monsieur Marc Delatte, vous m'interrogez sur les barrières administratives. Mais il n'y en a pas au sens juridique du terme : en réalité, ce sont des barrières que les doyens se mettent. Aussi, à chaque fois que je me déplace, je rappelle que rien ne s'oppose à ce qu'un étudiant aille faire un stage dans un hôpital de proximité à l'autre bout du département. Au contraire, nous y encourageons, car nous pensons que c'est une très mauvaise chose que de subdiviser le territoire de manière totalement artificielle. J'ai demandé à toutes les ARS de veiller, dans leur dialogue avec les doyens au sujet des maîtres de stage et des lieux de stage, à favoriser l'envoi de jeunes internes ou externes dans des lieux de stage au-delà du département ou de la région. Mais il n'y a pas lieu de lever dans la loi une barrière juridique qui n'existe pas.

Monsieur Quatennens, vous m'avez interrogée au sujet de l'« Europe qui protège ». Comme vous le savez, l'organisation du système de santé et la couverture santé sont des prérogatives nationales. Par contre, l'Europe protège quand même, à travers les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments, car ces autorisations de mise sur le marché sont européennes. Sur les dispositifs médicaux, un renforcement de la réglementation est prévu en 2020. L'idée est de rapprocher la réglementation du dispositif médical et la réglementation du médicament, en renforçant les contrôles des sociétés concernées. Autrement dit, l'Europe est donc en train de progresser largement sur la protection de nos concitoyens.

Madame Laurence Vanceunebrock-Mialon, vous m'avez interrogée sur la consultation des usagers. Les trois composantes, c'est-à-dire les usagers, les élus et les professionnels, sont présentes dans les instances des conseils territoriaux de santé. Dans ces conseils, il y aura évidemment une représentation locale des usagers comme des élus ; elle est déjà prévue. Dans le conseil de surveillance des établissements de santé eux-mêmes, il y a aussi toujours des représentants des usagers ; autrement dit, cela aussi est d'ores et déjà prévu. Probablement faut-il que les usagers investissent davantage ces espaces de concertation ; peut-être sont-ils insuffisamment nombreux ou insuffisamment préparés. Il faut les responsabiliser pour qu'ils y aillent – mais c'est déjà prévu dans les lois précédentes. En tout cas, le projet de loi prévoit à la fois la présence des élus et celle des usagers.

Madame Dufeu Schubert, vous avez raison de souligner que la recherche clinique est un très bon d'incitateur pour l'exercice professionnel. Les professionnels aiment s'engager dans des projets de recherche ; c'est toujours très valorisant. À ma connaissance, rien n'empêche un professionnel exerçant dans un établissement de santé périphérique ou un hôpital local ou de proximité de participer à une recherche clinique. Les délégations à la recherche clinique et à l'innovation (DRCI), qui sont des organisations régionales, permettent d'ores et déjà aux professionnels de s'investir dans la recherche s'ils le souhaitent et si la recherche concerne des pathologies prises en charge dans ces hôpitaux. L'enjeu est peut-être celui de la simplification, sur laquelle nous pourrons nous pencher au cours des débats : faut-il créer un guichet unique ou simplement, au niveau réglementaire, faciliter l'accès de ces professionnels et de ces établissements à la recherche clinique ? Quoi qu'il en soit, il n'existe aucun pas de blocage réglementaire ou juridique en la matière : même le secteur privé peut participer à la recherche clinique.

Monsieur Ratenon, nous sommes très heureux de la création pleine et entière de l'ARS de Mayotte, conformément à la demande qui avait été formulée. La nouvelle entité sera une agence pleine et entière. Les budgets des deux agences ont été protégés, et même mieux : 10 postes ont été créés pour l'ARS de Mayotte. Autrement dit, la création de l'ARS de Mayotte ne se fait pas aux dépens de celle de La Réunion.

Madame de Vaucouleurs, vous m'avez interrogée sur les structures sociales au sein des CPTS. L'enjeu de cette loi, vous avez raison, c'est de décloisonner. Aujourd'hui, les CPTS sont des organisations de médecins libéraux qui endossent une responsabilité territoriale en assumant notamment des missions d'accès à des soins non programmés, d'éducation à la santé, etc. Il est clair que, dans les futures CPTS, il faudra trouver une articulation avec les hôpitaux de proximité et le secteur social et médico-social. Mais la première chose consistera à structurer ces professionnels libéraux, avant de leur faire assurer des parcours de soins coordonnés. Mais les structures sociales ne sont pas elles-mêmes membres des CPTS, structures juridiques qui regroupent, pour l'instant, les seuls professionnels. Il appartiendra à chaque territoire de trouver sa propre articulation en fonction de l'offre existante.

Madame Toutut-Picard, la qualité de vie au travail est effectivement un sujet très important. Nous avons créé un observatoire ayant pour objectif de mieux accompagner les professionnels dans le cadre de leur évolution de carrière, de façon qu'ils puissent être valorisés par des diversifications de carrière. Nous serons donc très attentifs à ce que tous les professionnels de santé dans les établissements de santé, et non seulement les médecins, puissent évoluer. Ce sera l'objet des concertations qui s'engagent.

Madame Corneloup, vous m'avez interrogée sur la télémédecine. Nous voulons déployer le plus de téléconsultations possibles ; c'est la raison pour laquelle nous les avons fait entrer dans le droit commun et dans les financements de l'assurance maladie. Nous allons évidemment faciliter l'accès à la télémédecine en proposant le télésoin, afin que d'autres professionnels de santé puissent intégrer ces démarches de télépratique.

Madame Biémouret, vous avez évoqué le cas de l'établissement de Condom. Je peux vous faire d'abord une réponse générale : ce n'est pas au niveau national que nous gérons ces problématiques locales, ce sont les ARS qui sont en charge ; ce sont elles qui ont vocation à déterminer les établissements de proximité qui seront susceptibles d'être labellisés. Cela relève donc clairement pour moi de démarches territoriales et de travail avec les élus locaux et avec les professionnels locaux.

Mais, concernant votre centre hospitalier de Condom en particulier, on voit qu'il y a un problème d'organisation des urgences entre Agen, Auch et Condom. La question n'est donc visiblement pas réglée, je ne peux donc pas vous répondre aujourd'hui. Tout dépendra des ressources médicales et des projets territoriaux. Bien évidemment, nous allons faire en sorte que les élus et les professionnels soient impliqués dans les choix à venir. En tout état de cause, d'après ce que me disent mes services, rien n'est visiblement écrit aujourd'hui. Je ne peux pas vous apporter de réponse supplémentaire.

Monsieur Belhaddad, vous m'avez interrogée sur la création de maisons de sport et de la santé et sur la prévention par le sport. Mais la réponse ne peut pas passer par la loi. Nous voulons plutôt aller vers un label, sans créer de nouvelles maisons. Nous sommes en train de travailler avec Roxana Maracineanu sur ce que pourrait être ce label, et surtout à voir comment nous pouvons intégrer l'activité physique dans le cadre du plan Priorité prévention. Tout cela est en cours, mais ce n'est pas l'objet de ce projet de loi qui ne traite que de l'accès aux soins.

Madame la députée Khattabi, vous m'avez interrogée sur la présence d'étudiants stagiaires dans les zones sous-dotées. Oui, nous la promouvons, mais la réponse ne passe pas par un quota : encore faut-il trouver d'abord des maîtres de stage si nous voulons que les stagiaires, internes et externes, soient formés convenablement. Nous ne pouvons envoyer tel ou tel étudiant dans tel exercice de médecine libérale sans avoir la certitude qu'il sera formé convenablement : ce serait porter atteinte à la qualité de sa formation. Cela étant, nous souhaitons élargir les offres de stages hors CHU de manière significative : pour ce faire, nous demandons à tous les doyens de favoriser une montée en charge, mais cela dépendra de notre capacité à identifier des maîtres de stage formés – et c'est bien là le problème.

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