Intervention de Enrico Letta

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9h35
Commission des affaires européennes

Enrico Letta, président de l'Institut Jacques Delors :

Merci, j'ai trouvé ces interventions très intéressantes. Je vais tâcher d'être synthétique. Beaucoup de questions ont touché les relations entre la France et l'Italie. Je reprends ce que M. Herbillon citait auparavant. La crise était exceptionnelle et inédite. Il est important de faire aujourd'hui des pas en avant. Pour ce qui est de la télévision, c'est vrai qu'il y avait une crise, mais je pense qu'il y aura des moments importants de ce genre dans toutes les télévisions nationales. Je suis sûr que M. Salvini en prime time à Paris serait très intéressant pour le public français, comme Mme Merkel en Italie. Cette campagne va être un mélange.

Je reprends le sujet sur le rôle des parlements nationaux, ainsi que la question du rôle des élus de M. Jerretie. Cela me permet de relier ces thèmes au fait que M. Bourlanges voit plus de continuité que moi dans les relations entre les partis. Je crois que les parlements nationaux vont avoir un rôle important. Il y a trois ans, j'avais parlé au sein de cette Commission devant trois députés. Les choses ont changé. Je ne veux pas vous dire la même chose que ce que l'on vous dit d'habitude, que les parlements nationaux auraient tout pouvoir. Il y a un mélange aujourd'hui extrêmement important. Personne ne peut dire en Europe qu'il a un pouvoir prééminent. Il faut voir comment cette complexité peut fonctionner. Les parlements nationaux ont le rôle qu'ils veulent prendre. Cela n'a pas marché jusqu'ici. Je souhaiterais que cela marche mieux, le rôle que les parlements nationaux ont vis-à-vis des peuples est beaucoup plus important que le rôle du Parlement européen. À la fin, ce sont les citoyens qui sont devenus plus centraux qu'auparavant dans le débat européen. On parlait aux corps intermédiaires, aux États. Maintenant, on parle aux citoyens. Sur les questions de la fiscalité, de l'emploi, on ne peut pas taire que l'Europe est en crise. La crainte d'une récession dans les prochains mois, dans les prochaines années, est réelle. 2019 sera aussi l'année du débat des négociations budgétaires les plus complexes qu'on a connu, entre le Brexit et la réticence des États à abonder le budget. Il y a cinq ans, on parlait exclusivement de l'euro et de la crise financière, et en rien des questions migratoires. Sur ce point, comme le disait M. Jerretie, je pense que le conflit peut aider.

Monsieur Bourlanges, je pense quand même que la continuité sera majeure. Dans le monde de MM. Trump, Xi et Poutine, la question des visages européens est plus importante qu'avant. À la fin, si on a quatre groupes parlementaires qui doivent se mettre d'accord sur les positions, il n'y a pas de boîte à outils. La politique étrangère jusque-là était toujours entre les mains des socio-démocrates, la présidence du Conseil européen entre celles des conservateurs, et il y avait une alternance entre les deux pour la présidence de la Commission européenne et du Parlement européen. Cette fois-ci, on n'a aucune idée de comment cela va se passer.

Pour ce qui est du couple franco-allemand, depuis que je travaille à Paris, je vois ce sujet avec des yeux différents. C'est un sujet sur lequel je trouve, franchement, qu'il y a une asymétrie profonde entre la France et l'Allemagne, dans la façon dont les deux pays envisagent ce couple. S'il est important pour les deux pays, j'ai eu l'impression que, dans les cinquante dernières années, pour la France, une fois que les choses sont arrêtées en couple franco-allemand, la messe est dite. Pour l'Allemagne, c'est un élément d'influence parmi d'autres, qu'ils emploient vers l'Europe de l'Est et l'Europe du sud. Les Allemands ont beaucoup plus investi dans le Parlement européen que les Français et les Italiens. Comment avoir un ancrage, faire de ce couple un couple d'équilibre, en matière de propositions ? Vous citiez Pascal Lamy, jamais la question de « civiliser la mondialisation » n'a été aussi essentielle.

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