Intervention de Christophe Lejeune

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Lejeune, rapporteur :

En tant qu'élu de la Nation, nous ne sommes pas là pour faire état de notre situation personnelle. Néanmoins, eu égard à vos interventions, chers collègues, permettez-moi d'enfreindre cette règle. Je suis fils de militaire. J'ai vécu dans cet environnement et, alors que nous avons parlé du don ultime – celui de sa vie – je sais ce que c'est de voir un proviseur toquer à la porte d'une classe et appeler un élève parce que son père vient de décéder. Je l'ai vécu. Loin de moi donc l'idée de remettre en cause les traditions militaires.

Vous n'avez pas pu prendre connaissance en détail de notre rapport. Néanmoins, je vais vous donner lecture du court passage de notre rapport évoquant la question des traditions :

« Former et sensibiliser

Comme l'ont souligné les membres du CSFM, les armées ne peuvent assumer toute la responsabilité du travail de sensibilisation qui relève d'une politique nationale. La lutte contre les discriminations devrait reposer avant tout sur l'éducation. Toutefois, les armées peuvent y prendre part à l'occasion des formations qu'elles délivrent.

1. Faire évoluer les traditions

Les traditions sont une manifestation concrète de l'esprit de corps et de l'identité militaire. Elles puisent leur fondement dans le patrimoine historique, inscrivent les militaires dans la « Tradition », celle du métier militaire, et au-delà dans une histoire collective, qui doit donner du sens à leur action. Elles offrent des symboles qui permettent à chaque militaire d'aborder intimement son rapport à la mort, à l'histoire, au collectif et aux autres. Comme le souligne un document interne à l'armée de terre, la sélection a un caractère impitoyable : « tel élément reste, tel autre sombre dans l'oubli ». Des traditions naissent, évoluent et parfois disparaissent.

Comme en témoignent les mesures prises par les armées pour encadrer la transmission des traditions dans les grandes écoles militaires, nombre de traditions ont dû être remises en cause pour des raisons de sécurité. Certaines ont disparu, d'autres doivent être légitimement remises en cause. Il en est ainsi, par exemple, pour certaines pratiques dangereuses comme les bains de fluorescine dans la marine ou les activités des saint-cyriens à « Bazar beach », autrement dit dans la mare insalubre de Coëtquidan.

Sans remettre en question l'importance des traditions, les rapporteurs estiment qu'un effort de créativité doit être mis en oeuvre pour remplacer certaines activités. (…)

En quelques années, l'École polytechnique a ainsi mis fin à des pratiques portant atteinte à la dignité des personnes, et notamment des femmes. (…)

Certaines traditions peuvent être simplement adaptées. Ainsi, les armées veillent depuis plusieurs années à développer les alternatives à l'alcool, dans le cadre de la prévention des conduites addictives. L'aumônier en chef du culte musulman a également relaté une anecdote datant d'une rencontre avec le commandant de la légion étrangère en 2007-2008 : « “la poussière” est une célèbre tradition de la légion. Cela consiste à servir un fond de verre de vin, censé nettoyer le verre, et à le boire. Après on entonne : “Tiens, voilà du boudin !”. J'appréhendais ce moment-là. Spontanément, le responsable de table m'a fait un clin d'oeil : il avait remplacé le vin par de la grenadine. » »

Voilà le point sur les traditions dans notre rapport.

Au-delà, s'agissant de la féminisation, l'un d'entre vous a évoqué la présence des femmes dans les sous-marins. Quatre femmes ont été engagées en mission dans le cadre d'un premier test. Il s'agissait d'une expérience complexe en raison de la spécificité des sous-marins. Des efforts restent à faire. Si certaines ont souhaité mettre un terme à cette expérience, notamment en raison de l'importance des contraintes familiales, l'une de ces quatre femmes a fait part de son souhait de poursuivre son engagement.

Jean-Pierre Cubertafon a relevé la question de la mixité de l'hébergement militaire. Deux points me paraissent illustrer la complexité de la situation. Sur le territoire national, en caserne comme en école, on peut s'attendre à trouver soit des immeubles distincts, soit des immeubles communs mais avec des étages distincts, soit des immeubles et étages communs mais avec des couloirs séparant des chambrées masculines et des chambrées féminines dès lors que les sanitaires sont séparés. Néanmoins, notamment en école, isoler les femmes, moins nombreuses, pourrait conduire à les exclure – ou du moins à provoquer un sentiment d'exclusion – du coeur de la vie de l'emprise, naturellement constitué là où les hommes, plus nombreux, se trouveraient. Sur les théâtres extérieurs, chacun peut comprendre que les conditions soient plus difficiles. Au cours des auditions, nous avons rencontré deux femmes qui étaient parties en opérations extérieures. Le rythme des opérations fait que le groupe vit ensemble, travaille ensemble, dort aux mêmes horaires, et ainsi de suite. Si les femmes sont isolées du baraquement des hommes du même groupe, elles se trouvent à partager un bâtiment accueillant des personnels certes exclusivement féminins, mais ayant des heures de service différentes. Dès lors, les deux personnels que nous avons entendues nous ont expliqué à quel point ce décalage était préjudiciable à la bonne récupération. C'est pourquoi elles nous ont indiqué que, lors de leur deuxième déploiement, elles ont demandé à partager le baraquement de leurs camarades masculins. Leur chambre était isolée et elles avaient accès prioritaire aux sanitaires, ce qui leur convenait tout à fait. L'anecdote peut toutefois prêter à sourire car la situation a été moins confortable pour les conjoints restés en France, moins heureux de cet hébergement mixte !

Enfin, s'agissant des comportements de certains au sein des classes préparatoires des lycées militaires, les règles de vie évoluent, l'encadrement est de plus en plus strict et les référents mixité sont bien identifiés. Autant, Thémis peut souffrir d'un manque de visibilité, autant les référents sont clairement identifiés et disponibles. Néanmoins, il pourrait être envisagé de mieux préciser leur champ de compétence car ces personnels n'étant pas exclusivement en charge de cette mission, peuvent faire face à une lourde charge de travail.

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