Intervention de Roxana Maracineanu

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roxana Maracineanu, ministre des sports :

Madame Buffet, s'agissant de l'AFLD, après un appel à manifestation d'intérêt, le choix s'est porté sur Orsay, pour plusieurs raisons. L'Agence mondiale antidopage (AMA) nous avait conseillé de l'adosser à une université, ce qui n'était pas le cas à Évry. Qui plus est, il ne semblait pas opportun de placer l'arbitre et le juge du sport français au beau milieu de dispositifs liés au sport, comme cela sera le cas à Évry au sein du Cluster Sport. Nous avons travaillé pour rendre l'AFLD plus performante et pour garantir son indépendance ; nous gérons ces derniers dossiers avec la région et le département.

Nous travaillons beaucoup sur la question du sport en entreprise, d'autant qu'un collège des entreprises sera intégré au sein de l'Agence nationale du sport. Les chefs d'entreprise ont appelé mon attention sur l'importance de l'activité sportive pour l'activité professionnelle. Certains postes exigent en effet de la force et une condition physique particulièrement bonne, lesquelles sont fortement entamées par la sédentarité actuelle. Il devient donc très important, dans certaines entreprises, d'intégrer le sport à leur activité. Les dispositions que vous avez évoquées, monsieur Cormier-Bouligeon, seront étudiées avec attention.

Certains territoires ont déjà intégré l'activité physique et sportive dans les parcours de soins et mis en place un dispositif qui ne repose finalement pas sur la sécurité sociale, dans la mesure où les mutuelles proposent un remboursement forfaitaire. Les collectivités ont saisi toute l'importance d'intégrer le sport et de créer un lien entre les personnels des associations sportives et les professionnels de la santé. Avec la ministre de la santé et des solidarités, nous souhaitons aller plus loin, pour intégrer les activités physiques et sportives dans le parcours de soins des cinq principales affections de longue durée et à les faire rembourser au même titre qu'un traitement médicamenteux. L'article 51 du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, examiné en ce moment, permettra de mettre en oeuvre des expérimentations pour aller dans ce sens – l'une est déjà en cours, pour prouver l'efficacité économique de l'intégration des APS dans le parcours de soins.

Monsieur Testé, le projet olympique comporte bel et bien la réalisation d'un nouvel équipement pérenne en Seine-Saint-Denis, à savoir une nouvelle piscine. Le bassin qui sera utilisé pour les compétitions de natation des JOP de 2024 sera effectivement un bassin provisoire démontable, comme il est d'usage dans les plus grandes compétitions mondiales en ce moment, et qui pourra être réutilisé ensuite. Il sera légué au département de la Seine-Saint-Denis, qui pourra l'utiliser pour d'autres compétitions. L'équipement « en dur », qui comportera un bassin olympique et un plongeoir, sera quant à lui utilisé pour le water-polo pendant les JOP. Le COJO s'est également engagé à rénover neuf bassins en Seine-Saint-Denis, qui serviront de points d'entraînement pendant les Jeux avant d'être rouverts au public.

S'agissant du Stade de France, les travaux proposés par la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) pour mettre aux normes les installations dans la perspective des Jeux s'élèvent en effet à 50 millions, tandis que le consortium de gestion du Stade de France, qui aimerait voir renouveler sa concession, avance le chiffre de 450 millions pour réaliser une rénovation « cinq étoiles » avec, entre autres, un toit et des écrans.

Je voudrais revenir sur le climat d'inquiétude qui règne dans nos services, parmi les CTS ou au sein de l'administration centrale. Sachez que je n'en ignore rien. Étant nous-mêmes en pleine réflexion pour la construction de ce nouveau modèle, nous sommes néanmoins attentifs aux inquiétudes qui se font jour. Nous recevons régulièrement les syndicats, mais aussi l'association des directeurs techniques nationaux (DTN). Nous discutons avec ces derniers de toutes les problématiques, qu'elles soient en lien avec la création de l'Agence ou avec la réorganisation territoriale. Nous allons faire le chemin ensemble, et ils le savent.

C'est un bouleversement pour tout le monde, parce qu'on change des habitudes anciennes. Néanmoins, tous y voit un intérêt. Je pense en particulier aux agents qui étaient au départ centrés sur des compétences éducatives – car le sport, c'est avant tout cela – et qui ont vu leur poste dévoyé, que l'on a cantonnés derrière un bureau à instruire des dossiers ou mobilisés pour des missions qui n'avaient rien à voir avec le sport et l'aspect éducatif pour lequel ils s'étaient engagés. Eh bien, ils sont heureux de retrouver ces fondamentaux, même si, évidemment, ils s'inquiètent quant au nombre de postes et redoutent que demain soit pire qu'aujourd'hui. Je suis là pour les rassurer. Avec mes équipes – mon cabinet ou, désormais, l'Agence –, nous les recevons, nous leur expliquons les choses et ils ont compris que nous allons opérer cette transformation avec eux.

En ce qui concerne le sport adapté, j'accueillerai demain nos athlètes de retour des Special Olympics, destinés au sport adapté. Trois épreuves de sport adapté seront inscrites aux Jeux olympiques de Paris : le ping-pong, l'athlétisme et la natation. Nous travaillons donc déjà à une intégration et à une meilleure prise en compte de ces sports dans le champ du parasport. J'ai eu l'occasion de recevoir quatre de leurs représentants, qui sont des sportifs de haut niveau, lors de la table ronde dont je vous ai parlé. J'ai discuté avec eux de leur carrière et de la manière dont ils voient les choses, qu'il s'agisse de la performance ou de la question de l'accès au sport pour tous. Ils auront une place très importante dans la stratégie sport et handicap que Charles Rozoy est en train d'organiser.

M. Jean-Michel Blanquer a annoncé la création de mille classes à horaires aménagés sports (CHAS) supplémentaires. Toutefois, il faut bien comprendre qu'une fois que la dotation horaire a été déterminée pour un lycée ou un collège, la répartition des heures reste à la main du chef d'établissement : c'est à lui qu'il revient parfois de choisir s'il maintient une classe CHAS. J'ai pu observer certaines difficultés dans les territoires : à Torcy, par exemple, lors d'une réunion dans le cadre du Grand débat, on m'a parlé d'un collège qui ferme une classe accueillant des sportifs – même s'il ne s'agissait pas d'une CHAS. Les élèves étaient libérés plus tôt deux fois par semaine pour leur permettre d'aller s'entraîner. Quand les créneaux horaires attribués sont réduits, il faut faire des choix. La difficulté est d'autant plus grande que les chefs d'établissement ont compris que le sport peut aussi être bénéfique pour des élèves qui ne sont pas très à l'aise à l'école. Grâce à la pratique sportive, ceux-ci peuvent se « raccrocher » à l'école et aux enseignements fondamentaux. C'est précisément dans ce sens que nous voulons aller en expérimentant, dans les territoires qui seront prêts à nous suivre, une organisation par demi-journées. Il s'agit, chaque jour, de consacrer une demi-journée aux enseignements académiques et l'autre, en alternance, aux différents parcours existant au sein de l'éducation nationale – le parcours d'éducation artistique et culturelle, le parcours civique, d'éducation à la citoyenneté –, mais aussi de développer le parcours sportif. Par ce moyen, nous espérons arriver à convaincre davantage de chefs d'établissement de l'importance de ce bloc non formel, à côté de l'éducation formelle de l'élève – et de l'individu – au sein de l'école.

Nous avons aussi envie que le monde associatif, au sens large, discute mieux et plus avec le monde scolaire. Nous déposerons un amendement en ce sens dans le projet de loi pour une école de la confiance. Vous disiez que vous aviez envie de discuter avec les ministres en amont. Sachez qu'il nous arrive parfois à nous aussi d'être un peu à la traîne : chaque ministre, malheureusement, travaille de son côté sur ses projets de loi et, au moment de la présentation d'un texte, on se dit qu'on aurait pu proposer telle ou telle mesure. Nous n'avons pas suffisamment de visibilité sur le calendrier des projets de lois. C'est un véritable problème de fonctionnement qui existe pour nous aussi, dans l'interministérialité : avoir plus de visibilité sur ce que fait chaque ministère nous permettrait d'agir plus en amont.

En ce qui concerne l'élection des présidents de club monsieur Raphan, nous nous sommes bien renseignés sur la question. Je vous rejoins quant à l'objectif d'avoir une représentativité de qualité lors de l'élection des présidents de fédération. Les présidents de ligue et les grands électeurs disposent d'un quota de votes provenant des clubs – tout au moins en principe. Nous voulons faire en sorte que ce quota corresponde à des votes réels. Il faut inciter les fédérations à mobiliser vraiment leurs clubs pour que ces derniers votent pour les grands électeurs, et que ceux-ci élisent le président de la fédération, de manière que le nombre de voix soit représentatif, au lieu de se contenter du vote de cinquante personnes. Il faut, dans la mesure du possible, que les clubs votent directement. C'est le cas dans les petites fédérations. C'est évidemment plus difficile quand les clubs sont nombreux. On peut alors admettre qu'il existe des étages intermédiaires, mais ceux-ci doivent être réellement porteurs, au moment de l'élection, des votes des étages inférieurs. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas dire qu'aujourd'hui les clubs ne votent pas : ils le font d'ores et déjà.

S'agissant du symposium sur le rugby, je rappelle que ce n'est pas moi qui édicte les règles de jeu. C'est à la fédération internationale qu'il revient de le faire. La fédération française peut, certes, proposer des changements de règles, mais s'ils ne sont pas adoptés par la fédération internationale, cela posera un problème dans les compétitions. La fédération française de rugby a engagé des démarches pour inciter à l'aménagement des règles au niveau international. C'est pour cela que le symposium s'est tenu. La France est en avance sur cette question. Avec l'Allemagne, c'est le seul pays où l'on perçoit la dangerosité du rugby, en lien avec les accidents survenus – mais il s'en produit aussi ailleurs. Lors de mon intervention, j'ai souligné qu'on ne pouvait pas accepter le discours expliquant que ce sont des choses qui arrivent et que, finalement, il n'y a pas plus d'accidents dans le rugby que dans d'autres sports. Quand on entre sur un terrain, on n'est pas censé ne pas le quitter vivant. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que de tels accidents ne se produisent pas.

La fédération est allée dans ce sens ; certaines règles ont d'ores et déjà été modifiées. Ainsi, les fourchettes d'âge au sein des catégories vont être revues pour être plus homogènes. La catégorie de 18 à 23 ans, spécifique à la France, va être divisée en deux. Le problème tient aussi à la professionnalisation trop rapide de ce sport, avec l'apparition de gabarits énormes, alors que certains joueurs ont le temps de se consacrer à la musculation, de gagner en force et en muscles. En outre, lorsqu'ils entrent sur le terrain, leur perspective est sans doute différente de celle des rugbymen amateurs. Il faut donc aussi limiter la rencontre de ces deux mondes – professionnel et amateur. Il importe de faire jouer ensemble des personnes ayant la même perspective.

Madame Bazin-Malgras, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises l'an dernier au moment de sa présentation, il n'y a pas eu de baisse du budget des sports ; au contraire, il a connu une augmentation, puisque nous avons réussi, par amendement, à obtenir 15 millions supplémentaires. Par ailleurs, en réaffectant l'argent de certaines lignes qui n'avaient pas été consommées, nous avons financé de nouvelles actions en direction de la haute performance et du développement des pratiques. La différence dans les chiffres constatée l'année dernière tenait à la surévaluation d'une ligne budgétaire, correspondant à la compensation de charges auprès de l'URSSAF concernant des arbitres. Même si le montant a été réajusté, celui-ci ne sera pas nécessairement exact. Si les mêmes difficultés d'estimation se reproduisent l'année prochaine, la ligne budgétaire risque de connaître de nouveau une baisse.

La création de l'Agence nationale du sport entraîne par ailleurs une dynamique. Les entreprises sont très allantes en la matière : elles sont nombreuses à venir toquer à notre porte pour s'impliquer dans les dispositifs et participer au financement de ceux qui les intéressent, notamment au titre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Elles ont envie de s'investir dans les actions que nous menons en direction des publics les plus fragiles, dans les quartiers.

Bien sûr, j'aimerais avoir quatre fois plus de crédits pour le sport ! Mais, même si nous devons organiser les Jeux dans cinq ans, beaucoup d'autres secteurs de la société ont eux aussi des besoins financiers. Je crois qu'il est possible d'optimiser l'utilisation des moyens. C'est le sens de ma démarche : je souhaite, en mettant tout le monde autour de la table, parvenir à mieux coordonner les financements. J'ai demandé l'élaboration de ce que l'on appelle un « jaune du sport », c'est-à-dire un document permettant d'identifier, dans le périmètre des autres ministères, quels moyens peuvent être consacrés à nos acteurs, à nos associations de terrain. Par exemple, celles qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion pourront solliciter de l'argent chez Mme Pénicaud ou rechercher des contractualisations entre l'État et les départements, parce qu'elles travaillent en faveur des publics les plus fragiles ; d'autres se positionneront dans le secteur de la santé. Par ailleurs, les 9 milliards d'euros mis au service du sport par les collectivités doivent se conjuguer au mieux avec notre budget, celui de l'Agence, mais aussi avec les financements des entreprises. Les fédérations peuvent participer elles aussi à cette synergie. Dans les discussions autour du groupement d'intérêt public (GIP) de l'Agence, nous nous avons pu constater en effet qu'elles étaient partantes. Je crois vraiment que la réunion de tous les acteurs autour de la table permettra de mieux coordonner les financements et de faire mieux avec ce qu'on a.

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