Intervention de Antoine Jourdain

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 19h25
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Antoine Jourdain, directeur technique d'Enedis :

Enedis exploite 1,4 million de kilomètres de lignes sur les 95 % du territoire qui sont à sa charge. Alors que le réseau a été historiquement conçu avec RTE pour écouler une production centralisée, depuis quelques années, nous assistons à une émergence significative des énergies renouvelables, en particulier de l'éolien et du photovoltaïque, lesquelles sont réparties de façon semi-centralisée.

Les fermes éoliennes, qui produisent des puissances relativement faibles, sont reliées en quasi-totalité au réseau de distribution d'Enedis, ce qui nous oblige à réaliser des investissements et des aménagements, pour apporter cette énergie jusqu'aux lieux de consommation, qui ont tendance à se concentrer, l'exode rural se poursuivant.

L'énergie photovoltaïque, quant à elle, est répartie de deux manières : l'une semi-centralisée dans des fermes solaires de forte puissance ; l'autre plus diffuse, constituée de panneaux répartis sur les toits de nos concitoyens, qui, grâce au compteur Linky, en profitent relativement simplement, puisqu'ils n'ont plus besoin de branchements supplémentaires, le compteur mesurant l'énergie dans les deux sens.

S'agissant des investissements, le dispositif initialement créé pour relier ces nouveaux moyens de production en réseau était relativement sommaire : le premier arrivé était le premier servi. Depuis quelques années existe un système pour mutualiser les coûts : les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR). Un appel à projets a été lancé, afin de dimensionner les ouvrages à réaliser et de déterminer une quote-part, de sorte que chacun paie la même part du poste source des ouvrages mis en commun. Cela permet d'assurer un traitement équitable et un développement harmonieux des parcs éoliens. Dans le passé, le principe de la priorisation a suscité des contentieux : c'étaient les places qui ne coûtaient pas cher qui étaient préemptées. Le système actuel des S3RENR fonctionne assez bien et est relativement vertueux, en permettant de disposer d'une vision à assez long terme, de mutualiser les coûts et de loger chacun à la même enseigne.

Avec nos amis de RTE, nous publions chaque année, vers le mois d'avril, l'état technique et financier des S3RENR. Ce bilan permet de s'assurer que la part payée par les producteurs correspond bien aux investissements faits par les gestionnaires de réseau. En 2018, nous avons investi environ 240 millions d'euros pour raccorder l'ensemble des énergies renouvelables. Pour respecter la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui fixe, à l'horizon de 2028, une augmentation de 10 gigawatts pour l'éolien et de 9 gigawatts pour le solaire – de 25 à 34 –, nous pensons doubler notre capacité d'investissement, afin de relier progressivement les parcs. Actuellement, nous relions un peu plus de 2 gigawatts par an, et devrions arriver aux alentours de 5 gigawatts en 2028.

Parallèlement à l'intégration des énergies renouvelables, nous allons assister, dans les prochaines années, à l'émergence du véhicule électrique, qui nous permettra d'optimiser notre réseau ; car si une voiture électrique est une source de consommation, c'est aussi un stockage sur roues. Un plan d'investissement dédié est prévu.

Pour ce qui est des énergies renouvelables, Enedis dépense environ 1 milliard d'euros par an pour connecter ses clients, essentiellement dans le cas de constructions neuves. L'an dernier, nous avons accueilli environ 370 000 nouveaux clients. Sur ce milliard, nos clients bénéficient d'une réfaction de 40 %, ce qui leur permet de ne pas payer la totalité du raccordement. En revanche, pour les énergies renouvelables, la réfaction est plafonnée à 5 mégawatts. Nos investissements dans les raccordements, en soutirage ou en injection, entrent dans la base active régulée (BAR). Le TURPE rémunère ensuite – insuffisamment – nos actifs selon un certain taux, ce qui permet de calculer le revenu total autorisé du distributeur. Les paiements des clients sont bien évidemment déduits du tarif : la CRE veille à ce que nous ne soyons pas rémunérés deux fois pour un investissement que nous n'avons pas payé en totalité.

Certains S3RENR ont été rapidement saturés, dans les Hauts-de-France et en Champagne-Ardenne, par exemple. Plusieurs générations de S3RENR, qui s'inscrivent dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), sont apparues, afin de répondre aux besoins. Avec RTE, nous continuons de participer à leur élaboration. Nous souhaitons élaborer un mécanisme, pour disposer d'une visibilité à plus long terme. Les S3RENR ont une durée de vie assez courte, dans la mesure où ils sont très vite saturés. Or, pour construire ou consolider une ligne de transport, les chantiers durent de cinq à dix ans.

Enedis développe aussi des solutions « smart ». Comme je vous l'ai dit, 95 % des nouvelles capacités sont reliées au réseau de distribution. Il va falloir, de plus en plus, équilibrer la consommation et la production. Historiquement, pour des raisons technologiques, ce rôle était entièrement dévolu à RTE. Ce sera toujours le cas pour équilibrer la fréquence et la tension sur les lignes HTB et HTB2. En revanche, localement, les quartiers équipés de panneaux photovoltaïques auront besoin d'un équilibrage en temps réel sur le réseau, soit en renforcement, de manière massive, soit grâce à des stockages, des flexibilités ou des mécanismes de marché.

C'est là tout l'intérêt du compteur communicant Linky, qui permet de recueillir l'ensemble des données et de définir les courbes de charge du réseau. Le réseau ayant été construit de manière centralisée pour écouler la production localement, on ne disposait auparavant que de deux points de mesure par an, aux dates de relevé du compteur. La visibilité sur le réseau était alors quasiment nulle. Grâce à Linky, nous pourrons mieux canaliser les électrons, afin de garantir une optimisation maximale du réseau. La semaine dernière, alors que j'étais en Inde, avec notre filiale EDF International Networks, j'ai pu me rendre compte que cette problématique traversait tous les pays. De fait, les compteurs communicants se développent moins pour s'assurer que la facture soit bien payée et économiser le coût du relevé que pour pouvoir piloter l'ensemble du réseau en temps réel.

Enedis a l'ambition d'accompagner tous ses clients dans la connexion des nouveaux parcs éoliens ou photovoltaïques et, pour les particuliers, des panneaux sur leurs toits. L'entreprise souhaite participer au développement de l'autoconsommation individuelle, grâce au compteur Linky, et collective. Il sera en effet possible, pour un immeuble équipé en panneaux photovoltaïques, de disposer de quotes-parts quasiment en temps réel, afin de répondre de façon optimale aux clients souhaitant produire et consommer localement. Enedis a préparé un plan d'investissement pour suivre ces évolutions, aussi bien s'agissant du renouvelable, du véhicule électrique ou du stockage, qui en est à ses balbutiements.

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