Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 16h40
Commission des affaires européennes

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur :

Concernant la question de M. Pueyo sur Frontex, notre idée est d'atteindre progressivement, d'ici 2027, un nombre de 10 000 garde-frontières, au lieu de 1 500 actuellement, selon trois catégories : mise à disposition permanente, mise à disposition ponctuelle en fonction des missions ou mise à disposition simple. La France prend part à cet effort, notamment en mettant à disposition des « pafistes », c'est-à-dire des fonctionnaires de la police aux frontières (PAF). Actuellement, 170 Français sont en préalerte, et participent au corps d'urgence de 1 500 agents ; nous avons par ailleurs mis à disposition 474 personnels dans les hotspots. Voilà pour la participation française actuelle.

Au sujet des missions françaises à l'étranger, je réponds à M. Houlié et à M. Bru par la même occasion. La coopération avec les pays de départ ou de transit est financée par le Fonds fiduciaire d'urgence, éventuellement par des accords bilatéraux en fonction des États. Elle vise à renforcer les capacités de contrôle des frontières des États concernés. S'ajoute une action que nous menons plus en profondeur, qui a été l'objet du déplacement qui m'a conduit au Mali, une action de développement des investigations judiciaires pour lutter contre les réseaux d'immigration clandestine. Nous finançons un grand nombre de projets en ce sens. Au Mali nous participons à une mission de l'Union européenne intitulée EUCAP Sahel Mali, et une mission de même nature est menée au Niger. Nous finançons plusieurs groupes d'investigation pour lutter contre l'immigration clandestine dans ces pays.

Monsieur Bru, concernant les problèmes que rencontre votre circonscription, nous constatons effectivement une pression très forte sur la frontière franco-espagnole. La coopération avec nos partenaires espagnols est très importante. Dans le cadre du contrôle des frontières, nous avons renforcé la présence physique des forces de l'ordre à la frontière pour contrôler les flux. Je me suis rendu sur place – nous nous étions vu à cette occasion – pour rencontrer les personnels des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et de la PAF, qui sont principalement présents à Hendaye et à Biriatou. Parallèlement, la gendarmerie assure le contrôle des cols dits secondaires, où un certain nombre de passages ont lieu. Nous avons déployé un dispositif important. J'ai rencontré mon homologue espagnole, Mme la Secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur espagnol, qui m'a rendu visite en France. Nous sommes convenu d'actions de coopération judiciaire, en nous appuyant sur les centres de coordination qui existent aux frontières, notamment à Hendaye. Des actions judiciaires communes seront menées, impliquant des échanges d'informations de part et d'autre de la frontière. Comme je l'avais annoncé, un coordonnateur a été nommé. Il est chargé de travailler avec les autorités espagnoles, pour une meilleure articulation de nos dispositifs. Je me rendrai au pays basque, avec mon homologue espagnole, pour sa prise de fonction.

Plusieurs questions ont été posées sur les conséquences du Brexit sur la lutte contre le terrorisme et la coopération entre services de renseignement. La coopération entre les services de renseignement n'est pas influencée par le Brexit, car il s'agit d'une coopération hors traité, bilatérale ou multilatérale, selon des cadres informels. Il ne s'agit pas d'une coopération définie par l'Union européenne ; ces dispositifs d'échange vont donc continuer. M. Castaner s'est rendu à Londres et a rencontré son homologue britannique. Ces sujets ont été abordés. La coopération va continuer, les Britanniques y sont très attachés. Cependant, il faut garder à l'esprit que cette coopération peut utiliser des outils définis par les traités, tel que le Système d'information Schengen (SIS). Il nous faudra trouver des solutions rapidement. Je rappelle que le SIS est constitué de listes d'individus recherchés et inclut les combattants étrangers ressortissants de l'Union européenne, ce qui permet de les détecter en cas de contrôles. Je réponds ainsi, par la même occasion, à la question du suivi des combattants étrangers ; j'y reviendrai néanmoins. Il est important que les Britanniques aient toujours accès à ces alertes automatiques. Dans tous les cas, l'échange d'informations continuera.

Europol est un outil formidable qui permet de croiser un grand nombre d'informations, dès lors que des procédures judiciaires sont engagées, et qui permet de faire des recoupements et de définir des modes opératoires. Transférer les compétences pénales, qui pourraient être communautarisées, n'est pas à l'ordre du jour. Le plus important à l'heure actuelle est l'échange d'informations. J'émets là un avis personnel, sur une question qui relève aussi de la compétence de Mme Belloubet.

Madame Le Grip, il m'est plus difficile de répondre à vos questions. La première relève de l'ANSSI, et je ne saurais me prononcer sur ce règlement et sur la certification. Quant à votre seconde question, elle touche au secret de la défense nationale : je suis donc ennuyé de ne pouvoir vous répondre. Je peux seulement vous assurer que le développement de ces nouvelles technologies est une préoccupation du Gouvernement français. Les outils et les opérateurs suscitent des interrogations. La Commission européenne émettra probablement une recommandation, mais nous restons souverains concernant ces dispositifs. Nous avons à disposition les moyens techniques pour verrouiller tel ou tel dispositif. Une discussion a eu lieu sur ce sujet dans le cadre du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), en cours d'examen au Parlement. Même si je suis désolé de ne pouvoir vous répondre plus longuement, je tiens à vous rassurer, cette question fait partie de nos préoccupations. Nous voulons être sûrs que certaines technologies ne permettront pas de détourner des informations et de les mettre à disposition de services étrangers. D'où les précautions que nous prenons.

Concernant le retour des djihadistes, je souhaite apporter certaines précisions. Je n'ai plus en tête le nombre de combattants djihadistes européens, mais il est connu. Il doit être de 6 000 ou 7 000, mais je ne veux pas faire d'erreur. Pour les Français, 1 300 personnes ont rejoint les zones de combat, 300 sont décédées sur place, un peu moins de 300 sont revenues et 700 sont détenues sur zone. Des échanges ont lieu entre services de renseignement sur ce sujet, malgré l'absence de position harmonisée. Ce point ne figure pas à l'ordre du jour des discussions, mais cela pourrait être le cas à l'avenir, pour donner plus de force au Conseil de sécurité de l'Union que le Président de la République appelle de ses voeux. Cela étant dit, des échanges informels sont en cours, et les informations sur les combattants étrangers ressortissants de l'Union européenne sont transmises, pour pouvoir détecter l'entrée sur le territoire national. Il faut se féliciter de la richesse de ces échanges.

Un Brexit sans accord est désormais l'hypothèse la plus probable. La question portait sur les services de renseignement. J'ai répondu sur ce point. Le Gouvernement français travaille d'arrache-pied sur cette hypothèse d'un Brexit sans accord, qui mettra en question d'autres dispositifs, notamment notre capacité à absorber les contrôles aux frontières, avec un recrutement des douanes significativement renforcé. Les contrôles policiers seront accentués, avec de nouvelles formalités aux frontières. Des ordonnances ont été prises en vue d'un Brexit sans accord. Je pense notamment aux conditions de séjour des ressortissants britanniques, qui vivent actuellement sur le territoire national, et qui bénéficieront d'un certain délai pour régulariser leur situation.

La position du Gouvernement français sur le SIS II est une position allante et positive. Nous sommes partisans du partage du maximum d'informations, et de l'introduction du plus grand nombre de données, dont la biométrie. Notre volonté est également forte de parvenir à une interconnexion de l'ensemble de ces systèmes : biométrie et interconnexion, nous y sommes très attachés ! Notre volonté, notre participation et le poids que met la France dans ces discussions sur l'interconnexion sont importants. C'est un élément crucial pour la sécurité de nos concitoyens. Nous vous transmettrons des éléments chiffrés ultérieurement concernant le budget.

Beaucoup de questions portaient sur les échanges d'informations entre services de renseignement pour la lutte antiterroriste. J'ai répondu sur ce point.

Concernant le centre conjoint de coordination et de coopération à la frontière, il fonctionne. Avec le Brexit, il est d'autant plus nécessaire. Les échanges sont permanents avec notre partenaire britannique, notamment sur les franchissements de frontières. Nous sommes actuellement confrontés à de nombreux départs sur des embarcations de fortune. Un plan d'action a été mis en place par le préfet du Pas-de-Calais, sur le territoire national, pour assurer des patrouilles et éviter des départs, informer les loueurs et vendeurs de bateaux afin de détecter le plus en amont possible les tentatives de passage. Ce plan fonctionne bien. Deux séquences de départs plus nombreux ont eu lieu. Quelques-uns ont eu lieu récemment. Il faut relativiser le phénomène, qui n'est pas important ; toutefois, des personnes mettent en péril leur vie, et nous devons enrayer ces départs à tout prix. Des contrôles terrestres et en mer ont lieu, les derniers effectués par des navires français et britanniques, en parfaite coordination.

Parviendrons-nous à signer les trois textes du paquet « Asile » que nous avons dissociés ? Je n'en suis pas du tout sûr. Mais nous suivons de près l'adoption du règlement sur le retrait des contenus terroristes, qui est en cours de discussion au sein du trilogue, et qui est l'une de nos préoccupations fortes. Comme je le disais dans mon propos liminaire, les députés européens français sont très sensibles à ce sujet. Nous comptons beaucoup sur leur concours pour parvenir à l'adoption de ce texte, qui prévoit le retrait des contenus terroristes dans un délai d'une heure sur les plateformes. Nous vous ferons parvenir les éléments chiffrés plus tard.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.