Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 9h30
Pouvoir d'achat des français — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je tiens à présent dire un mot sur l'état de nos finances publiques, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, puisque Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont souhaité présenter le programme de stabilité du Gouvernement aux Échos plutôt qu'à l'Assemblée nationale. Vous abandonnez l'objectif d'équilibre en 2022, puisque le déficit public dépassera la barre des 3 % du PIB en 2019 et atteindra encore 1,2 % en 2022. Vous remettez à plus tard la réduction de la dette. Vous repoussez la suppression totale de la taxe d'habitation. Vous repoussez la diminution de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises – j'entendais encore hier le secrétaire d'État annoncer que cette promesse serait tenue pour 2022. Bref, on ne tient jamais ses engagements sur le moment mais on les remet à plus tard. Que dire, d'ailleurs, de l'ahurissant pataquès autour des retraites, avec, désormais, deux réformes à l'affiche : l'une qui ne touche pas à l'âge du départ à la retraite et l'autre qui au contraire le modifie ? C'est tout à fait incompréhensible, alors que l'enjeu est de 320 milliards d'euros et surtout que l'enjeu de vie est essentiel pour les Français.

Le poids des prélèvements obligatoires est plus important que sous François Hollande et la dépense publique, en 2018, a augmenté plus vite que sous le mandat de ce dernier. Lorsque vous affirmez qu'ils n'augmentent pas en volume, ce n'est pas tout à fait exact car le taux d'inflation, très important, masque une hausse des dépenses de l'État. Et quand le Gouvernement affirme qu'il est le premier, en trente ans, à avoir fait baisser la dépense publique, c'est évidemment faux.

Venons-en au fond de notre proposition. La politique que vous menez depuis bientôt deux ans a exacerbé des inquiétudes résultant de la longue stagnation du pouvoir d'achat qui a suivi la grande crise de 2007-2008. Le manque de dimension humaine dans vos réformes a surtout réveillé, chez nos concitoyens, un sentiment d'injustice jamais vraiment endormi : injustice sociale, injustice territoriale, injustice intergénérationnelle. En matière de fiscalité, votre politique a envoyé des signaux contradictoires dès la loi de finances pour 2018, en procédant, selon une vision assez technocratique, à des modifications d'ampleur des prélèvements obligatoires qui se sont traduites par une hausse de 4,5 milliards d'euros pour les ménages.

La ligne directrice alors affichée clairement par le Gouvernement et non démentie depuis lors est de faire payer aux retraités ce qui était présenté comme des mesures favorables au pouvoir d'achat des actifs. Nous l'avons dit et nous le répétons : les actifs n'ont jamais demandé à prendre l'argent de leurs parents et les retraités ont mérité leur pension après une vie de travail.

En commission, nos collègues de la majorité nous ont répété en boucle les chiffres publiés la semaine passée par l'INSEE, selon lesquels le pouvoir d'achat aurait augmenté de 1 % en 2018. Ils ont moins insisté sur deux faits : ce taux était en baisse par rapport à 2017 ; en outre, par unité de consommation, l'augmentation n'était plus que de 0,4 %. Surtout, les chiffres de l'INSEE, au niveau global, ne permettent pas d'appréhender le creusement des inégalités. L'OFCE – l'Observatoire français des conjonctures économiques – avait pour sa part montré, l'an dernier, que les mesures prévues par la loi de finances pour 2018 étaient largement favorables aux ménages aisés, dont le niveau de vie avait progressé de 1,6 %, tandis que celui des 5 % des ménages les plus modestes avait été amputé de 0,6 %.

Avec les textes financiers pour 2019 et la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales, le Gouvernement a apporté quelques corrections partielles aux erreurs que nous dénoncions depuis des mois ; je pense notamment à l'augmentation de la CSG – la contribution sociale généralisée – pour les retraités, au refus de l'exonération fiscale de la CSG et de la CRDS – la contribution pour le remboursement de la dette sociale – des heures supplémentaires et à l'augmentation de la fiscalité énergétique. Mais le Gouvernement a créé de nouvelles injustices qui mettent à mal notre pacte social, par exemple en décidant un quasi-gel des pensions, exposant les retraités à une lourde perte de pouvoir d'achat.

Compte tenu des mesures de rééquilibrage votées très rapidement à la fin de l'année 2018 et de l'augmentation naturelle des revenus en période de croissance, le pouvoir d'achat des ménages devrait globalement augmenter en 2019. Or les Français n'ont absolument pas ce sentiment, comme vous pourrez le remarquer. Surtout, il y a beaucoup de perdants, dont, je le répète, un grand nombre de retraités.

Aussi le présent texte a-t-il pour objectif de remédier au sentiment d'injustice exacerbé dont vous portez la responsabilité. La réponse que nous proposons consiste avant tout à redonner du pouvoir d'achat aux Français et à corriger les mesures que vous avez prises.

Il faut d'abord annuler les mesures de rabot prises par le Gouvernement à l'automne dernier. En effet, on ne fait pas baisser durablement la dépense publique en procédant à des coupes à l'aveugle. Le pays a besoin de réformes d'ampleur. Pourtant, votre gouvernement joue les Hibernatus depuis cinq mois, en attendant le dégel avec la fin du grand débat.

Les deux premiers articles de la proposition de loi rétablissent les règles de droit commun de revalorisation des pensions de retraite, des allocations familiales et des aides au logement.

Ce matin, Gérald Darmanin avançait à la radio que c'est votre majorité qui allait rétablir l'indexation des pensions ; or je note que c'est cette même majorité qui les a désindexées.

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