Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 15h00
Lutte contre la sur-réglementation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

On peut se demander si c'est vraiment une bonne formule.

De plus, pour le groupe Libertés et territoires, auquel j'appartiens, utiliser comme véhicule législatif une proposition de loi constitutionnelle ne semble pas adapté. Le texte fondamental ne peut faire l'objet, nous semble-t-il, d'une révision pour de telles dispositions. Son caractère suprême doit être respecté, ce qui signifie qu'il faut avoir, comme on dit, la main qui tremble avant de modifier la Constitution. Nous ne voyons pas la nécessité de réviser cette dernière pour lutter contre l'inflation législative qui touche nos entreprises et contre la surtransposition en droit interne de normes communautaires, car d'autres moyens d'atteindre cet objectif existent.

Pour notre groupe, c'est en faisant de bonnes lois que nous pourrons lutter contre les freins à la compétitivité des PME. C'est en changeant les pratiques que nous pourrons faire cesser cette production normative excessive.

Ainsi, lutter contre la sur-réglementation, c'est d'abord se pencher sur la qualité de ce qui est produit : sans doute faut-il faire moins et mieux. La révision constitutionnelle de 2008 a élaboré des outils qui le permettent en mettant notamment en place le cadre juridique nécessaire à un véritable progrès dans le domaine de la qualité de la loi. Ces outils, nous devons les utiliser et les renforcer si nécessaire.

Améliorer la qualité de la loi est un enjeu pour nos concitoyens et pour nous, en tant que législateurs : cela nous permettra de redonner à la loi toute sa signification, toute sa valeur, toute son autorité et, à l'arrivée, toute son efficacité. Nous devons agir le plus en amont possible de la préparation de la loi, en collaboration avec les différents acteurs que sont les ministères concernés et les corps intermédiaires. C'est ainsi que nous pourrons éviter, par exemple, des dispositions se contredisant et plaçant nos entreprises dans une situation d'insécurité juridique.

De plus, nous devons redonner du sens à la décision politique : l'exécutif et le législatif doivent se poser la question de la nécessité de chaque projet de loi ou proposition de loi. Interrogeons-nous, par exemple, sur la nécessité du texte soumis à notre examen maintenant : son adoption ferait-elle disparaître les freins normatifs à la compétitivité de nos entreprises ? Nous pensons que ce ne serait probablement pas le cas, notamment parce qu'il faudrait des moyens humains et financiers pour mettre oeuvre de telles dispositions et parce que ces moyens ne sont visiblement pas financés.

De plus, notre perception est que ce texte nous ferait courir le risque d'insérer dans notre arsenal législatif une loi supplémentaire qui ne bénéficierait guère aux acteurs économiques des territoires. Il nous paraît donc évident que l'impact de cette nouvelle législation serait, à la limite, contraire à ce que vous souhaitez.

Mes chers collègues, il faut se garder de légiférer à tout-va. La résolution d'une difficulté ou la mise en place d'un cadre juridique propice à nos entreprises ne passent pas forcément par l'élaboration d'une loi ; c'est d'ailleurs ce que vous voulez nous dire à travers ce texte. II nous faut donc avant tout, comme je l'ai déjà dit, privilégier la qualité de notre travail législatif.

C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires vous propose de renforcer l'utilisation des études d'impact, outils d'amélioration de la qualité des textes normatifs. Pour leur permettre de déployer pleinement leur potentiel, il faut cependant qu'elles soient engagées dès le début de la réflexion.

Enfin, pour mieux légiférer, il faut cesser de croire que toutes les décisions doivent être prises depuis Paris, par Paris et, trop souvent, pour Paris. Il faut cesser de considérer que la technostructure doit avoir le dernier mot face aux élus, car ces derniers connaissent les réalités quotidiennes des habitants, des entreprises et des associations de leurs territoires – vous savez que c'est un aspect des choses qui me tient à coeur. C'est aussi de cela que vient la tendance à la sur-réglementation : se couper trop souvent des territoires.

Procédons donc à un vaste mouvement de décentralisation ; dotons les collectivités territoriales d'une capacité à adapter les lois nationales aux spécificités locales, mais aussi d'un pouvoir d'expérimentation et d'un pouvoir réglementaire – je ne reviendrai pas, à cet égard, sur ce que nous souhaitons plus spécifiquement pour la Corse. C'est ainsi que nous parviendrons à légiférer de manière plus efficace.

Vous le voyez, les moyens d'améliorer la qualité de la loi existent. Ils doivent s'accompagner d'une véritable évolution dans les pratiques. Cela relève de la responsabilité de l'ensemble des acteurs du travail législatif.

Par ailleurs, nous avons conscience que la surtransposition des directives européennes peut constituer un frein à la compétitivité des entreprises et paralyser les initiatives en créant de trop nombreuses contraintes.

Cependant, inverser la tendance passe non pas, à notre avis, par une révision de la Constitution, mais, là encore, par un changement de nos pratiques : il s'agit avant tout d'une volonté politique.

Si le groupe Libertés et territoires souscrit pleinement à votre volonté de mettre un frein à l'inflation normative et à la surtransposition quasi systématique des directives européennes, nous pensons cependant que votre proposition de loi constitutionnelle n'est pas le bon moyen d'y parvenir.

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