Intervention de Christian Charrière-Bournazel

Réunion du jeudi 21 mars 2019 à 11h35
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Christian Charrière-Bournazel, avocat, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris :

Je suis totalement opposé à la réédition des pamphlets de Céline. Ces pamphlets ne sont pas des ouvrages intellectuels avec des thèses. Par le biais d'un site internet, j'ai réussi à m'en procurer un qui est édité en français aux États-Unis. C'est immonde. Rien ne justifie sa réédition.

Si, au nom de la liberté de l'imprimerie, l'éditeur, en l'occurrence M. Gallimard, veut le rééditer, c'est très simple : le délit est à nouveau commis à partir de l'édition nouvelle. Le délit ne sera plus celui de l'auteur : il est mort et l'action publique est éteinte à son encontre. Le délit sera celui de l'éditeur. En droit de la presse, c'est le directeur de la publication qui est considéré comme le premier coupable et non pas l'auteur de l'article. Ce dernier n'est considéré que comme le complice de l'éditeur. Et cela date de la loi de 1881. L'éditeur de l'ouvrage est l'auteur principal du délit porté par le livre. Son complice est mort et ne sera donc pas poursuivi. Peu importe. Je serai le premier à monter en ligne si les pamphlets de Céline sont réédités.

Faut-il aller plus loin et pour des ouvrages dans lesquels il y a des phrases terribles ? Faut-il ordonner leur suppression ? C'est un vaste sujet. Au moment de l'affaire Dreyfus, Maurice Barrès a dit : « Que Dreyfus ait été capable de trahir, je le conclus de sa race. » Même si elle n'est pas réimprimée, la phrase dite continue à flotter au-delà des siècles. Il existe partout des boulevards qui portent le nom de Maurice Barrès. Léon Bloy, le grand spiritualiste chrétien, a écrit que « le youtre moderne paraît être le confluent de toutes les hideurs du monde ». C'est extravagant. Va-t-il falloir interdire Léon Bloy ou exiger que des phrases de son livre – il y en a d'autres – soient supprimées ? C'est toute la question.

Quand il y a réédition d'ouvrages qui ne sont pas consacrés uniquement à la haine, il faut au moins une préface qui permette de replacer, dans un contexte ancien et sans complaisance, la phrase que l'on lit. Lorsqu'il s'agit de rééditer les pamphlets de Céline, qui ne contiennent aucune pensée, M. Gallimard explique qu'ils auront une visée pédagogique s'ils sont accompagnés d'une longue préface et de commentaires. S'il veut contribuer à l'éducation des jeunes gens qui liront sa préface et ses commentaires, il doit le faire à ses frais et de manière bénévole, comme les avocats qui plaident pour la LICRA, sans tirer le moindre profit de la réédition des livres.

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