Intervention de François Jolivet

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Jolivet, rapporteur spécial pour la Cohésion des territoires (logement et hébergement d'urgence) :

Je remercie les membres de la Cour pour leur contribution à notre réflexion. Je fais partie de ceux qui craignent le gouvernement des juges ; mais j'apprécie le travail d'analyse qui challenge les esprits – et notamment celui des parlementaires ! – et surtout qui ose balayer les habitudes de gestion publique parfois destinées à préserver la zone de confort de quelques agents publics et ministères.

Normalement, une dépense fiscale, c'est d'abord un renoncement à l'impôt pour l'État. Si les débats parlementaires peuvent expliquer pourquoi ces dépenses fiscales ont été créées, ce n'est pas toujours le cas. En outre, il s'agit parfois d'amendements du Gouvernement, déposés en séance sans étude d'impact préalable… Or toute dépense devrait obéir à un triptyque : concevoir, évaluer, mais avant tout exposer l'objectif recherché. Quel processus – y compris parlementaire – faudrait-il imaginer pour que le Parlement puisse légiférer en toute connaissance de cause ?

Comme l'a dit notre excellent rapporteur général, l'accès aux données est une vraie difficulté. S'agissant du logement, le Trésor – donc le ministère du budget –, le ministère en charge du logement et celui en charge de l'environnement sont compétents. Quand nous interrogeons les ministères compétents au fond, nous n'avons aucune réponse. Nous ne savons pas où sont construits les logements « Pinel » ou ceux financés par des prêts locatifs intermédiaires. Nous ne savons pas non plus où les contribuables ont fait le plus de travaux d'isolation ou d'amélioration de la performance du chauffage de leur logement.

Grâce au dispositif « Pinel » – je rends hommage à sa créatrice sur ce point – nous disposons enfin d'un début de doctrine sur la notion de dépense fiscale, avec un plafond de ressources, des plafonds de loyers et donc une mission d'intérêt général. Malheureusement, c'est actuellement très peu contrôlé. La doctrine ne se traduit donc pas dans les faits… Or je crois beaucoup à la politique par la preuve. Comment faire en sorte que la coordination interministérielle soit renforcée, afin de ne plus avoir, d'un côté, les ministères compétents au fond affirmant que l'annexe Voies et moyens leur attribue 18 milliards d'euros quand le Trésor, de l'autre côté, réaffirme régulièrement « les budgets, c'est ma chasse gardée » ? Comment accentuer l'arbitrage interministériel et l'animation ? Est-ce d'ailleurs une bonne chose que les niches fiscales soient gérées par le ministère en charge des fonctions supports qu'est le ministère de budget ?

Vous proposez de borner les niches fiscales qui ne le sont pas. Je rappelle aux commissaires qu'à l'unanimité, nous avions proposé en commission la suppression d'une niche fiscale, que l'Assemblée nationale l'avait également votée à l'unanimité et, finalement, quand le texte est revenu du Sénat, les petits chiens étaient sortis en alertant sur une possible remise en cause de la politique de l'accueil. Finalement, nous sommes revenus sur cette décision. Nous devons donc avoir quelques certitudes avant de borner une niche fiscale. Sinon cette anecdote se répétera et les niches perdureront… Comment fait-on pour borner ? Que faut-il inventer dans le bloc normatif français pour que l'État évalue véritablement ces niches ?

Quand je confronte les annexes Voies et moyens des projets de loi de finances pour 2019 et 2018, les montants des niches fiscales sont identiques au centime près. Est-ce de la chance ou une absence d'évaluation ? Parfois, ils sont même « non connus » ! Que pensez-vous de cette présentation des niches fiscales au Parlement ? On ne les évalue manifestement pas ; on ne dit pas la vérité aux parlementaires, peut-être par manque de moyens. Cela ne va pas dans le sens démocratique que nous souhaitons tous et qu'attendent nos concitoyens.

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