Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

En tant que membre de la commission des affaires culturelles, j'aimerais rappeler que l'enjeu qui nous préoccupe aujourd'hui n'est pas uniquement d'ordre fiscal. Sa portée est bien supérieure. Il y va, ni plus, ni moins, de la défense de notre souveraineté culturelle.

Les géants du numérique ne profitent pas uniquement de notre incapacité à les assujettir à l'impôt, mais également de nos faiblesses pour étendre leur domination culturelle, notamment par le biais de l'acquisition d'une myriade de sociétés locales oeuvrant dans le champ du numérique. Nous assistons à une tentative des GAFA d'imposer leur hégémonie culturelle. Cette tentative n'est pas directement le fait d'États, mais de sociétés surpuissantes échappant à toutes les normes, ou presque.

Notre fameuse exception culturelle, qui repose sur de puissants mécanismes de régulation, a permis de préserver la vitalité de notre création. À l'heure actuelle, elle n'est plus en mesure de résister à l'appétit insatiable des géants du numérique. Prenons un seul exemple : comment un producteur français, payant des impôts et des charges, tenu de réinvestir une partie de ses bénéfices dans la création d'une oeuvre future, peut-il rivaliser avec des géants qui ne font ni l'un ni l'autre ?

Deux options se présentent à nous. La plus simple – déréguler – est aussi la pire. À ce jeu-là, les GAFA auront toujours un coup d'avance. En outre, nous serions assurés de tuer toute forme d'indépendance culturelle, comme cela s'est produit par le passé en Italie et en Espagne. La deuxième option consiste à s'attaquer à ce monopole qui s'installe et à obliger les plateformes à se plier à notre régime fiscal ainsi qu'à nos règles d'imposition.

En tout état de cause, faute d'accord unanime des États membres de l'Union européenne, voire d'un accord au niveau mondial sous l'égide de l'OCDE, le présent projet de loi promet d'être vain. Pire : dans un univers où l'optimisation fiscale demeure la règle, y compris au sein du marché unique, le risque est grand de dissuader des entreprises de s'installer en France, sans parler de l'effet de seuil qu'il fait subir à nos propres sociétés.

En clair, voilà un dispositif qui, harmonisé au niveau européen, constituerait un réel progrès, mais qui, à l'échelle d'un pays isolé, risque de se transformer en une mesure contre-productive pour celui-ci. N'est-ce pas un comble ?

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