Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je ne vais pas intervenir sur l'avis du Haut Conseil des finances publiques – que nous n'avons reçu que ce matin, ce que je regrette – mais plutôt sur le programme de stabilité 2019-2022, que nous avons pu consulter et sur lequel porte l'avis du Haut Conseil.

Hier, j'ai écouté le premier ministre en séance publique. Il poussait une sorte de cocorico, très enthousiaste, sur les chiffres de l'OCDE pour les dix ans à venir. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que les chiffres du programme de stabilité contredisent un peu cet enthousiasme...

Premièrement, si on regarde la croissance prévue par le programme de stabilité de l'an dernier, on s'aperçoit qu'elle s'écroule cette année par rapport à ce qui était alors prévu : 2 % prévus en 2018, pour 1,6 % réalisé ; de la même manière, pour 2019, on est passé de 1,9 % à 1,4 %. Et encore cette dernière valeur a-t-elle été sauvegardée parce que des mesures ont été prises suite au mouvement des « gilets jaunes » ! Pour la période allant de 2020 à 2022, on voit que l'estimation passe de 1,7 % à 1,4 %. Vraiment, je ne vois pas sur quoi se base l'enthousiasme du Premier ministre, qui me semble bien optimiste.

J'en viens, deuxièmement, à la hausse du pouvoir d'achat. Il a augmenté cette année en raison des mesures prises en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Même si notre groupe les trouve largement insatisfaisantes et en partie biaisées, elles ont tout de même eu un petit peu d'impact. Mais on s'aperçoit que, dès 2020, l'augmentation du pouvoir d'achat n'est plus que de 1 % : manifestement, le Gouvernement n'entend pas continuer sur la voie d'une politique de relance.

Troisièmement, la décision a été prise de baisser les impôts. Selon le Premier ministre, c'est la conclusion à tirer du Grand débat. Mais cela signifie que toutes les améliorations attendues devront venir de la baisse des dépenses publiques, si l'on veut réduire les déficits de 3 % à 1,2 %. De ce point de vue-là, je trouve dommage que la seule ambition d'un gouvernement puisse être la baisse de la dette, notamment quand on a tant besoin d'investissements par rapport à la seule dette qui tienne : la dette écologique.

On nous annonce une baisse de l'impôt sur les sociétés : en tout, elle se chiffrera à 30 milliards d'euros sur le quinquennat Macron. Je pense que c'est un problème, car on n'en voit pas vraiment les effets sur l'emploi. En revanche, je m'inscris en faux contre la prétendue baisse de 14 milliards d'euros au profit des ménages, baisse annoncée hier dans Les Échos. D'abord, c'est confondre baisses d'impôts, dont une certaine partie recouvre d'ailleurs des mesures déjà prises, et baisse des cotisations sociales. Or ces dernières sont, je vous le rappelle, du salaire différé ! Ensuite, non seulement vous additionnez la baisse des impôts et la baisse des cotisations, mais vous ne tenez pas du tout compte de la baisse des prestations sociales qui découle de la baisse des cotisations. Autrement dit, vous prétendez abaisser de 14 milliards d'euros la pression globale des impôts et cotisations, mais vous ne comptez pas ce que cela va coûter aux Français !

J'en viens à mon dernier point, à savoir l'emploi. Si j'en crois Bruno Le Maire, le taux de chômage serait ramené de 8,6 % à 8,3 % d'ici à la fin du quinquennat. Cette baisse viendrait des transformations économiques, sociales et financières engagées par le Gouvernement, qui s'accorde là encore un satisfecit. Or, quand on lit le rapport, on voit qu'en réalité la hausse des décisions d'investissements en France est due à 26 entreprises seulement. La création d'emplois due aux investissements étrangers chute ainsi de 9 %, soit 1 000 emplois. Dans le secteur productif, la baisse est même de 30 %. Ces chiffres permettent de réfuter l'idée que la baisse de la fiscalité du capital et l'investissement de l'étranger auraient un effet mécanique sur l'emploi. Je pense qu'en réalité, ce serait plutôt une relance de l'activité, notamment une relance massive de la consommation populaire, qui pourrait produire un effet mécanique sur l'emploi.

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