Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

… mais c'est la seule réponse que je peux vous faire à ce stade pour expliquer cette différenciation.

La formation des hauts fonctionnaires et les conditions d'accès aux grands corps doivent retenir notre attention. Cette question ne peut se réduire à la seule École nationale d'administration, elle concerne toutes les écoles et les trois versants. L'égalité d'accès, que nous devons garantir, renvoie à la question des classes préparatoires intégrées et des instituts de préparation à l'administration générale (IPAG). Le dispositif ENA+2, expérimenté depuis quelques mois, oblige les hauts fonctionnaires ayant intégré deux ans plus tôt les grands corps à occuper un poste défini comme prioritaire, à Paris et dans les services déconcentrés. Cela permet aux administrations de bénéficier de la compétence et de l'expertise des élèves sortis dans le haut du classement et de garantir à ces derniers une expérience opérationnelle.

Le Président de la République et le Premier ministre ont demandé aux membres du Gouvernement, aux personnalités qualifiées, aux parlementaires et à tous ceux qui le souhaitent de réfléchir à ces questions, afin d'apporter une réponse aux remarques formulées dans le cadre du grand débat, qu'il s'agisse de la transparence des rémunérations ou encore de la possibilité, pour les directeurs des AAI, de cumuler leurs émoluments avec d'autres revenus – retraite ou revenus tirés d'autres activités. Peut-être devra-t-on effectivement envisager un écrêtement.

Monsieur Rebeyrotte, tout le monde s'accorde à dire que l'offre des centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale est très hétérogène et dépend de la taille des équipes, de leur engagement ou de leur expérience. Nous avons demandé au député Jacques Savatier et au sénateur Arnaud de Belenet de nous faire des propositions. Le centre national de la fonction publique territoriale – CNFPT –, tout comme la fédération nationale des centres de gestion – FNCDG – sont associés à cette démarche. Dans le cadre des ordonnances, nous pouvons travailler à des mesures visant à mieux coordonner l'action de la délégation régionale du CNFPT et celle des centres de gestion, à améliorer les schémas de mutualisation des centres de gestion au niveau régional et à clarifier les flux financiers et la répartition des compétences entre les deux entités.

Pour répondre à ces trois enjeux, je ne suis pas certain qu'il faille créer un établissement national ou une structure juridique différente de la fédération. Nous pouvons procéder autrement et avancer, en lien avec les centres de gestion. Il faut garder à l'esprit que la FNCDG est administrée par les élus, alors que le modèle du CNFPT est paritaire : c'est une différence fondamentale, à laquelle peuvent se heurter les tentatives de rapprochement.

À Jean-Louis Masson, qui a dû nous quitter, je répondrai que ce texte ne touche pas aux grilles indiciaires : cette discussion ne relève pas de la loi mais du dialogue social.

Si Arnaud Viala était encore présent, je lui dirais que la question de la prise en compte de l'usager dépend essentiellement de la loi ESSOC, dont l'objet est de changer les rapports entre usagers et administrations. Les dispositions du projet de loi relatives au reclassement ou à la continuité du service visent à libérer du temps et accroître la présence des agents au guichet, afin qu'il soit répondu plus rapidement aux besoins des usagers.

Arnaud Viala a également posé une question importante sur l'accompagnement des agents vers le secteur privé. Les départs seront toujours sur la base du volontariat. Nous souhaitons améliorer les conditions d'accès à l'indemnité de départ volontaire et permettre l'accès à la rupture conventionnelle. Celle-ci sera accompagnée d'une allocation de retour à l'emploi, sur un principe d'auto-assurance et donc d'autofinancement par les employeurs. Nous veillons également à la conversion public-privé du compte personnel de formation afin de garantir la portabilité des droits acquis au moment du passage d'un secteur à l'autre, voire des allers-retours.

Monsieur Blanchet, ce que vous proposez existe déjà : cela s'appelle la disponibilité pour convenance personnelle. Lors du conseil des ministres du 27 mars, j'ai présenté un décret qui vise à faciliter les retours après l'exercice de ce droit. Contrairement au détachement, qui garantit l'avancement et le déroulement de la carrière, la disponibilité pour convenance personnelle s'accompagne d'un gel de l'avancement. Il est prévu que l'avancement sera maintenu pour les fonctionnaires souhaitant faire valoir ce droit pour occuper un poste dans le privé, suivre un conjoint muté ou élever un enfant, pour peu que leur absence n'excède pas cinq ans. Cette disposition apparaît également comme un outil de réduction des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, dans la mesure où ce sont majoritairement les femmes qui sont amenées à faire usage de ce droit.

Monsieur Saulignac, vous m'avez interrogé sur la DGFIP. Nous nous éloignons du texte, mais je vous réponds avec plaisir ! Je partage votre constat : en dix ans, 1 200 perceptions, soit un tiers environ, ont fermé. Nous construisons un nouveau réseau, avec l'ambition d'instaurer de nouvelles méthodes. Les plans annuels d'aménagement et de restructuration des services, qui n'offraient aucune visibilité aux élus – nous l'avons constaté dans un département qui nous est cher –, deviendront pluriannuels. Notre deuxième objectif est d'augmenter le nombre de points de contact, grâce à des permanences conventionnées, fixes et organisées dans le temps, dans le cadre des maisons de service au public, afin de garantir un contact physique avec les usagers.

Les services des finances publiques ont déjà consenti beaucoup d'efforts, dans tous les départements. Il n'y aura pas d'extinction de service, ni de l'accueil. Celui-ci sera même renforcé, quitte à en modifier les conditions. De nombreuses perceptions expérimentent l'accueil sur rendez-vous, qui évite de longues attentes aux usagers et leur permet d'être accueillis par un agent spécialisé dans le sujet qui les concerne. La technique du contre-appel entre la prise de rendez-vous et le rendez-vous effectif permet souvent, en apportant un éclaircissement, d'éviter un déplacement inutile.

Dans les prochaines semaines, à l'initiative de Gérald Darmanin, nous annoncerons les principes de la réforme et demanderons à l'ensemble des directeurs départementaux des finances publiques de travailler avec les élus locaux et les parlementaires pour bâtir la carte du réseau des finances publiques en 2022 et en définir les étapes. Nous intégrons à cette réflexion la situation professionnelle des agents, dont nous savons qu'elle n'est plus acceptable dans un certain nombre de points de contact où ils peuvent se retrouver seuls et isolés lorsque les autres ETP ne sont pas pourvus, faute de recrutement ou à cause de congés pour raison médicale. J'aurai à m'occuper assez directement du département qui nous est cher.

Madame Ménard, l'instance unique que nous envisageons de créer – le comité social d'administration, territorial ou d'établissement – aura pour compétence l'organisation et le fonctionnement des services, c'est une reprise intégrale de la compétence des comités techniques. Il aura un rôle stratégique en matière d'orientation des politiques de ressources humaines – accès au recrutement, à la formation, à la mobilité, à la promotion, égalité professionnelle, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le comité sera consulté sur les lignes directrices de gestion en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours professionnels. Il reprendra enfin intégralement les compétences des CHSCT en matière de protection, de santé physique et mentale, d'hygiène et de sécurité ; nous avons veillé à ce qu'aucune ne disparaisse dans la fusion des deux instances.

Monsieur Houlié, je vous confirme que ce texte ne comporte aucun objectif quantitatif en matière de suppression, ni même d'ailleurs de création d'emplois, puisque cela relève de la loi de finances.

Monsieur Paris, la rupture conventionnelle n'est pas le seul outil de mobilité, nous avons aussi prévu de généraliser l'affectation en position normale d'activité. De fait, et pour répondre à Stéphane Peu, nous pouvons faire mieux en termes de mobilité : actuellement, seuls 4 % des agents changent de poste chaque année et 0,4 % changent de versant. La mobilité est très limitée, et bien moindre que dans le secteur privé. Permettez-moi de prendre un exemple très technique, mais le texte l'est tout autant : aujourd'hui, un employeur territorial désireux de recruter en détachement un agent de l'État devra, en tant qu'employeur territorial, cotiser au titre de la retraite à hauteur de 32 % ; s'il désire procéder à une intégration directe, il devra cotiser au même niveau que l'Etat, soit 76 %. Nous souhaitons neutraliser ce différentiel de 40 points de cotisation, qui renchérit considérablement le poste.

Pour la rupture conventionnelle, nous prévoyons une procédure d'homologation, comme dans le secteur privé. Les agents pourront bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi grâce à l'auto-assurance, ce qui permet de réguler le système et d'éviter les recours abusifs. Durant toute la procédure, l'agent pourra être accompagné du conseiller syndical de son choix. En cas de rejet par l'agent de la proposition, le conseiller aura pour rôle d'alerter, afin que l'agent ne fasse pas l'objet de représailles liées à ce refus. C'était une demande des organisations syndicales, que nous avons intégrée.

Madame Guerel, nous ne prévoyons pas de quotas de contractuels, ni minimums, ni maximums : le recours aux contractuels est une possibilité, non une obligation.

Robin Réda a demandé que la mise en oeuvre d'un intéressement collectif ne soit pas uniquement réservée à la FPH. Il se trouve que des dispositions prévoyant l'intéressement collectif existent déjà pour la FPE et la FPT ; elles sont peu connues et gagneraient à être mises en lumière. L'article 13 ne vise qu'à harmoniser les dispositions entre les trois versants.

Votre rapporteure, Émilie Chalas, est l'auteure d'un excellent rapport pour avis sur le PLF 2019 qui traite de la question du management dans la fonction publique. Nous pourrions envisager ensemble un certain nombre de mesures visant à la formation préalable des agents appelés à exercer des fonctions d'encadrement.

Le champ des ordonnances, Marietta Karamanli l'a souligné, est effectivement très étendu. Je le répète, nous ménagerons un temps de concertation avec les organisations syndicales, les employeurs publics, les parlementaires qui le souhaitent. Si le Parlement souhaite préciser les conditions de l'habilitation, les objectifs et les modalités de concertation, je me montrerai très ouvert aux propositions. Nous partageons les mêmes objectifs.

Sans espérer vous convaincre, madame Obono, je vous répète que le statut de la fonction publique n'est pas remis en cause. En matière de luttes contre les violences et les discriminations sexistes et sexuelles, nous souhaitons généraliser les dispositifs de signalement à l'ensemble des employeurs, y compris par mutualisation pour les plus petits d'entre eux. Nous veillons à ce qu'ils soient parfaitement appliqués.

Vous avez évoqué le « rapport L'Horty » : nous avons travaillé avec cette équipe sur les discriminations sexistes ou sexuelles au recrutement ou dans l'exercice quotidien, sur les risques de discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. Nous attendons la suite de leurs travaux, sur les autres discriminations, notamment raciales. Nous veillons à ce que la fonction publique soit exemplaire en la matière. Les premiers travaux montrent que, dans ce domaine comme dans d'autres – inégalités de rémunération, d'accès aux emplois de direction, inégalités d'accès à l'emploi pour les personnes en situation de handicap –, elle n'a pas à rougir par rapport au secteur privé. Mais le fait d'être un peu meilleur ne signifie pas que c'est suffisant, et il y a encore beaucoup de progrès à faire !

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