Intervention de Nathalie Groh

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des Dys :

Je répondrai aux trois premières questions, puis je laisserai Mme Philibert aborder le projet « Atout Dys ».

Le paysage des formations sur les troubles « dys » dans les ESPE est assez disparate. Je prendrai l'exemple de la Bourgogne, qui est assez dynamique en la matière. Il existe un module de douze heures en master 1 et un module de dix-huit heures en master 2. Mais ceux-ci sont consacrés en grande partie aux élèves à besoin éducatif particulier. Dans cette catégorie, on englobe toutes les difficultés rencontrées par les enfants et les jeunes – primo-arrivants, enfants du voyage, élèves précoces, etc. – et on confond ainsi plusieurs champs. Plutôt que de s'adapter aux spécificités, on répond de manière globale. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on pense que la même recette fonctionnera pour tout le monde. Or ce n'est pas le cas. Il faut comprendre comment l'enfant fonctionne au plan cognitif, donc expliquer ce que sont les troubles « dys ». Une différenciation pédagogique est donc nécessaire et il convient de bien prendre en compte les insuffisances des « dys ».

Les enseignants qui donnent des cours dans les ESPE m'ont expliqué qu'ils n'appréhendent le plus souvent ces questions qu'à travers le prisme de leur évaluation, pour l'essentiel disciplinaire, tout en visant des objectifs communs à tous les élèves, qu'ils soient atteints ou non d'un trouble « dys ». Ils pourraient proposer des tâches variées, mobiliser les différentes fonctions cognitives, s'ils parvenaient à appréhender comment l'enfant fonctionne, au lieu de rester fixés sur une solution unique. Les parents nous disent que, pour apprendre à lire à leur enfant, ils doivent le faire répéter. Or, cela ne fonctionne pas pour un enfant atteint de dysphasie. C'est pourquoi il faut un maillage entre les professionnels de santé et, par exemple, l'orthophonie pour le langage écrit et oral, et les associations qui se sont spécialisées dans le handicap. S'il suffisait de mettre des lunettes à un enfant myope, ça se saurait ! Il faut donc s'appuyer sur les compétences acquises ailleurs tout en donnant une formation initiale aux troubles proprement dits. Tous les enfants pourraient en bénéficier, et pas seulement ceux qui sont atteints d'un trouble « dys ».

Vous demandez également si les professionnels de santé libéraux peuvent entrer dans les écoles. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, depuis 2009, des conventions avec les établissements peuvent prévoir l'intervention de ces professionnels, via les SESSAD. Pour un enfant atteint d'un trouble « dys », cela suppose d'avoir une notification MDPH et une place en SESSAD pour pouvoir bénéficier de soins à domicile. Prenons l'exemple d'enfants dyslexiques, dysphasiques ou dyspraxiques qui ont besoin de plusieurs intervenants. Cela suppose des emplois du temps de ministre, puisqu'il faudra quatre interventions par semaine ! S'il était possible qu'une ergothérapeute et une orthophoniste viennent à l'école, cela arrangerait tout le monde et d'abord l'enfant qui n'aurait pas besoin de prendre un taxi pour aller à droite et à gauche, et cela permettrait surtout d'établir des relations au sein même de l'école, car l'enseignant a besoin de comprendre comment, dans un groupe de trente élèves, il va pouvoir mettre en oeuvre ce que le professionnel de santé peut faire en bilatéral.

Des expérimentations ont été faites dans le Nord. Des orthophonistes sont entrés à l'école pour montrer aux enseignants de la maternelle comment repérer les enfants atteints de troubles du langage oral. Mais cette opération, qui a duré deux ou trois ans, est maintenant terminée. Elle n'a pas été généralisée, alors que les enseignants sont vraiment demandeurs.

Certains pays européens autorisent les orthophonistes à entrer dans l'école. Il peut intervenir pendant deux ans, sur un enfant dont le trouble est sévère et qui nécessite une prise en charge intensive, de deux à trois heures par semaine. Cela permet donc une intervention précoce. De plus, le coût pourrait n'être pas si important : plutôt que de dépenser de l'argent dans des déplacements ou de contraindre les mamans à arrêter partiellement de travailler, il serait possible de mettre en place ce maillage entre le secteur médico-social et les professionnels libéraux, sans qu'on ait l'impression que ces professionnels libéraux deviennent membres de l'Éducation nationale. Cela décloisonnerait le système et rendrait service aux enseignants, aux familles et surtout aux enfants.

Les troubles du neuro-développement regroupent l'autisme, les « dys », le TDAH et les troubles du développement intellectuel. Voilà ce que vous avez caractérisé dans la loi, mesdames, messieurs les députés. Mais le décret limite à six ans le forfait de dépistage. Or la démarche pour poser le diagnostic de la dyslexie ne peut pas être entreprise avant le cycle 2. En effet, vous ne pouvez pas commencer à faire passer des tests de dépistage de la dyslexie dès la petite ou la grande section car il faut attendre l'apprentissage de la lecture. Bien sûr, il ne faut pas surmédicaliser – nous avons bien entendu le ministre sur ce point ; mais, si l'on n'a pas droit au forfait précoce, alors le reste à charge qui pèse sur les familles pour l'établissement d'un diagnostic qui ne relèverait pas de l'orthophonie – prise en charge par la sécurité sociale – sera très important : il faudra financer l'ergothérapeute, le psychomotricien et le neuropsychologue. Comme la HAS considère qu'un seul professionnel ne peut pas poser le diagnostic, il faut regarder tous les champs pour savoir exactement quels sont les troubles spécifiques du langage et des apprentissages qui affectent l'enfant et faire appel à une équipe pluridisciplinaire. Puis une synthèse médicale est réalisée par un médecin spécifique formé à cette fin. Donc, à nos yeux, la loi est rédigée de façon pertinente mais le décret pose un problème.

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