Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 21h30
Jeunes majeurs vulnérables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Il s'agit très certainement, madame la rapporteure, du fruit de votre travail réalisé ces dernières semaines avec M. le secrétaire d'État, Adrien Taquet. Vous proposez ainsi que le département puisse conclure avec le jeune majeur, s'il le demande, des contrats d'accès à l'autonomie.

Les départements devront alors s'engager à orienter le jeune vers les dispositifs correspondant à ses besoins éducatifs ou professionnels, garantir un accès à un logement ou à un hébergement, l'accompagner dans ses démarches d'accès aux droits et aux soins, assurer le cas échéant un accompagnement éducatif.

Il est judicieux de renforcer les obligations des départements et de préciser leurs missions mais nous regrettons que ce contrat ne soit pas systématique, et qu'il soit subordonné à la demande effective du jeune.

Nous craignons en effet que l'objectif premier de la proposition de loi, qui était de rendre l'accompagnement systématique, perde de l'efficacité. Comment s'assurer que les jeunes en mesureront tout l'intérêt pour en faire la demande, et surtout qu'ils le feront effectivement. Nous ne pouvons évidemment pas obliger ceux qui ne souhaitent pas être accompagnés à l'être, mais n'y a-t-il pas un risque de non-recours à garder une telle formulation ?

Nous attendons donc que le Gouvernement et la rapporteure nous éclairent à ce sujet.

Nous attendons également des précisions quant aux amendements qui tendent à remettre en cause les deux entretiens de suivi, après la majorité, à six mois d'intervalle. Ce dispositif, adopté en commission, complétait l'obligation d'entretien pour tout mineur accueilli un an avant sa majorité afin de dresser un bilan de son parcours et d'envisager les conditions d'accompagnement vers l'autonomie. Il s'inscrivait dans une véritable logique de parcours et d'évaluation continue.

Si cette obligation peut sembler lourde pour les départements, et perçue comme une forme de pression par les jeunes concernés, nous regrettons cependant de laisser la seule et unique initiative aux jeunes volontaires.

De surcroît, notre groupe souhaite insister sur les inégalités territoriales.

Plus qu'une question de volonté, c'est en réalité une question de moyens. Il ne s'agit pas de pointer du doigt les départements pour les culpabiliser mais de souligner leur manque de financements et de ressources afin de proposer un accompagnement efficace, à la hauteur des besoins des jeunes concernés.

Depuis les années 1980, l'aide sociale à l'enfance est une compétence des départements qui dépensent plus de 7 milliards chaque année à ce titre. Malheureusement, leurs ressources sont insuffisantes alors que les besoins augmentent.

Ainsi, si notre groupe est attaché à la liberté d'action des territoires, celle-ci doit correspondre à une volonté et à des besoins, et non pas être contrainte par des choix budgétaires. Il est urgent de doter les départements en ressources afin de mener une politique efficace en faveur de l'insertion des jeunes.

La responsabilité de l'État est en jeu, aussi vous interrogerons-nous quant au financement. Comment s'assurer que l'État compense à hauteur des besoins, sachant qu'en commission, Mme la Rapporteure a estimé à environ 67 millions la charge pour l'État ? Je vous ai écouté attentivement, monsieur le secrétaire d'État. Vous avez assuré que l'État serait au rendez-vous : nous l'espérons.

J'en viens au dernier point : quelle politique de protection de l'enfance entend mener ce Gouvernement ?

Mon groupe Libertés et Territoires est évidemment favorable à cette proposition de loi, qu'il soutiendra mais nous attendons, comme beaucoup sans doute, davantage de mesures, et nous nous interrogeons quant au calendrier législatif et gouvernemental.

Nous avons suivi les annonces du plan pauvreté, qui ont eu lieu en septembre dernier. Nous avons accueilli favorablement votre nomination comme secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, et nous serons attentifs aux conclusions de la concertation prévues pour cet été.

Par ailleurs, en février dernier, nous avons eu connaissance d'une stratégie présentée par Christelle Dubos et vous-même qui consiste à signer des conventions avec les départements. Comment ces dispositifs s'articuleront-ils avec cette proposition de loi ?

En définitive, nous nous interrogeons simplement sur la place de cette proposition de loi dans la stratégie du Gouvernement, dans le domaine de la protection de l'enfance et de la lutte contre la pauvreté.

Malgré ces interrogations, nous sommes convaincus que ce texte permettra à tous ces jeunes d'envisager leur future vie avec confiance et l'espoir d'un avenir meilleur.

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