Intervention de Michèle Victory

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

L'incendie qui a détruit une partie de la cathédrale Notre-Dame le 29 avril nous a bouleversés et a ému au-delà de Paris, de nos frontières et de la communauté catholique : c'est un symbole fort de notre histoire collective patrimoniale qui partait en fumée, provoquant une grande tristesse. Une nouvelle fois, il nous faut rendre hommage à nos pompiers et à leur formidable engagement, grâce auquel cet édifice porteur de tant de vibrations collectives reste, malgré tout, fier et debout.

Il n'est pas question, pour le groupe Socialistes et apparentés, d'ouvrir une polémique sur l'intention du Président telle qu'elle s'exprime dans ce texte. Cependant, nous souhaitons relayer quelques inquiétudes. D'abord, celles de la communauté scientifique des spécialistes des rénovations. En effet, 1 170 conservateurs de notre pays regrettent la précipitation dans laquelle le Président a souhaité présenter ce projet de loi, en fixant un délai de cinq ans pour la construction du bâtiment, et demandent que l'on donne à tous les futurs acteurs de ce chantier le temps nécessaire à une reconstruction à la hauteur de la valeur inestimable de Notre-Dame. Comment peut-on, avant même qu'un projet architectural ait vu le jour, parler de délais sans prendre le risque de céder à l'impatience ou aux enjeux liés au poids du tourisme, par exemple ? Ne renonçons pas à la complexité de la pensée au profit d'un affichage d'efficacité !

Nous souhaitons également exprimer l'inquiétude, partagée par ces professionnels, que cette loi de circonstance ne crée des conditions d'exception en matière de rénovation du patrimoine. Nous déplorons, comme eux, que le Gouvernement ait choisi, à l'article 9, de prévoir de trop nombreuses mesures dérogatoires au droit commun, particulièrement en matière d'urbanisme, d'archéologie préventive, d'environnement et de marchés publics. Au moment où l'enjeu environnemental doit être au coeur de nos politiques publiques, il nous semble primordial que les règles soient scrupuleusement respectées et que cette rénovation s'appuie sur les nombreuses compétences rassemblées au sein du ministère de la culture.

Face à l'émotion qui a dépassé les frontières, la France souhaite ouvrir une coopération internationale, et plus précisément européenne, afin de partager les savoir-faire et les compétences. L'idée est séduisante – les dons venant de l'étranger se montent déjà à 24 millions d'euros. Nous sommes favorables à un mécanisme propice à une solidarité nouvelle sur les questions relatives au patrimoine, sous réserve que la provenance de ces fonds fasse l'objet d'une grande vigilance.

Une autre inquiétude de notre groupe concerne la création d'un nouvel établissement public dédié à la reconstruction. Les différentes fondations existantes ne pourraient-elles pas assumer les missions que vous souhaitez confier à ce futur établissement public ? Si celui-ci est finalement créé, nous souhaitons que la transparence y soit assurée par un contrôle parlementaire régulier, comme l'ont été, par le passé, d'autres souscriptions. Nous souhaitons également que la gouvernance en soit affinée.

Par ailleurs, les modalités de la souscription ne bénéficieront pas à l'ensemble des Français. En effet, la moitié d'entre eux, ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, se trouvent de facto exclus du dispositif de soutien fiscal. Nous avons donc fait, en commission des finances, un certain nombre de propositions, que nous défendrons de nouveau, pour que tous ceux qui le souhaitent puissent participer à cet élan de solidarité.

Nous le savons, les Français sont attachés au patrimoine, à nos 42 292 monuments historiques répartis sur l'ensemble du territoire. Mais ils sont également sensibles à l'idée que cet effort sans égal puisse avoir des répercussions sur le petit patrimoine. Les promesses de dons s'élèvent déjà à plus d'un milliard, alors que le budget de financement du patrimoine bâti atteint, quant à lui, 637 millions, dont 326 seulement proviennent du ministère de la culture… J'ajoute, à ce propos, qu'un travail important doit être fait pour que les 2 000 oeuvres abritées dans la cathédrale puissent être sauvées et demeurer accessibles.

Enfin, mes chers collègues, au-delà de toute polémique, je souhaite que nous soyons attentifs à la force des symboles, même lorsqu'ils ne nous parlent pas de nos grands hommes, ceux que l'histoire retient. Le 26 janvier 2007, la nation rendait hommage à l'abbé Pierre, pourfendeur de la misère et du manque de volonté politique des hommes. Dans ce texte qui entend mettre en exergue l'attachement de la nation à son patrimoine, nous souhaitons que soient présents l'esprit et les valeurs qui nourrissent notre histoire dans ses représentations les plus extraordinaires.

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