Intervention de Jacques Percebois

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 17h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jacques Percebois :

Avant la loi de nationalisation de 1946, la France comptait près de 1 500 entreprises d'électricité et les prix variaient largement d'une région à l'autre. Dans la région de Grenoble, par exemple, le prix de l'électricité était plus faible grâce à l'hydraulique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de gros industriels s'y sont installés. En créant la péréquation spatiale, qui est à mon avis une bonne chose, la loi de nationalisation a permis une neutralité du territoire et l'interconnexion du réseau français.

Par ailleurs, les électriciens européens ont compris la nécessité de s'interconnecter avant même la création de l'Europe. L'Europe de l'électricité a précédé l'Europe économique dans la mesure où dès les années 1950, l'Union de coopération des producteurs et transporteurs d'électricité (UCPTE) permettait de faire du secours mutuel en interconnectant le réseau. À l'époque, il ne s'agissait pas de se vendre massivement de l'électricité, mais d'assurer la sécurité du réseau : plus il est interconnecté, plus l'on peut faire appel au réseau d'à côté en cas de difficultés. Certes, si un réseau allemand était fragile à un certain moment, par exemple, cette fragilité pouvait se répercuter sur le réseau français. Mais les interconnexions avaient globalement du bon.

Avec la création de l'Europe économique, l'interconnexion des réseaux s'est traduite par une volonté d'exporter et d'importer de l'électricité. Les industriels allemands ont considéré qu'ils devaient pouvoir acheter directement à EDF pour bénéficier de tarifs plus bas. C'est cela, l'Europe ! Évidemment, l'on pourrait considérer que dans la mesure où nous avons la chance d'avoir de l'électricité moins chère que les autres, nous devrions nous replier sur notre réseau national. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne solution. À certains moments en effet, nous sommes bien contents d'acheter de l'électricité aux Allemands, ne serait-ce qu'en période de pointe. Il arrive même que nous arrêtions des centrales en France pour acheter de l'électricité allemande moins chère car l'électricité renouvelable est très développée dans ce pays. En définitive, nous avons donc intérêt à rester interconnectés.

J'ajoute que nous parlons aujourd'hui des microgrids, mais que je reste dubitatif sur ce point. En effet, je reviens au problème du foisonnement : le grand mérite du réseau interconnecté est le foisonnement. Si deux ou trois consommateurs ont chacun besoin de 10 kW et si chacun produit son électricité, il faut construire trois fois 10 kW. Mais s'ils sont interconnectés, vous pouvez ne construire que deux fois 10 kW, car tout le monde n'appellera pas le réseau au même moment – à l'exception de la pointe. Aujourd'hui, certains envisagent même des réseaux mondiaux interconnectés. Il existe ainsi un projet chinois de la route de la soie électrique, un peu pharaonique mais qui mérite d'être pris au sérieux, qui consiste à envisager un réseau à ultra haute tension pour envoyer de l'électricité partout en Europe. En effet, le nord-ouest de la Chine dispose de beaucoup d'électricité renouvelable, parfois même trop. En outre, plus la tension est élevée, moins il y a de perte en ligne.

Où est la solution ? Je n'ai pas la réponse ! En tout état de cause, je pense qu'il y a de la place pour les réseaux locaux et les réseaux interconnectés. Je reste simplement un peu réservé quant aux grands réseaux interconnectés. Je pense aux projets Désert Tech qui consistaient à installer des équipements photovoltaïques dans le Sahara pour alimenter l'Europe : on craint parfois la dépendance à l'égard du gaz russe, mais celle à l'égard de l'électricité du Sahara serait, à mon avis, dramatique. En effet, si l'on peut stocker le gaz, il est possible de couper l'électricité de façon instantanée. Je signale, à cet égard, que chaque pays est maître chez lui. Aujourd'hui, le pays qui dépend le plus des importations est l'Italie, avec un taux supérieur à 10 %. Mais la production d'électricité est d'abord nationale. C'est d'ailleurs ce qui explique que les coûts de production de l'électricité sont très différents d'un pays à l'autre.

En somme, je ne suis pas certain que le repli sur soi soit la bonne solution.

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