Intervention de Sabine Rubin

Réunion du lundi 29 avril 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Nous aussi, membres du groupe La France insoumise, avons tous été affectés par le terrible spectacle de cette cathédrale en proie aux flammes. La réaction de l'opinion populaire fut à la hauteur de l'événement. Des millions de personnes, en France et dans le monde, ont exprimé leur désarroi, des milliers de Parisiens, croyants ou non, se sont retrouvés devant l'édifice, mais, à peine les cendres commençaient-elles à refroidir, que tout s'est emballé. Les grandes familles, telles des reliques de l'Ancien Régime, ont décidé de sortir du bois, ainsi que leur carnet de chèques : 100 millions d'euros d'abord ; puis, très vite, presque 1 milliard d'euros ; enfin une véritable loterie et une surenchère. Permettez-moi quand même de rappeler, face à cette course aux dons, que la Fondation Abbé Pierre estime qu'un plan « zéro SDF dans nos rues », qui créerait 38 000 places d'accueil, coûterait 700 millions d'euros. Je sais que les personnes à la rue ne suscitent pas la même émotion que la cathédrale, mais je tiens à le signaler.

Je reviens à nos milliardaires. Accomplissent-ils un acte noble ? Font-ils oeuvre de charité chrétienne ? J'aurais aimé le croire, mais hélas le doute pèse désormais sur la philanthropie des ultra-riches. En effet, nous avons constaté, la première année après la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune, une baisse de 50 % des dons aux organisations non gouvernementales, fondations et autres organismes. Les tentatives de porter à 90 % le taux de défiscalisation des dons ne font que confirmer nos doutes, puisque ce serait une façon non seulement de gagner de l'argent sur le dos des contribuables mais également d'orienter la politique budgétaire du Gouvernement... à moins que cette affluence de dons ne marque le retour aux indulgences, apparues au IIIe siècle de notre ère, ces indulgences dont la pratique inspira l'un des principaux reproches faits par la Réforme à l'Église catholique, ces indulgences supposées s'obtenir par un acte de piété accompli dans un esprit de repentir. Nos grandes familles cherchent-elles précisément l'absolution de leurs péchés fiscaux ? L'évasion fiscale, ce sont, je tiens à le rappeler, 2,5 milliards d'euros pour François Pinault et son groupe Kering, plus de 20 filiales offshore pour Bernard Arnault et le groupe LVMH. Je mentionnerai aussi le groupe Total, épinglé dans les Paradise Papers, mais la liste est encore longue, vous le savez.

Et quelle a été l'attitude de notre Président de la République ? Selon moi, il a fait preuve d'une véritable indécence, transformant le nécessaire recueillement national en une vaste opération de communication, relayée bien sûr par les chaînes d'information en continu : d'abord cette allocution présidentielle en lieu et place des annonces qui étaient attendues, puis ce délai de restauration intenable et maintenant ce projet de loi qui nous réunit aujourd'hui. Comment qualifier autrement que de « fait du prince » la volonté de ce monarque de voir Notre-Dame restaurée en cinq ans ? Quelle outrecuidance d'afficher ce délai quand plus de 1 000 experts – architectes, restaurateurs et autres – nous alertent par une tribune publiée dans Le Figaro !

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