Intervention de Brune Poirson

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h00
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

En espérant que vous n'y verrez aucun paternalisme de ma part, je veux vous dire que vous avez raison de ne rien lâcher, car votre mission est d'une importance fondamentale, et nous devons continuer à travailler main dans la main, dans le souci de la plus grande transparence possible.

Pour ce qui est des négociations entre les différents États européens, il y en a eu d'officielles et d'autres beaucoup plus informelles. Ne nous voilons pas la face, pour la France, la défense d'une position très ambitieuse en matière de sortie du glyphosate a été un vrai combat au niveau européen.

Je tiens tout d'abord à rappeler que la France n'a jamais changé de position. Nous avons toujours été le seul pays à exprimer systématiquement une position favorable à une autorisation inférieure à cinq ans : notre ligne n'a jamais varié depuis le début.

Je veux également souligner que cette position a été défendue de manière unanime et transversale au sein du Gouvernement : plusieurs ministres, dont le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et moi-même, n'ont cessé d'échanger avec leurs homologues européens pour faire connaître la vision et les objectifs de la France. Il faut bien dire que, pour nombre de pays, la position de la France en matière de sortie du glyphosate était difficilement compréhensible, car le glyphosate est un produit très utilisé par les agriculteurs européens, et je mentirais en vous disant que la position française a été accueillie dès le départ avec beaucoup d'enthousiasme et que nous avons réussi à rassembler rapidement des alliés autour de nous.

En fait, les positions des États membres se sont précisées au fur et à mesure des différents votes qui se sont tenus. En effet, l'évolution s'est faite par étapes, entre la première proposition de réapprobation du glyphosate pour quinze ans présentée par la Commission en 2016 et le volet en comité d'appel du 27 novembre 2017 pour le renouvellement de l'autorisation de la substance active glyphosate pour cinq ans. Finalement, ce sont huit États membres qui ont adopté et défendu la même position que la France en Europe, à savoir la Belgique, la Grèce, la Croatie, l'Italie, Chypre, le Luxembourg, Malte et l'Autriche – le Portugal s'étant pour sa part abstenu.

Si la France et l'Italie ont soutenu la même position tout au long des débats, pour ce qui est de l'Allemagne, elle a fini par adopter une position assez proche de la nôtre à l'issue d'un gros travail de négociation, entrepris grâce à une importante mobilisation de nos partenaires européens – une mobilisation que je vois comme un grand succès pour la France.

Partant de la proposition initiale d'une autorisation pour quinze ans, nous avons soutenu une position visant à une autorisation pour moins de cinq ans, pour obtenir finalement, de haute lutte, une autorisation pour cinq ans. Nous avons désormais pour objectif de convaincre les autres États européens et c'est ce que nous faisons. À chaque fois que j'ai l'occasion de me rendre à Bruxelles – c'est souvent à l'occasion d'un conseil des ministres de l'environnement européens –, j'organise la veille au soir, de façon informelle, un dîner au cours duquel je fais en sorte que nous parlions systématiquement de la sortie du glyphosate et de la transformation du modèle agricole européen. Nous sommes animés par une triple motivation : premièrement, éviter la concurrence déloyale en Europe afin de protéger nos agriculteurs et leurs revenus ; deuxièmement, protéger la santé des Français et, plus largement, des Européens, en faisant en sorte qu'ils puissent bénéficier d'une alimentation saine ; troisièmement, enfin, nous assurer que la nature est préservée.

C'est là un combat permanent mené par la France au niveau européen, comme l'a confirmé le Président de la République dans sa tribune du 4 mars dernier, dans laquelle il affirmait sa volonté que soit réduite de moitié la quantité de produits phytosanitaires utilisés d'ici à 2025. C'est également une position extrêmement ambitieuse et difficile à tenir au niveau européen, car il n'est pas toujours aisé de convaincre nos partenaires de l'Union.

Pour ce qui est de la politique agricole commune après 2020, je vous confirme que la réduction du recours aux produits phytopharmaceutiques est l'une des priorités du Gouvernement, qui considère que la PAC a vocation à constituer un levier essentiel pour récompenser les comportements vertueux, c'est-à-dire les pratiques de ceux qui produisent en utilisant moins de pesticides, voire pas du tout – à l'inverse, il faut à tout prix éviter que les plus vertueux puissent se trouver pénalisés.

Les autorités françaises souhaitent que la PAC s'engage clairement en faveur de cette réduction par des objectifs ambitieux – on se bat aussi pour que les objectifs soient quantifiés, le Président de la République ayant insisté sur ce point dans sa tribune du 4 mars. La France défend donc la nécessité de mesures adaptées et partagées au niveau européen, notamment par un renforcement de la conditionnalité et des moyens budgétaires adaptés. Notre objectif est que le niveau d'exigence en termes de conditionnalité soit fixé au niveau le plus haut possible à échelle européenne pour pas créer de distorsions de concurrence entre les pays.

S'agissant de l'instruction aux préfets, nous poursuivons deux objectifs.

Premièrement, il convient de mobiliser les acteurs locaux et l'ensemble des parties prenantes, parce que la sortie du glyphosate se fera au plus près du terrain, chez les acteurs et les agriculteurs qui savent quelles sont les alternatives potentielles, quelles pratiques et quelles quantités de produits phytosanitaires ils peuvent utiliser.

Deuxièmement, il faut mieux accompagner financièrement les agriculteurs. Les agences apportent un financement à de nombreuses actions de transition agricole : plus de 200 millions d'euros par an, dont 30 millions dans le cadre du plan « Ecophyto », et plus d'un milliard d'euros sur la période 2019-2020 dans le cadre du onzième programme des agences. Il conviendra de mieux coordonner les financements des agences et des collectivités. Il faut simplifier, coordonner, faciliter la vie des agriculteurs. C'est ce que nous faisons, entre ministères concernés.

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