Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 15h00
Sécurisation de l'actionnariat des entreprises publiques locales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Cette coordination avec nos collègues sénateurs et le recours à l'ordre du jour réservé sont aussi la preuve que le travail et l'initiative parlementaires peuvent être des outils rapides et efficaces – en l'occurrence, vraisemblablement bien plus efficaces que ne l'aurait été une initiative gouvernementale, pour laquelle il n'y avait du reste, en réalité, pas de place dans notre ordre du jour.

Sans revenir sur le contexte, largement abordé par les orateurs qui m'ont précédé – les 1 300 entreprises locales concernées en France, les 65 300 emplois que représentent ces sociétés et leur presque 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel – , je me bornerai à souligner que nous discutons ici d'une disposition technique liée à une interprétation juridique particulièrement tatillonne du Conseil d'État, une interprétation qui semble non seulement déconnectée de l'intention du législateur exprimée lors du vote de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, mais aussi traduire une incompréhension de ce que peuvent être le rôle et le fonctionnement des entreprises publiques locales – sociétés publiques locales ou de sociétés d'économie mixte – dans l'aménagement du territoire. Cette lecture purement juridique est complètement déconnectée de la réalité de l'action sur le terrain.

Même si l'objet de la société est restreint, il faut souvent, pour mener une action concrète d'aménagement ou de service, déborder un peu, ce qui conduit à élargir les statuts. Dès lors, la décision du Conseil d'État, selon lequel les collectivités territoriales ne peuvent agir que si elles sont compétentes pour l'intégralité des compétences de l'entreprise publique locale, mène à l'impasse.

Je veux aussi m'émouvoir du zèle dont on a su faire preuve l'administration, tant centrale que décentralisée, dans la diffusion de cette jurisprudence du Conseil d'État. On aurait en effet pu imaginer une réaction plus nuancée et moins ferme de sa part. Elle s'est pourtant empressée d'avertir un certain nombre d'entreprises publiques locales, par l'intermédiaire des préfets, du risque qu'elles encourraient, mettant ainsi en danger bon nombre d'opérations d'aménagement très concrètes et attendues par nos concitoyens.

La proposition de loi, composé de cinq articles, répond au risque créé par le Conseil d'État en introduisant une certaine souplesse et en précisant ce que peut faire une société publique locale ou une SEM. Elle précise également que les SEM et les SPL ne sont en rien les outils d'une tutelle exercée par une collectivité sur une autre – c'est certainement là ce qu'il y a de plus irritant dans la décision du Conseil d'État – mais, au contraire, ceux d'une collaboration. Ce n'est pas parce que différents niveaux de collectivités se retrouvent dans une société locale et que la part qu'elles représentent dans l'actionnariat est différente qu'une collectivité viendra exercer une tutelle sur l'autre. Il me semble important de le rappeler.

Enfin, je tiens à situer cette discussion dans le cadre de l'Union européenne. En effet, le droit des entreprises publiques locales est largement animé par le droit européen, notamment par le droit de la concurrence – c'est d'ailleurs le droit de la concurrence européen qui a conduit, voilà quelques années, la France à créer la société publique locale, alors que seul le statut de SEM existait auparavant.

On dénombre, dans notre pays, 1 300 entreprises publiques locales, ce qui est un chiffre à la fois élevé et faible, si on le compare à celui que connaissent certains de nos voisins européens. L'Allemagne abrite 8 500 entreprises publiques locales, qui réalisent un chiffre d'affaires de 251 milliards d'euros et représentent plus de 1 million d'emplois. C'est dire si ces outils sont intéressants pour l'aménagement et la compétitivité de nos territoires, dans le cadre de la compétition qui les opposent en termes d'attractivité.

Évidemment, les statuts ne sont pas les mêmes selon les pays. À cet égard, madame la ministre, je ne peux pas ne pas évoquer le cas particulier du projet de création d'une SEM transfrontalière, sur mon territoire de Fessenheim, pour parer un peu au drame économique que représentera la fermeture de la centrale nucléaire – évidemment, pas autant qu'on l'espère, pas à la hauteur des besoins du territoire. C'est toutefois le seul outil dont nous disposons pour faire preuve de volontarisme en matière d'aménagement du territoire.

Malheureusement, si nous améliorons un peu le droit national concernant la constitution des SEM, la volonté politique de constituer une SEM transfrontalière franco-allemande se heurtera à des obstacles juridiques. Bien que l'entreprise publique locale vise souvent les mêmes objectifs en France et en Allemagne, elle ne répond pas aux mêmes caractéristiques juridiques, ce qui entraînera un certain nombre de difficultés, au moins en France.

Les Républicains soutiendront cette proposition de loi, qui consacre avant tout la volonté de conférer aux collectivités territoriales des capacités fortes à agir pour aménager le territoire, l'équiper et l'accompagner dans ses mutations.

Par contre, nous nous opposerons à toute volonté de modifier le texte issu de la commission des lois, parce que nous souhaitons aller vite, parvenir à un consensus avec le Sénat de façon à obtenir un vote conforme et une entrée en application rapide de la loi. Il nous sera loisible, lors de l'examen des textes que le Gouvernement nous promet sur la réforme – plus ou moins importante, espérée ou crainte – des collectivités territoriales, de revenir plus largement sur des sujets tels que la transparence de la gouvernance des sociétés locales, qui nous paraît particulièrement pertinente, ou d'autres dispositions techniques. Ce qui nous semble essentiel aujourd'hui, c'est de parvenir à un vote conforme au texte de nos amis sénateurs, qui a déjà fait l'objet d'un travail conséquent, intelligent, au service de nos territoires.

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