Intervention de Damien Adam

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Adam, rapporteur pour avis :

Monsieur Dive, vous avez évoqué deux points. Le premier concernait les moyens pour financer les infrastructures. Je voudrais vous rassurer : sur l'ensemble du quinquennat, entre 2017 et 2022, nous allons augmenter de 40 %, soit 4 milliards d'euros, les moyens consacrés au financement des infrastructures. Ce n'est quand même pas anodin ; ce ne sont pas des « clopinettes », si je puis dire. Au total, ce sont donc 13,4 milliards d'euros qui vont être consacrés aux infrastructures pendant le quinquennat. Pour le quinquennat d'après, entre 2023 et 2027, 1 milliard d'euros supplémentaires sont prévus. Il s'agit donc de moyens colossaux. Rappelons tout de même qu'en matière d'infrastructures, au cours des trente années précédentes, beaucoup de promesses avaient été faites, mais qu'on avait promis beaucoup plus que ce qu'on avait en poche. Au final, il manquait 10 milliards d'euros pour régler la facture…

Pour notre part, nous avons décidé de mettre les choses sur la table, d'examiner quels sont les projets prioritaires, en l'occurrence ceux qui correspondent aux déplacements du quotidien. Autrement dit, plutôt que d'ouvrir de nouvelles lignes TGV pour ceux qui partent en vacances ou en week-end, nous allons refaire des lignes de TER et d'Intercités, nous allons rénover des routes, engager des travaux sur les noeuds ferroviaires, pour faire en sorte que les personnes qui prennent au quotidien le train ou la voiture ou qui empruntent des canaux bénéficient de véritables améliorations, et surtout aient accès à des solutions alternatives à la voiture.

Tel était l'objectif du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Celui-ci a rendu son rapport, dans lequel différents scénarios étaient décrits. C'est le scénario 2 qui a été retenu, avec l'objectif d'affecter, à partir de 2020, 500 millions d'euros supplémentaires à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Les moyens d'y parvenir, sur le plan fiscal, seront précisés par la ministre des transports à l'occasion du budget 2020.

Votre second point, Monsieur Dive, concernait le bioéthanol. Vous disiez qu'il serait dommage de rater l'occasion d'en parler. L'examen d'un texte au Parlement a justement l'avantage de permettre d'aborder tous les sujets et, si certains sont intéressants, de faire en sorte qu'ils recueillent les voix d'une majorité de parlementaires. Si le sujet nous paraît intéressant, rien n'interdit de l'intégrer dans la loi. En revanche, j'aurais tendance à remettre en cause votre chiffre de réduction 50 % des émissions de CO2, sachant que, dans la réalité, la transformation des végétaux en carburants procède d'une démarche plus incrémentale que révolutionnaire ; mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Sachez tout de même que l'investissement pour l'acquisition d'un boîtier permettant d'adapter un moteur au bioéthanol est limité : au vu de son prix et compte tenu de la différence de coût existant entre le carburant au bioéthanol et les carburants classiques – la fiscalité étant beaucoup moins élevée sur le premier que sur les seconds –, quelques mois suffisent pour l'amortir. C'est une manière d'inciter au développement de ce produit. Je crois d'ailleurs savoir que, depuis de nombreux mois, les bioéthanols connaissent une croissance très forte.

Monsieur Herth, s'agissant du droit à la mobilité, vous avez totalement raison : depuis très longtemps, les collectivités se plaçaient dans une logique de transports, autrement dit d'infrastructures : bus, métros, trams, etc. L'idée est vraiment de passer à une logique de mobilité, en partant du citoyen et de ses besoins, pour ensuite réfléchir à un système cohérent comprenant non seulement les transports mais également tous les autres aspects de la mobilité, notamment les moyens de transport individuel, avec la voiture, le vélo et tout autre moyen de déplacement, y compris à pied.

Vous posiez aussi la question du financement. Je vous renvoie à ce que j'ai répondu à M. Dive, à savoir l'augmentation de 40 % des moyens attribués à l'AFITF pour financer les projets et les 500 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés aux transports entre 2020 et 2030. Les aspects fiscaux seront précisés par la ministre des transports à l'occasion du budget 2020.

En ce qui concerne les défis industriels, je comprends vos arguments en faveur du diesel : il est vrai que les constructeurs ont fait beaucoup d'efforts et que la norme Euro 6 apporte une amélioration s'agissant des particules fines et du NOx. Reste que le diesel est une source de pollution en CO2. Or nous avons des objectifs très clairs : la neutralité carbone en 2050 et l'abandon des véhicules émettant des gaz à effet de serre en 2040. Ce sont là les objectifs de long terme ; les étapes intermédiaires permettant de les atteindre ne me semblent pas consister à investir encore dans le diesel alors qu'il faut préparer tout un ensemble de révolutions technologiques.

Ajoutons que le Gouvernement et le législateur se doivent de respecter une certaine neutralité technologique : nous ne saurions dire qu'il faut tout miser sur l'hydrogène, sur l'électrique avec batterie, sur le bioéthanol, sur le GNV – ou que sais-je encore. Nous devons mettre en place un environnement normatif permettant à chaque acteur de jouer sa carte, dans la logique de la libre concurrence, tout en fixant des objectifs très clairs, et notamment celui d'aboutir à des véhicules très propres. Actuellement, les véhicules émettent 115 grammes de CO2 par kilomètre ; à partir de 2020 ou 2021, on en sera à 95 grammes. L'objectif est d'avoir réduit de 37,5 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030. En 2040, il faudra avoir des véhicules totalement propres. Telle est notre logique, qui s'inscrit dans le long terme.

En ce qui concerne l'hydrogène, le problème est qu'il faut, pour en produire, quatre fois plus de CO2 qu'il n'en faut pour obtenir de l'essence ou du gasoil… La manière dont on produit de l'hydrogène actuellement n'est pas du tout propre, vous avez raison. Toutefois, on sait qu'à l'avenir, on sera capable d'en produire par électrolyse, notamment en utilisant les énergies renouvelables – éolienne ou photovoltaïque –, l'idée étant, à des moments où on produit de l'électricité sans pouvoir la consommer, de la consacrer à fabriquer de l'hydrogène, cette fois totalement propre, que l'on pourra utiliser ensuite dans les véhicules. Voilà pourquoi l'hydrogène n'est pas une solution à très court terme pour beaucoup d'usages, mais le deviendra dans quinze ou vingt ans ; c'est donc un sujet important.

Vous parliez également des batteries. C'est un sujet tout à fait passionnant, effectivement, sur lequel, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne – notamment de notre ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire –, nous avons enfin commencé à avancer, avec la volonté de créer ce qu'on appelle assez communément un « Airbus des batteries », même si c'est plus compliqué que cela. Pour résumer, la France et l'Allemagne mettent 1,7 milliard d'euros d'argent public, les acteurs privés pouvant eux aussi, de leur côté, apporter des fonds. L'idée est de créer des filières européennes. Cela suppose d'abord de mettre en place un démonstrateur par pays, en France et en Allemagne, puis, dans quelques années, de développer en Europe trois usines de production de batteries.

Nous sommes en effet à la veille d'un saut technologique. Ceux qui connaissent un peu le sujet savent qu'on produit actuellement des batteries liquides ; certains acteurs réfléchissent au développement de batteries solides, qui ne contiendraient plus de métaux rares et seraient capables, à poids égal, de produire beaucoup plus de puissance, ce qui permettrait de doubler l'autonomie des véhicules sans rien changer à leur structure. Cette révolution technologique devrait intervenir d'ici à cinq ans. C'est pour cela que nous misons dès à présent dessus : si nous nous contentons d'utiliser la même technologie que les Chinois, nous ne serons jamais compétitifs. En revanche, si nous arrivons sur le marché en ayant réussi cette innovation technologique, avec un bon produit, nous serons en mesure d'atteindre une masse critique et de gagner des parts de marché. C'est toute la logique de la stratégie franco-allemande, qui va devenir une stratégie européenne et à laquelle beaucoup de pays ont envie de se joindre. Nous espérons que, dans le nouveau Parlement européen qui sortira des élections du 26 mai, il y aura des parlementaires qui seront force de proposition pour avancer encore plus sur le sujet, parce que c'est extrêmement important.

S'agissant des déclarations de M. Tavares sur le véhicule autonome, voici comment je les analyse. PSA est très en retard en matière de véhicules électriques – et il en va de même pour tous les véhicules permettant d'atteindre l'objectif de 95 grammes de CO2 par kilomètre en 2021. Or, ce constructeur, quoique très présent en Europe, se situe seulement, au niveau mondial, au neuvième ou au dixième rang : il n'a donc pas autant de moyens que des groupes comme Volkswagen, Renault-Nissan-Mitsubishi ou Toyota, capables de s'engager dans plusieurs innovations en même temps. Je pense donc qu'il a fait un choix, en se fixant pour priorité de faire en sorte de respecter en 2021 la réglementation européenne, pour ne pas se retrouver à verser des milliards d'euros d'amende. Ce choix a été fait au détriment du véhicule autonome, sachant que la plupart des acteurs de ce secteur entrent dans des consortiums. C'est ce qui se passe en Allemagne, où les différents constructeurs automobiles – Volkswagen, BMW, Daimler, etc. – se sont tous mis ensemble pour réfléchir et mettre en commun la création, la recherche et développement et leurs ingénieurs, pour arriver à être compétitifs. En effet, on observe que, l'avancement du véhicule autonome est bien plus le fait des géants du numérique que des constructeurs automobiles classiques. C'est un des enjeux ; c'est pour cela que la France est force de proposition en la matière, sous l'impulsion de Mme Anne-Marie Idrac, qui a été nommée Haute représentante pour le développement des véhicules autonomes par le Gouvernement. L'objectif est d'avoir des normes aussi facilitantes que possible, sans toutefois remettre en cause la sécurité, de manière à déboucher sur de nombreuses expérimentations puis sur la commercialisation de produits.

Monsieur Bruneel, vous évoquiez le fret ferroviaire. Vous avez raison : c'est un sujet fondamental. C'est pourquoi, dans le cadre des débats sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, et après l'adoption du texte, de nombreuses initiatives ont été engagées – et sont toujours en cours – pour relancer le fret ferroviaire. Je vous invite à interroger en séance la ministre des transports si vous souhaitez savoir où nous en sommes. Il en va de même pour les petites lignes : comme vous le savez, une étude a été commandée et un rapport est en cours de rédaction sur le sujet. Vous pourrez, là encore, demander des comptes à la ministre. De mon côté, je n'ai pas d'informations particulières à vous fournir, n'étant pas dans le secret des Dieux.

En ce qui concerne les zones d'activité et les moyens de mobilité, vous avez entièrement raison : je connais des exemples concrets, dans ma circonscription, de zones d'activité qui ont été créées sans qu'on se soit demandé comment les milliers de salariés censés y travailler feraient pour y parvenir, en particulier pour se garer s'ils décidaient de prendre leur voiture. C'est effectivement un sujet essentiel, mais il relève des collectivités locales, puisque les questions d'urbanisme sont abordées dans le cadre des plans locaux d'urbanisme (PLU) et, désormais, des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI). Je ne vois pas ce que l'État pourrait imposer, sachant que, si les collectivités locales ont un peu de bon sens – et elles en ont –, elles vont se mettre à y réfléchir. D'ailleurs, le fait qu'elles aient à la fois la compétence mobilité et la compétence urbanisme va leur permettre de faire converger leurs réflexions dans ces domaines et de ne pas voir se reproduire les errements observés il y a quelques années.

Monsieur Potier, vous avez relevé cinq points faibles dans le projet de loi, mais je ne doute pas qu'à travers les amendements que vous allez proposer, vous et vos collègues, vous saurez l'améliorer… Vous évoquiez notamment la question de l'urbanisme et des mobilités : j'ai déjà un peu répondu à M. Bruneel sur ce point. À la suite du mouvement des Gilets jaunes, nous avons entendu de nombreuses personnes appeler à davantage de décentralisations : or, pour le coup, il s'agit de compétences qui relèvent des collectivités locales… Il y a un problème de cohérence à demander que l'État agisse davantage sur ces thématiques tout en appelant à plus de décentralisation – y compris, d'ailleurs, pour des compétences d'ores et déjà décentralisées…

Pour ce qui est de la nécessité de penser les mobilités dans leur ensemble, vous avez totalement raison ; c'est d'ailleurs pour cela que, si les sénateurs ont envisagé le sujet des véhicules électriques à travers les SRADDET, je propose, pour ma part, qu'il soit plutôt traité à travers les contrats opérationnels de mobilité, en intégrant d'ailleurs, au-delà des véhicules électriques et des bornes de recharge, les véhicules roulant à hydrogène ou au GNV et toutes les mobilités alternatives. L'idée est de faire en sorte que l'ensemble des collectivités locales et des échelons soient vraiment force de proposition. En effet, tantôt ce sont les régions qui sont très en avance sur le sujet, tantôt les syndicats d'énergie, parfois encore les intercommunalités ; il arrive également que, dans certains territoires, il ne se passe strictement rien. Le contrat opérationnel de mobilité permettra de garantir une cohérence globale entre le niveau régional et le niveau des intercommunalités, et de faire en sorte que, là où personne n'agit et ne réfléchit sur le sujet, la région donne au moins quelques indications et préserve une certaine logique.

Concernant la taxation de l'aérien – sujet également abordé par M. Ruffin –, il faut quand même garder à l'esprit le fait que les neuf dixièmes des vols partant de France ou y arrivant sont transnationaux. Autrement dit, si l'on taxait le kérosène uniquement pour les vols intérieurs français, non seulement très peu de vols seraient concernés, mais il serait très simple pour les compagnies aériennes de se ravitailler à l'étranger, par exemple en organisant des vols Milan-Lyon-Paris et repartant aussitôt ailleurs. Ainsi, dans leur tour d'Europe, les avions feraient le plein à l'étranger et non plus en France. Serait-ce vraiment notre intérêt ? C'est un problème qui doit être abordé à l'échelon européen : le niveau national n'est pas celui qui permet d'agir efficacement. Or la liste que je soutiens pour les élections européennes propose justement, dans son programme, d'agir sur ce point, au niveau européen. J'espère que ce sera un des sujets sur lesquels les parlementaires européens, à partir de la rentrée de septembre, pourront agir, pour améliorer les choses.

Vous parliez du chèque mobilité durable : je pense que vous faisiez allusion au forfait mobilité durable, jusqu'à 400 euros. Des discussions sont en cours entre les partenaires sociaux et l'État pour savoir si cela doit être une obligation, ou relever du volontariat. Nous avons entendu dire que, depuis dix-huit mois, les partenaires sociaux avaient l'impression qu'on ne les traitait pas bien. En l'espèce, nous leur disons de se saisir de la possibilité que nous leur donnons de mettre en place le forfait mobilité, qui est un des éléments de la boîte à outils en matière de mobilité. Libre à eux de négocier dans les entreprises pour savoir s'ils veulent le faire ou pas. Cela me paraît la meilleure manière de légitimer les partenaires sociaux, qui sont là pleinement dans leur rôle, celui de défendre l'intérêt des salariés. Concernant le trajet domicile-travail, nous nous situons exactement dans cette perspective.

Monsieur Fasquelle, vous êtes évidemment, comme on vous connaît, critique sur tout texte proposé par la majorité.

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