Intervention de Patrick Benezit

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA :

Suite au vote de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGAlim, notre priorité concernait le revenu des producteurs. Malheureusement, les choses n'ont pas beaucoup changé : quasiment aucune production ne couvre ses coûts et seuls 6 euros sur 100 euros payés par le consommateur reviennent à la production. De nombreux pans de l'agriculture sont donc soumis à des problèmes de rentabilité extrêmement inquiétants pour l'avenir.

Pourtant, nous avions plaidé pour que le prix soit construit à partir des coûts de production et nous soutenions différentes mesures visant à faire cesser la guerre des prix, très problématique : ce sont malheureusement les agriculteurs, premier maillon de la chaine, qui la financent.

Dans un premier temps, nos propositions étaient soutenues par tous les acteurs des filières. Mais, au fur et à mesure, le doute s'est installé quant à la volonté d'aller dans le bon sens de certains acteurs – notamment la grande distribution.

Quelques exemples récents sont assez catastrophiques : ainsi, la montée en gamme est bradée par certaines enseignes qui vendent du lait bio à 87 centimes. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion que seule une loi très restrictive, avec des sanctions et des contrôles renforcés, pourrait inverser la tendance puisque l'engagement des uns et des autres ou les chartes de bonnes pratiques ne suffisent pas…

Nous vivons une situation économique extrêmement compliquée. Les données que va publier l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) dans les prochaines semaines le démontrent : dans l'ensemble des filières animales et beaucoup de filières végétales, les coûts de production ne sont pas couverts. Malgré tout, les producteurs sont engagés dans une montée en gamme par le biais des plans de filière. Ils font ce qu'ils peuvent pour que cela fonctionne, mais la rentabilité n'est pas là…

En outre, au niveau des interprofessions, la distribution bloque la sortie de nombreux indicateurs de coûts de production. Ce n'est pas normal. Au moment du vote de la loi, nous avions d'ailleurs considéré qu'il était imprudent de confier aux seules interprofessions la sortie de ces indicateurs. Nous en avons désormais malheureusement la preuve dans certaines situations, quand la distribution fait partie de l'interprofession et ne se gêne pas pour bloquer leur sortie. Ce point devra certainement être amélioré.

Nous sommes plutôt satisfaits de la publication des dernières ordonnances, notamment celles concernant le prix abusivement bas et le toilettage du code du commerce. Cela va dans le bon sens concernant les contrôles et les sanctions. Mais il est important que ceux-ci soient plus nombreux concernant le seuil de revente à perte (SRP) et les promotions. Les contournements nous semblent assez importants, qu'ils soient légaux ou illégaux.

La loi doit donc être améliorée sur certains points et, lorsque les dispositifs fonctionnent, les contrôles et les sanctions doivent être mis en oeuvre.

Suite aux négociations commerciales récentes, nous avons l'impression que la loi n'est pas encore appliquée, même si quelques initiatives qui vont dans le bon sens ont été prises, notamment dans le secteur laitier, où 370 à 375 euros par tonne sont versés aux producteurs. Mais les volumes sont extrêmement limités et les niveaux non atteints en termes de coûts de production. Cela ressemble plus à une opération de communication qu'à une politique de prix sur l'ensemble des volumes.

Pour conclure, nous avons saisi l'Autorité de la concurrence pour qu'elle enquête sur les centrales d'achat et tous les regroupements à l'achat. Dès que trois producteurs se réunissent dans une salle pour définir un prix, ils sont immédiatement contrôlés et sanctionnés. C'est pourquoi nous ne comprenons pas comment les grands groupes de distribution ou les grandes centrales d'achat fonctionnent. Quatre centrales d'achat réalisent 92 % des achats en France – c'est énorme ; des regroupements sont encore en cours à l'échelle européenne. Cela nous semble extrêmement dangereux en termes d'équilibre des forces et de négociations. On doit pouvoir arrêter cette concentration ou, a minima, mettre en place un meilleur équilibre des forces. Lors du débat européen sur la directive encadrant les pratiques commerciales déloyales, nous avons pu constater l'acharnement de la grande distribution afin que ce texte ne soit pas voté, pour pouvoir déplacer le problème dans d'autres pays et dans des centrales d'achat situées à l'extérieur de la France.

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