Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 10h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures quinze.

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Nous recevons aujourd'hui une délégation de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : M. Patrick Benezit, secrétaire général adjoint, chargé du dossier des relations commerciales, M. Benjamin Guillaumé, chef du service « Économie des filières », M. Antoine Suau, directeur du département « Économie et développement durable », et M. Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques.

Je ne présente pas la FNSEA aux membres de la commission, qui connaissent cette organisation par coeur !

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous invite à prêter le serment.

MM. Patrick Benezit, Benjamin Guillaumé, Antoine Suau et Guillaume Lidon prêtent successivement serment

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Suite au vote de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGAlim, notre priorité concernait le revenu des producteurs. Malheureusement, les choses n'ont pas beaucoup changé : quasiment aucune production ne couvre ses coûts et seuls 6 euros sur 100 euros payés par le consommateur reviennent à la production. De nombreux pans de l'agriculture sont donc soumis à des problèmes de rentabilité extrêmement inquiétants pour l'avenir.

Pourtant, nous avions plaidé pour que le prix soit construit à partir des coûts de production et nous soutenions différentes mesures visant à faire cesser la guerre des prix, très problématique : ce sont malheureusement les agriculteurs, premier maillon de la chaine, qui la financent.

Dans un premier temps, nos propositions étaient soutenues par tous les acteurs des filières. Mais, au fur et à mesure, le doute s'est installé quant à la volonté d'aller dans le bon sens de certains acteurs – notamment la grande distribution.

Quelques exemples récents sont assez catastrophiques : ainsi, la montée en gamme est bradée par certaines enseignes qui vendent du lait bio à 87 centimes. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion que seule une loi très restrictive, avec des sanctions et des contrôles renforcés, pourrait inverser la tendance puisque l'engagement des uns et des autres ou les chartes de bonnes pratiques ne suffisent pas…

Nous vivons une situation économique extrêmement compliquée. Les données que va publier l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) dans les prochaines semaines le démontrent : dans l'ensemble des filières animales et beaucoup de filières végétales, les coûts de production ne sont pas couverts. Malgré tout, les producteurs sont engagés dans une montée en gamme par le biais des plans de filière. Ils font ce qu'ils peuvent pour que cela fonctionne, mais la rentabilité n'est pas là…

En outre, au niveau des interprofessions, la distribution bloque la sortie de nombreux indicateurs de coûts de production. Ce n'est pas normal. Au moment du vote de la loi, nous avions d'ailleurs considéré qu'il était imprudent de confier aux seules interprofessions la sortie de ces indicateurs. Nous en avons désormais malheureusement la preuve dans certaines situations, quand la distribution fait partie de l'interprofession et ne se gêne pas pour bloquer leur sortie. Ce point devra certainement être amélioré.

Nous sommes plutôt satisfaits de la publication des dernières ordonnances, notamment celles concernant le prix abusivement bas et le toilettage du code du commerce. Cela va dans le bon sens concernant les contrôles et les sanctions. Mais il est important que ceux-ci soient plus nombreux concernant le seuil de revente à perte (SRP) et les promotions. Les contournements nous semblent assez importants, qu'ils soient légaux ou illégaux.

La loi doit donc être améliorée sur certains points et, lorsque les dispositifs fonctionnent, les contrôles et les sanctions doivent être mis en oeuvre.

Suite aux négociations commerciales récentes, nous avons l'impression que la loi n'est pas encore appliquée, même si quelques initiatives qui vont dans le bon sens ont été prises, notamment dans le secteur laitier, où 370 à 375 euros par tonne sont versés aux producteurs. Mais les volumes sont extrêmement limités et les niveaux non atteints en termes de coûts de production. Cela ressemble plus à une opération de communication qu'à une politique de prix sur l'ensemble des volumes.

Pour conclure, nous avons saisi l'Autorité de la concurrence pour qu'elle enquête sur les centrales d'achat et tous les regroupements à l'achat. Dès que trois producteurs se réunissent dans une salle pour définir un prix, ils sont immédiatement contrôlés et sanctionnés. C'est pourquoi nous ne comprenons pas comment les grands groupes de distribution ou les grandes centrales d'achat fonctionnent. Quatre centrales d'achat réalisent 92 % des achats en France – c'est énorme ; des regroupements sont encore en cours à l'échelle européenne. Cela nous semble extrêmement dangereux en termes d'équilibre des forces et de négociations. On doit pouvoir arrêter cette concentration ou, a minima, mettre en place un meilleur équilibre des forces. Lors du débat européen sur la directive encadrant les pratiques commerciales déloyales, nous avons pu constater l'acharnement de la grande distribution afin que ce texte ne soit pas voté, pour pouvoir déplacer le problème dans d'autres pays et dans des centrales d'achat situées à l'extérieur de la France.

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Je vous remercie pour votre exposé. Nous comprenons que la formation des prix ne s'est donc pas améliorée autant qu'attendue.

J'aurais deux questions : alors que se sont déroulés les premiers cycles de négociations depuis l'adoption du texte, avez-vous senti une modification du comportement de la grande distribution vis-à-vis des filières ? L'entrée en application de la loi a-t-elle engendré une plus grande prise en compte par la grande distribution des messages que délivrent les filières lorsque le mécanisme de fixation des prix se déroule ?

Vous estimez que la loi est insuffisamment détaillée pour produire tous ses effets, notamment s'agissant des indicateurs de prix, mais aussi en termes d'hyperconcentration de la de la décision au sein de la grande distribution : quelles mesures préconisez-vous pour y remédier ?

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Vous avez abordé les difficultés actuelles de la filière laitière. Vous savez sans aucun doute que nous avons pris conscience de la relativité des annonces faites en début d'année concernant les négociations et avons été saisis par différents producteurs qui savent pertinemment qu'ils ont besoin d'aide pour que ces négociations aboutissent. Nous avons donc travaillé avec le médiateur.

Mais, à l'occasion des auditions de la semaine passée, notre commission d'enquête s'est également rendu compte – et elle en a eu confirmation – que le problème résidait peut-être ailleurs, dans les négociations entre vos fournisseurs, vos transformateurs et la grande distribution.

Une de nos collègues qui connaît bien les mécanismes estime qu'il serait peut-être intéressant de connaître les prix réels de négociation entre les transformateurs – industriels ou coopératives – pour mieux évaluer où le bât blesse et si, éventuellement, le ruissellement n'est pas bloqué à ce niveau. Qu'en pensez-vous ?

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Vous souhaitez plus de contrôles et de sanctions au motif de contournements illégaux. Quels sont-ils ?

Hier, vous avez été reçus par le Premier ministre dans le cadre de la mobilisation générale pour l'emploi et l'écologie. À cette occasion, avez-vous pu évoquer les différentes difficultés dont vous venez de nous parler ?

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D'emblée, vous nous avez dit que les prix n'étaient pas à la hauteur des coûts de production. L'objectif de la loi EGAlim était bien de renverser la détermination des prix afin qu'ils soient fixés à partir des coûts de production, et non du prix de vente au consommateur.

Si la loi ne s'applique pas pleinement, n'est-ce pas parce que la détermination des coûts de production n'est pas encore claire ? Quels sont les freins à la prise en compte de la réalité des coûts de production dans leur diversité et leur complexité ?

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Dans vos propos liminaires, vous indiquez que la grande distribution – ou ceux qui la représentent – empêche la création d'indicateurs de coût de revient ou qu'elle « met des bâtons dans les roues ».

Je rappelle que les propos que vous tenez devant une commission d'enquête sont lourds de responsabilité. Je souhaiterais donc des détails sur les moyens employés par la grande distribution pour empêcher la création d'indicateurs de coûts de revient ? Qui empêche ? Dans quelle interprofession ?

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Vous me demandez ce qui se passe dans les box. En tant que producteurs, nous ne pouvons que constater l'opacité : nous entendons les industriels rejeter la faute sur les distributeurs, les distributeurs indiquer qu'ils ont proposé des hausses. Nous réclamons des preuves – offres de prix, contrats précédents, contrats suivants – mais personne ne nous donne rien…

À l'occasion du Salon de l'agriculture, nous avions suggéré la présence de caméras dans les box. Cela avait été pris pour une plaisanterie, mais nous ne savons plus quoi faire pour améliorer la transparence des négociations. Es outre, sans qu'il y ait forcément de demandes de baisse de tarifs, il arrive aussi parfois que des industriels baissent les tarifs pour prendre le marché de leur voisin. Nous avons demandé à plusieurs reprises que nos représentants – dans les associations spécialisées ou au niveau de la FNSEA – puissent accompagner des industriels ou des distributeurs et être témoins ou participer à ces négociations.

Comment les indicateurs sont-ils bloqués dans les interprofessions ? C'est tout simple : ainsi, au sein de l'interprofession bétail et viande (Interbev), il faut l'aval de tous les acteurs autour de la table pour décider ; il suffit donc que le collège des distributeurs refuse et l'indicateur n'est pas publié. À notre connaissance, la méthode de calcul a été validée, mais la distribution s'oppose à la publication. À l'inverse, dans la filière laitière, la distribution n'est pas autour de la table et l'indicateur a été publié officiellement par le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) – 396 euros par tonne.

Ce sont les rouages des interprofessions, constituées historiquement avec ou sans la présence des distributeurs, qui expliquent les blocages. C'est pourquoi nous avions souhaité que la loi prévoie une échappatoire en cas de blocage interprofessionnel : l'Observatoire des prix et des marges aurait pu se substituer aux interprofessions incapables de fournir ces indicateurs. On peut en discuter ; beaucoup d'instituts sont capables de calculer les coûts de production. Cela a d'ailleurs été fait dans certaines filières et ils sont peu contestés. Mais, en tout état de cause, il faut trouver une solution.

En outre, concernant la distribution, il faudra précisément analyser comment appliquer la directive encadrant les pratiques commerciales déloyales, afin d'éviter que certaines centrales d'achat contournent les contrôles en étant basées à l'étranger.

Il me semble absolument essentiel qu'il y ait des contrôles et des sanctions. Or il nous semble que, dans l'application des ordonnances relatives à la promotion, la DGCCRF use d'une certaine latitude d'appréciation, tout à l'avantage d'un certain laxisme. Aujourd'hui, quand on parle de contournements, légaux ou illégaux, on observe surtout un jeu juridique. Car on peut appliquer les dispositions en vigueur d'une certaine manière ou d'une autre manière. On voit par exemple que le cagnottage, notamment, s'est énormément développé. Apparemment c'est légal, mais cette pratique constitue un moyen de contourner l'ordonnance relative aux promotions, laquelle prévoit un encadrement de 34 % de la valeur et de 25 % des volumes. Le développement du cagnottage, tel qu'il a eu lieu depuis l'adoption de cette ordonnance, est de nature à contourner ces dispositions.

En tout cas, de notre point de vue, l'appréciation de cette pratique laisse à désirer. Il nous semble, à l'heure où nous parlons, que l'application des contrôles et des sanctions n'est pas à la hauteur de la lettre des ordonnances.

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Comment voyez-vous l'avenir des organisations de producteurs ? Voilà une dizaine d'années que nous autres, élus et acteurs politiques, demandons aux agriculteurs de se fédérer et de s'organiser en organisations de producteurs et en associations d'organisations de producteurs, afin de mieux valoriser leurs produits et de mieux peser dans les négociations commerciales. Vous, comment voyez-vous ce rôle des organisations de producteurs, qui pourrait d'ailleurs être renforcé ? Viennent-elles en concurrence des interprofessions ?

Ensuite, puisqu'on parle des relations avec la grande distribution et les centrales d'achat, comment voyez-vous la grande distribution ? Elle me semble désormais pénétrer la filière de l'aval vers l'amont, car nous voyons certains acteurs de la grande distribution devenir propriétaires de certains abattoirs ou de certains outils industriels. Est-ce qu'il y a là matière à inquiétude ? Faut-il plus de transparence, voire d'encadrement par les pouvoirs publics ?

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Dans un communiqué de presse, vous écrivez que certaines enseignes ont été, lors des négociations commerciales de 2019, plus vertueuses que d'autres. Quelles enseignes de la grande distribution ont-elles fait évoluer leurs méthodes ? Quelles enseignes continuent-elles à avoir des attitudes qui peuvent être dénoncées ?

Enfin, nous avons peu parlé des relations entre coopératives et producteurs. Est-ce que certaines d'entre elles ne font pas, aujourd'hui, malheureusement plutôt le jeu des industriels et des distributeurs, aux dépens de certains producteurs ?

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Le règlement « omnibus », qui a apporté des modifications aux règlements européens existants, a permis de donner plus de plus de force aux organisations de producteurs, notamment au regard du droit de la concurrence. Mais, sur ce point, nous considérons cependant que l'exception agricole au droit de la concurrence, telle qu'elle a été prévue dans le Traité de Rome, devrait être pleinement appliquée.

D'ailleurs, on voit bien que, dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les choses ne sont pas toujours très claires en ce domaine, car on ne sait pas trop où ranger l'agriculture. Rappelons tout de même qu'il était logique que l'agriculture ne bénéficie plus de cette exception quand les prix étaient protégés sur un plan politique : on n'allait pas nous permettre de passer en plus des ententes… Mais, à partir du moment où les prix ne sont plus des prix politiques, nous devrions retrouver cette exception agricole de manière pleine et entière, surtout lorsque nous avons en face de nous quatre centrales d'achat seulement. C'est un débat qui dépasse peut-être le niveau français, mais, en tout cas, je tiens à rappeler ce point important.

Dans le cadre du règlement européen « omnibus », l'étau s'est tout de même desserré un petit peu autour des organisations de producteurs. La loi prévoit aussi que c'est notamment l'organisation de producteurs qui propose le contrat, que ce soit à l'industriel ou que ce soit au distributeur. Sur ce point, nous sommes assez satisfaits de la mécanique qui a été retenue par le législateur.

L'organisation de producteurs ne vient pas en concurrence des interprofessions, puisque les interprofessions ne sont pas là pour négocier directement. C'est bien l'organisation de producteurs qui négocie, ou le producteur. Par contre, l'interprofession peut définir des indicateurs de référence ou des indicateurs de coût de production qui servent de référence, voire proposer des accords-cadres pour aller plus loin. Tel est le rôle des interprofessions, qui assurent également la promotion du produit concerné.

Les coopératives sont elles-mêmes des organisations de producteurs. Elles entrent dans le même champ qu'elles. Les nouveaux textes leur permettent, comme à nos organisations, d'avoir plus de force. Mais soyons très clairs : il faut encore que ces organisations de producteurs se saisissent des nouveaux outils, en proposant des prix de référence.

De notre point de vue, ce prix doit être assimilé à des indicateurs tels que les coûts de production, même s'il en va un peu différemment si l'entreprise concernée est aussi tournée vers l'export. Dans ce cas, il peut y avoir plusieurs indicateurs.

Mais, en tout cas, il est bien de la responsabilité des organisations de producteurs de proposer ce tarif de référence. C'est à ce niveau que se joue la réussite des États généraux de l'alimentation (EGA) : dans le retour de prix que peuvent espérer les producteurs.

Quoi qu'il en soit, je veux tout de même signaler que des décennies de pratiques ont donné la main à des distributeurs qui, aujourd'hui, ne sont que quatre pour procéder à 92 % des achats. Or on ne change pas des pratiques du jour au lendemain. Aujourd'hui, la puissance reste encore entre les mains de la grande distribution.

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Nous venons de vivre soixante années de construction agricole au cours desquelles la FNSEA a accompagné, avec les pouvoirs publics, l'évolution de l'agriculture. Aujourd'hui, il est courant de dire que, pour une bonne partie de producteurs, dans un grand nombre de filières, le revenu agricole est tiré de l'aide européenne – aide directe à laquelle participent évidemment les États et, en particulier la France.

Est-ce que le fait d'avoir abandonné la fonction de commercialisation, pour se concentrer uniquement, pendant soixante ans, sur la fonction de production ne constitue pas une faute collective dans laquelle chacun doit prendre sa part ? N'est-ce pas ce qui mène au résultat actuel, à savoir la situation des paysans français telle que nous la connaissons ?

Depuis des lustres, leur slogan syndical consiste à dire : « Nous voulons vivre de nos produits ! ». Mais, finalement, on est face à un mur. Vous venez d'évoquer la concentration de la grande distribution, qui empêche la production de tirer son épingle du jeu. Est-ce qu'une loi va permettre de sortir de l'impasse de toutes ces années passées ? De mon point de vue, la FNSEA a sa part de responsabilité à exercer pour arriver à une solution, à travers des politiques extrêmement différentes : la politique des structures, la politique des prix… Quelle est, sur ce sujet, votre position de syndicat majoritaire ?

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Je ne vous poserai que deux questions.

Premièrement, d'après vous, est-ce que la loi EGAlim est un bon outil et un bel outil, qui vous permet de peser fortement dans les négociations commerciales avec ces grands distributeurs et ces centrales d'achat ? Y voyez-vous des points noirs ou des choses à améliorer ? Comme mon collègue, je pense que la plus-value naît quand l'ensemble de la chaîne de la production est maîtrisé, jusqu'à la commercialisation, qui est décisive.

Deuxièmement, certains groupes et certains distributeurs refusent de publier leurs résultats et préfèrent payer des amendes plutôt que de livrer leurs chiffres, ce que je trouve totalement scandaleux et inadmissible. Quelles sont les solutions et qu'en pensez-vous ? Quelle méthode peut être mise en place pour éviter ce phénomène ? Je sais bien qu'il n'est pas facile de faire pression pour obtenir la transparence sur ce sujet. Mais c'est la première étape pour arriver à une juste redistribution de la marge entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Dans les négociations commerciales entre eux, est-ce que la loi EGAlim est un bon outil et un bel outil ?

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Pensez-vous qu'il faudrait revenir sur la loi de modernisation agricole de 2008 qui a nourri une féroce bataille des prix entre les géants de la distribution, une guerre des prix que les agriculteurs financent ?

Pour la première fois, la loi EGAlim a réussi à mettre autour de la table les différents partenaires, en mettant au jour les vrais problèmes, notamment le revenu des agriculteurs. Elle a permis de proposer la contractualisation et des accords de filières qui existent et qui marchent. Je viens d'un département où le comité interprofessionnel de gestion du Comté (CGC) permet ainsi aux agriculteurs d'être rémunérés à 600 euros la tonne de lait.

Quelle influence avez-vous pour encourager ce genre d'organisation en filières ? Je pense que cela va dans l'intérêt de tout le monde, puisque la grande distribution est aujourd'hui contestée par le consommateur, qui veut savoir ce qu'il mange et connaître les conséquences sociales et environnementales de ses décisions. On voit se développer de plus en plus les circuits courts, qui permettent de maintenir un maillage de fermes familiales dans les territoires ruraux. Quel est le rôle de la FNSEA pour encourager ce système de commercialisation ?

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Je ne poserai que deux questions, très courtes.

Premièrement, vous nous avez dit, dans votre propos liminaire que vous aviez constaté, lorsqu'il y avait montée en gamme, que certains bradaient les prix. J'aimerais savoir comment cela peut s'expliquer, alors que le consommateur final est encore prêt à payer un produit qui est différencié par sa qualité, quel que soit son label. Où va alors la marge, dans ce cas-là ?

Je vais également poser de nouveau la question du rapporteur à laquelle vous n'avez pas répondu tout à l'heure. Elle portait sur les bonnes pratiques des distributeurs. Le rapporteur reprenait le texte de l'un de vos communiqués de presse, expliquant que certains certaines enseignes ont de bonnes pratiques, d'autres non.

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Je vais moi aussi vous poser à nouveau ma question concernant le lait tout à l'heure. Dans les négociations, il semble qu'on ait identifié des transformateurs et des coopératives agissant en votre nom. Ce sont ces intermédiaires qui négocient avec la grande distribution. Quelle est dès lors votre part de responsabilité ?

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Je terminerai ce cycle de questions en vous demandant si la mise en concurrence internationale des biens alimentaires achetés par la grande distribution est un argument utilisé pour faire pression sur les prix.

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Même si cela peut jouer par rapport à l'import, c'est de moins en moins le cas, à notre connaissance, d'autant qu'il va falloir appliquer l'article 44 de la loi qui a été adoptée. Nous y sommes favorables, puisque l'article devrait interdire certains produits importés qui sont mis à disposition des consommateurs après avoir été faits dans des conditions qui sont interdites en France et en Europe. Peut-être les productions de fruits et légumes sont-elles plus concernées. Quoi qu'il en soit, que les distributeurs le disent est une chose. Qu'ils en tirent argument pour jouer sur les volumes et mettre la pression sur les prix en est une autre. Il n'est pas impossible que cela se produise.

Par rapport à la montée en gamme, nous avons évoqué le fait que certains distributeurs bradaient cette démarche. À notre connaissance, il s'agit d'un phénomène assez récent. Cela ne faisait absolument pas partie des points de vue convergents dans le cadre des États généraux de l'alimentation. Le « vert », c'est normalement plus cher ! Or on voit aujourd'hui que certaines enseignes mettent du lait bio à disposition du consommateur pour 87 centimes d'euros du litre… Cela nous paraît complètement désastreux ; nous l'avons dénoncé de manière très forte auprès de l'enseigne concernée, car on ne peut pas bâtir une montée en gamme de manière correcte avec des pratiques de ce genre. Si tout tourne demain autour de la question de savoir si on doit faire du bio au prix du conventionnel, on n'aura pas réglé grand-chose pour l'agriculture ! On va même finir par détruire notre agriculture.

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Mais comment les enseignes font-elles pour proposer des prix si bas ?

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Du fait de la réglementation sur le seuil de revente à perte (SRP), elles sont obligées de prendre 10 %.

Mais il y a peut-être une mutualisation dans les marges avec le prix du conventionnel ; on ne le sait pas exactement. Pour nous, en tout cas, ce sont des pratiques qui sont désastreuses. C'est quelque chose qui est absolument déconcertant pour nous.

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Antoine Suau, directeur du département Économie et développement durable de la FNSEA

Permettez-moi peut-être une précision sur cet aspect-là. Dans le cas du lait bio tout simplement vendu à prix coûtant par un distributeur d'eau qui affirme clairement ne faire aucune marge, vous vous souvenez sans doute de la phrase de Serge Papin, qui disait que c'était le coco de Paimpol qui finance le Coca Cola. Eh bien, aujourd'hui, le Coca-Cola est remplacé par le produit bio comme produit d'appel dans les supermarchés.

Pour expliquer par quels moyens, nous allons retomber sur les mêmes mécanismes, c'est-à-dire qu'on fera pression sur les autres produits qui ne sont pas des produits d'appel. C'est bien ce qu'on a dénoncé tout au long du débat sur la loi Egalim : ce sont les autres produits qui vont payer l'absence de marge. C'est d'ailleurs même pire que l'absence de marge, puisqu'il faut distribuer le lait bio. Le distributeur va donc compenser sa perte en faisant pression sur les autres produits.

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Nous avons demandé à l'OFPM son analyse sur cette question, qui rejoint celle des indicateurs de coûts de production. Le CNIEL a validé un indicateur de coûts de production pour le lait bio qui approche les 500 euros la tonne. Il est clair qu'à ce prix-là, on ne peut pas vendre aux consommateurs à 87 centimes le litre… Si l'on suit la logique de la loi, à savoir partir des coûts de production pour arriver à un prix final, je pense que cette pratique est hors-la-loi. Voilà pourtant ce que fait Carrefour, à grand renfort de communication.

À un moment donné, on ne peut pourtant pas promettre plus de bien-être et plus de santé pour moins cher. Sinon, nous assisterons à l'arrivée de produits importés, qui s'appelleront peut-être « bio », mais qui seront faits dans des conditions que personne n'ira contrôler. Ce point rejoint nos remarques sur l'approvisionnement local : nous avions dit que le produit local français ou, mieux encore, le bio français était peut-être meilleur que le bio qu'on pouvait trouver en Pologne, où les contrôleurs travaillent peut-être dans des conditions un petit peu différentes.

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Antoine Suau, directeur du département Économie et développement durable de la FNSEA

Certains demandent à quoi sert la hausse du seuil de revente à perte. Les prix que nous venons d'évoquer ont été constatés avant celle-ci ; on comprend donc l'intérêt de cette hausse : les grandes et moyennes surfaces sont obligées de rémunérer les coûts de distribution à hauteur de 10 % pour réduire la pression qu'elles mettent sur les autres produits. C'est le pari qui est fait par la loi EGAlim

S'agissant de la transparence de la négociation, évoquée à plusieurs reprises, et des preuves permettant d'établir si le blocage venait de la grande distribution ou du fournisseur, un élément de réponse est fourni par le médiateur des relations commerciales agricoles, M. Francis Amand, qui a mis en place un observatoire à la demande du ministre de l'économie et de celui de l'agriculture. Cet observatoire a présenté ses premiers résultats lors du dernier comité de suivi des relations commerciales. Ils montrent que les fournisseurs ont demandé des hausses de tarif de 4 % en moyenne et qu'au final, les accords prévoient des baisses de prix de 0,4 % en moyenne. Cette baisse de 0,4 % passe à 0,8 % si l'on exclut le secteur laitier, car les accords tripartites sur le lait ont permis d'améliorer le résultat. Cette différence entre les demandes des fournisseurs et le résultat des négociations commerciales fourni des éléments de réponse. Dans le communiqué de presse, nous avons souhaité établir une distinction entre les enseignes car ces dernières, que nous rencontrons souvent, nous ont fait part de leur agacement d'être toujours placées dans le même panier.

Des fournisseurs nous informent que les négociations se sont mieux passées avec certaines enseignes, qui ont accepté des hausses sur certains produits. Des enseignes ont conclu des accords tripartites qui ont conduit à une amélioration du prix du lait tout au long de la chaîne, notamment Système U, Intermarché ou Auchan. Il nous est rapporté que dans ces enseignes, des hausses de prix sont passées sur certains produits, je pense notamment aux steaks hachés dans les supermarchés Auchan, dont le prix a été augmenté entre 3 % et 5 %. C'est pourquoi nous ne souhaitons plus faire d'amalgame entre les différentes enseignes.

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Benjamin Guillaumé, chef de service Économie des filières de la FNSEA

Nous constatons que la montée en gamme se fait principalement sur les marques de distributeurs, or la hausse du seuil de revente à perte ne s'applique pas à ces marques. Cela permet à la grande distribution de contourner la hausse de ce seuil de manière légale en faisant des produits d'appel sur des gammes de produits très ciblées – typiquement, les produits bio – et avec leur marque de distributeur. Nous constatons une importante montée en puissance des grands distributeurs sur les marques de distributeurs, car c'est sur ces produits que se fait aujourd'hui la guerre des prix. Si des améliorations de la loi EGAlim sont à prévoir, elles consistent peut-être à revoir certaines dispositions pour qu'elles protègent davantage les fournisseurs lorsqu'ils fabriquent des marques de distributeur. Aujourd'hui, les ambitions de déploiement des marques de distributeurs dépassent largement les 50 % de parts de marché sur l'ensemble des catégories de produits. C'est l'un des enjeux de la grande distribution, aujourd'hui et demain.

Les autres contournements de la loi que nous constatons, qui sont autant d'améliorations possibles de l'ordonnance relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, un certain nombre de produits frais, notamment les fruits et légumes et les viandes fraîches, ne sont pas concernées par l'encadrement des promotions en valeur. Le distributeur affiche un prix choc en magasin sans faire figurer de baisse tarifaire à côté. C'est considéré légal par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans ses lignes directrices. Dès lors, tout un pan des produits agricoles est retiré du champ d'application de cette ordonnance. Nous avons sur ce point un souci pour faire respecter l'esprit de la loi, les lignes directrices considérant malheureusement cette pratique comme légale.

De même, à quel stade doit-on calculer le seuil de revente à perte ? Vous aurez certainement des éléments de la DGCCRF sur ce point ; le calculer avant ou après transport permet d'obtenir un prix en magasin plus ou moins avantageux pour le consommateur. Dans ce domaine, nous constatons aussi certaines pratiques qui ne sont pas conformes à l'état d'esprit des États généraux de l'alimentation, concernant par exemple les fruits et légumes.

S'agissant de l'organisation des filières et la manière dont nous pouvons y participer, il existe un vrai enjeu, au-delà des pratiques que nous venons d'exposer sur les négociations commerciales, à organiser la production et à concentrer l'offre grâce à des organisations de producteurs plus fortes, capables de proposer des prix rémunérateurs pour l'ensemble de leurs adhérents. Nous y prenons part, et nous menons un travail de pédagogie auprès de l'ensemble des agriculteurs pour expliquer en quoi consiste la boîte à outils des États généraux de l'alimentation. Il y a un certain nombre d'outils attractifs, les agriculteurs entendent parler des états généraux de l'alimentation depuis un certain temps, il faut passer à l'action sur les volets contractualisation et organisation de la production. C'est indispensable, et c'est aussi notre rôle.

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Monsieur Benezit, vous avez fait allusion au transfert de valeur vers des centrales d'achat européennes. On dit toujours dans le business que lorsqu'on ne gagne pas d'argent, on en perd. Vous dites aussi que la DGCCRF, aujourd'hui, est peut-être un peu laxiste ou manque de moyens de contrôle. Avez-vous des informations de la part de coopératives ou d'industriels de l'agroalimentaire vous faisant part de comportements à la limite de la légalité, notamment de transferts de fonds vers des centrales d'achat en Belgique ou en Suisse ? J'aimerais avoir votre avis, car la répression des fraudes n'a aucun moyen de contrôle sur ces centrales d'achat basées dans d'autres pays que le nôtre, donc financièrement et fiscalement, elles passent complètement sous le radar.

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Et comment percevrez-vous, avec quelques dizaines années de recul, la bienveillance en France et en Europe à l'égard de la concentration de la puissance de feu que représente la grande distribution, qui s'est structurée en centrales d'achat au niveau national, et maintenant au niveau européen, tandis que, dans le même temps, l'Autorité de la concurrence impose des exigences très fortes lorsque les acteurs en amont de la filière, c'est-à-dire les agriculteurs, veulent se structurer en organisations de producteurs. Il est très vite opposé des problèmes de concurrence, alors que les pouvoirs publics portent un regard bienveillant sur les acteurs de la distribution et les centrales d'achat, nationales et européennes.

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

S'agissant du transfert de valeur, il faut distinguer deux sujets. D'une part, concernant l'application des ordonnances sur le seuil de revente à perte et les promotions, et des lois précédemment en vigueur, notamment sur le déréférencement et les ruptures de contrat, nous souhaitons que la DGCCRF ait les moyens et la volonté de les faire appliquer sans laxisme, et nous tâcherons de faire remonter tous les excès qui seront portés à notre connaissance, même si certaines entreprises, par peur de représailles, acceptent parfois ce qu'elles ne devraient pas. Elles ont tort, et il faut le dire, car l'arsenal juridique est très complet.

D'autre part, au niveau européen, ce qui était précédemment impossible va le devenir. La directive européenne va permettre aux services des États membres de remonter à l'extérieur de leurs frontières. La DGCCRF pourra aller chercher des informations sur une centrale d'achat en Belgique, par exemple, ou même hors du territoire européen.

Cette directive européenne est donc importante, car nous disposions de cet arsenal juridique en France, mais elle permettra d'en élargir la portée au niveau européen. Mais cela suppose que la DGCCRF ait les moyens, et reçoive les ordres, d'aller voir dans ces pays. Rappelons que ces pratiques ont pour but de contourner ce qui a été fait en France. C'est pour cela que nous avons soutenu cette directive, contrairement à la grande distribution, notamment française, qui a oeuvré à Bruxelles pour que ce texte ne paraisse jamais.

Concernant la bienveillance à l'égard de la grande distribution et des aspects historiques, notamment la loi de modernisation de l'économie, même si nous sommes puissants, nous n'avons pas toujours été écoutés, malheureusement. Nous l'avons vu lors de la crise des gilets jaunes, puisque certaines ordonnances ont été légèrement bousculées avant de sortir. Rappelons que depuis la dernière guerre, il fallait que l'alimentation soit la moins chère possible, ce qui a marqué les esprits. Même quand les prix étaient protégés, ils l'étaient aussi pour ne pas trop monter. En France, toute une politique, qui s'est d'ailleurs retranscrite au niveau européen, insiste sur l'intérêt de protéger le consommateur. Il n'y a pas que la loi de modernisation de l'économie (LME), dont certaines mesures commencent à être abrogées, c'est l'effet de toute cette politique qui aboutit à ce que sur cent euros payés par le consommateur, six reviennent à l'agriculteur.

La peur qui existait après-guerre est très éloignée de la réalité actuelle. Effectivement, il existe des aides.

Lorsque nous disons que le coût de production d'une tonne de lait conventionnel est de 396 euros, c'est en tenant compte des aides publiques. Sans les aides publiques, ce coût serait peut-être de cent ou cent cinquante euros de plus. Si, demain, il y avait moins d'aides publiques, le coût de production de la tonne de lait ne serait peut-être pas de 396 euros, mais plutôt de 450 ou 500 euros.

Nous verrons bien lorsque les choses changeront dans les cours de ferme, mais si les États généraux de l'alimentation ont permis de prendre conscience qu'il n'est pas possible de continuer de la sorte en donnant les armes à l'acheteur en vertu des intérêts du consommateur. Nous avons vu les résultats, et il est nécessaire de continuer le changement et d'améliorer les textes qui ont été édictés ces derniers mois.

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Antoine Suau, directeur du département Économie et développement durable de la FNSEA

En complément à propos de cet aspect historique, l'absence de rôle du maillon agricole dans la commercialisation tient aussi au modèle de distribution à la française, qui a essaimé un peu partout dans le monde. La France a été en pointe dans la création de ce modèle de distribution qui a la particularité de reposer sur des enseignes internationales qui exercent entre elles une concurrence très forte. Des enseignes comme Carrefour ont d'ailleurs reconnu devant les deux ministres lors du dernier Comité de suivi des relations commerciales que face à leurs difficultés, la guerre des prix allait continuer, et qu'elles n'avaient pas d'autre choix qu'une politique de concurrence agressive.

La guerre des prix est une particularité française qui pèse particulièrement sur toute la chaîne alimentaire française.

Par ailleurs, notre politique depuis la loi de modernisation de l'économie a consisté à privilégier la baisse des prix au consommateur. L'Observatoire des prix et des marges le montre très bien, ainsi qu'une étude de Mme Claire Chambolle intitulée : « Évaluation des effets de la loi de modernisation économique et des stratégies d'alliances à l'achat des distributeurs », réalisée pour Bercy. Le consommateur est le grand gagnant, depuis dix ans. La stagnation des prix alimentaires est flagrante. Les comparaisons entre pays de l'Union européenne montrent clairement que chez nos voisins, la hausse des prix est sans comparaison avec ce qui se passe sur le territoire français.

La coexistence de distributeurs très puissants qui se font la guerre car leur survie est en jeu et d'une politique publique qui a consisté à privilégier le pouvoir d'achat des consommateurs cause des difficultés pour valoriser la montée en gamme. À la différence des années passées, la création de valeur se fait beaucoup en amont. Que vendent les distributeurs aujourd'hui au consommateur ? Des produits sans organismes génétiquement modifiés (OGM), sans antibiotiques, respectueux du bien-être animal : de la valeur ajoutée créée par les producteurs eux-mêmes. C'est nouveau, et l'enjeu de la construction du prix en marge avant est de permettre cette valorisation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens sur le lait, mais cet exemple vaut pour la viande et toutes les autres filières. Nous avons, au Parlement, la possibilité de contrôler la mise en oeuvre de la loi. Nous nous en sommes saisis, nous continuerons à le faire.

S'agissant du lait, le médiateur s'est saisi par notre intermédiaire, car nous ne savions pas quoi faire. Vous dites que la responsabilité vient de la grande distribution, vous avez évoqué quelques exemples fort sympathiques, on sait d'ailleurs que les dernières négociations, avec Lidl et Danone, sont respectueuses et les agriculteurs s'y retrouvent. Vous avez aussi parlé du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), au sein duquel on trouve notamment les transformateurs.

Vous dites que le médiateur a mis en place un observatoire, mais nous n'en sommes plus là ! Avec le médiateur, nous en sommes à régler les plaintes parce que les contrats ne sont pas signés. Vous n'avez pas répondu à la question sur les responsabilités, pour moi, une grande part en revient aux transformateurs. Nous nous sommes saisis, vous êtes encore un gros syndicat, ce serait une bonne chose d'avoir votre aide. Pour l'instant, nous recevons surtout l'aide des gens qui se mobilisent.

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Soyez convaincus que vous aurez notre aide. Les organisations professionnelles oeuvrent énormément, ces jours-ci, par l'intermédiaire de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'étais justement avec Marie Thérèse Bonneau, élue de Vendée, au conseil d'administration de la FNPL, il y a trois jours…

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Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA

Nous rappelons à toutes les organisations professionnelles que la réponse au contrat est obligatoire. S'il n'y a pas de réponse au contrat, il existe d'emblée une infraction. Pour l'application de la loi, nous sommes auprès des organisations professionnelles pour les conseiller et les aider à ce niveau. Et nous n'avons aucun souci à recevoir un coup de main des parlementaires et du médiateur.

En tout cas, nous sommes en train de mettre en oeuvre tous les droits que la loi accorde. C'est bien l'organisation de producteurs qui propose ses tarifs, et il doit y avoir une réponse de l'industriel ou du distributeur sous peine de sanction. C'est pourquoi les dernières ordonnances sur le prix abusivement bas et le toilettage du code du commerce nous semblent absolument essentielles. Des sanctions sont prévues – 5 %, 5 millions d'euros –, des moyens sont donnés, à nous de donner le courage à certains de les utiliser. Mais n'oublions pas la puissance des moyens que la distribution peut engager pour des négociations par rapport à une organisation professionnelle.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Suite à la pression exercée par la grande distribution depuis des dizaines d'années sur les prix, les prix, et les prix, c'est sur l'ensemble des acteurs – industriels et producteurs – que l'on fait peser une baisse de revenus.

À force de vendre des prix bas, et non pas des denrées alimentaires, on déstructure toute une filière.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je pense que vous m'avez parfaitement compris, et nous devons rappeler que ces règles s'appliquent aussi aux coopératives et aux industriels qui transforment les produits des agriculteurs.

La séance est levée à onze heures vingt.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 10 heures

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Danielle Brulebois, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Stéphanie Do, M. Yannick Kerlogot, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Cendra Motin, M. Nicolas Turquois, M. Arnaud Viala, M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers

Assistait également à la réunion. - M. Jacques Marilossian