Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, co-rapporteur de la mission d'information :

Il s'agit d'abord de définir qui sont ces « Américains accidentels » et pourquoi ils nous ont alertés ainsi que plusieurs de nos collègues sur leurs difficultés.

Trois particularités juridiques se combinent. En premier lieu, les conditions d'acquisition de la citoyenneté américaine sont particulièrement larges, puisque, en plus du droit du sang, les États-Unis pratiquent un droit du sol intégral, conformément au quatorzième amendement de leur Constitution. Tout individu né sur le territoire possède la nationalité américaine, quelle que soit la durée de son séjour dans le pays, qu'il ait ou non demandé un passeport par la suite ou qu'il soit ou non retourné dans le pays. Les « Américains accidentels » sont donc binationaux par un « hasard » de la vie – ou plutôt de celle de leurs parents –, et beaucoup d'entre eux pensaient ne plus jouir de la nationalité une fois qu'ils avaient atteint l'âge de 18 ans. L'exemple typique est celui de l'enfant né d'une mère qui effectuait un séjour de courte durée aux États-Unis (pour des vacances ou son travail) et qui a quitté le territoire peu de temps après : cet enfant n'a jamais réellement bénéficié de la citoyenneté américaine ou vécu dans ce pays. En matière économique, la notion de « U.S. person » ne comprend pas que les ressortissants américains mais aussi les titulaires d'une « green card », voire parfois des personnes morales. On estime ainsi qu'environ 8,7 millions d'Américains résident en dehors du territoire des États-Unis. Le spectre qui nous intéresse est évidemment plus étroit.

Les États-Unis pratiquent également la « citizenship based taxation » (CBT) : les ressortissants américains sont imposés au titre de leurs revenus de source mondiale, quelles que soient la façon dont ils ont obtenu leur nationalité et la teneur des liens qu'ils entretiennent avec les États-Unis. L'Érythrée est le seul pays qui applique une procédure similaire dans le monde. Tous les autres États assoient ce prélèvement sur un critère de résidence. Ce principe repose sur des sources historiques, fondées sur la peur que la Couronne ne bénéficie de rentrées au titre de richesses produites dans les colonies nouvellement indépendantes. Cette disposition a ensuite été renforcée à l'occasion de la guerre de Sécession, avec les deux lois de 1861 et 1864. La CBT a été constitutionnalisée en 1913, étant inscrite par le seizième amendement, ce qui ne simplifie pas sa remise en question éventuelle.

Toutefois, sa portée est longtemps restée purement théorique. À l'exception des contribuables de bonne foi – qui savaient être redevables –, ou repérés de manière incidente, le fisc américain ne disposait pas des moyens juridiques et techniques de vérifier la situation économique et financière de l'ensemble des Américains vivant hors du sol des États-Unis.

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