Intervention de Cécile Garrigues

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 17h15
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Cécile Garrigues, coprésidente du Syndicat national des médecins de la protection maternelle et infantile (SNMPMI) :

Je ferai une présentation rapide de la PMI et de l'action des services de PMI en protection de l'enfance. Ces services, rattachés aux conseils départementaux, mènent des actions de prévention et de promotion de la santé auprès des enfants de moins de six ans et de leurs parents, des femmes enceintes, des couples ou futurs couples, et des adolescents.

Leurs principes directeurs sont la proximité, la gratuité, l'accessibilité. Les équipes sont pluridisciplinaires et travaillent avec un large réseau. L'approche est globale -- médicale, psychologique et sociale ; les actions sont individuelles et collectives. Les services de PMI sont ouverts à tous, avec une attention particulière aux familles en situation de vulnérabilité.

Le rôle des services de PMI dans la protection de l'enfance est d'abord un rôle de prévention. L'action préventive de la PMI contribue fortement à la protection de l'enfance. Elle intervient très en amont des difficultés pouvant conduire à une situation de danger. Deux aspects, fondamentaux et historiques, distinguent la prévention conduite en PMI de la finalité de protection de l'enfance. D'une part, la PMI est instituée pour assurer à l'enfant les conditions d'un développement optimal de sa santé, et celles de son développement physique, intellectuel, affectif et social. Son périmètre dépasse ainsi largement le champ de la protection de l'enfance. D'autre part, la PMI offre des services à tous les enfants et toutes les femmes enceintes, prioritairement dans le registre de la promotion de la santé et de la prévention en santé.

La prévention en PMI n'est donc pas orientée vers la recherche d'un risque particulier, mais elle est globale et très personnalisée. En cas de difficulté repérée, notre regard n'est pas seulement soucieux du trouble, mais aussi de tout ce qui, chez l'enfant et dans son entourage, peut constituer un levier.

L'approche par la santé et le prendre-soin est très importante, car elle rejoint la première préoccupation de tout parent : est-ce que mon bébé grandit bien ? Est-ce que mon bébé est en bonne santé ? Cet abord très précoce, en périnatalité, par la santé et le développement de l'enfant, permet l'accompagnement à la parentalité.

« Les mères nourrissent leurs petits de lait et de songes. » Cette phrase est citée par Dominique Lardière, pédiatre de PMI, dans un texte que nous vous avons remis. La PMI accompagne bien les familles sur ces deux registres. Le regard bienveillant et contenant des professionnels sur le développement de l'enfant vient soutenir l'attention des parents à leur enfant et à ses besoins.

Lors de visites à domicile ou de consultations, l'observation des liens entre parents et enfants, l'écoute des parents, de leurs questionnements, de leurs inquiétudes éventuelles, l'observation fine du bébé, la prise en compte globale de la famille – santé physique, psychologique, difficultés sociales – permettent d'ajuster la prise en charge afin de prévenir les difficultés d'une relation potentiellement porteuse de risques pour le développement de l'enfant.

De même, les centres de planification et d'éducation familiale (CPEF) peuvent repérer les violences conjugales et leurs répercussions sur la santé des enfants. Ils assurent également une mission de prévention des grossesses non désirées, contribuant ainsi à éviter des situations de maltraitance potentielle.

La PMI a un rôle de dépistage et d'accompagnement. Les professionnels de PMI sont, grâce à leur formation et à leur expérience, particulièrement à même d'évaluer la qualité des interactions entre parents et enfants, et de reconnaître la sémiologie fine des souffrances précoces du bébé et du jeune enfant, qui peuvent laisser craindre des faits de carence ou de maltraitance dont les signes peuvent apparaître sur le plan physique comme sur le plan relationnel.

Les praticiens de PMI ont l'avantage de travailler à plusieurs, dans des équipes pluridisciplinaires. Lors des consultations, le regard du médecin est toujours complété par ceux de la puéricultrice, du psychologue, et, éventuellement, d'autres professionnels. Ils peuvent se donner le temps de l'observation, et sont spécifiquement formés aux signes de retrait ou de troubles neuro-développementaux. Nos locaux sont adaptés à la prise en charge de bébés et de jeunes enfants.

Notre état d'esprit, lorsque nous présumons une difficulté, vise au repérage d'une souffrance, au sens où il s'agit de s'allier à elle, et non seulement de repérer des défaillances. Pour favoriser ou renouer l'accordage précoce entre bébé et parents, il est nécessaire de tisser une alliance entre la famille et les professionnels.

Lorsque les difficultés sont repérées, les professionnels de PMI peuvent notamment mobiliser le réseau des professionnels du social et de la santé, en travaillant en interaction avec nos collègues du conseil départemental, du service social et de l'aide sociale à l'enfance, et en lien avec tous les professionnels de santé, ceux des maternités, et avec les médecins libéraux et hospitaliers.

Ainsi, une aide ménagère peut être envoyée pour soulager une mère débordée, un accès aux droits peut être rétabli, en lien avec l'assistante sociale ; une dépression ou une dépendance peut être orientée vers un collègue psychiatre ou vers un conseiller en protection infantile. Une mesure d'aide sociale ou éducative en protection administrative peut également être demandée par les parents, ou être proposée et mise en place avec leur coopération. Dans les cas les plus sévères, l'équipe de PMI peut procéder à un signalement en vue d'une mesure de protection judiciaire.

Des adolescents en souffrance psychique peuvent également être repérés par les professionnels des CPEF, qu'ils soient en situation d'addiction, de décrochage scolaire, de conduites sexuelles à risque, ou qu'ils présentent des signes révélateurs de violences sexuelles ou de maltraitance physique ou psychologique. Ainsi, en cas de danger, une mesure administrative ou de protection pourra être proposée pour ces jeunes.

La PMI a un rôle dans l'évaluation. Les services sociaux départementaux et les services de PMI évaluent les situations des enfants signalés à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP), la PMI étant impliquée pour les enfants jusqu'à six ans. À la réception d'une information préoccupante, les professionnels – assistante sociale et puéricultrice – procèdent à une évaluation de la situation centrée sur l'enfant, sa santé, son développement et son épanouissement, ses besoins et ses droits. L'objectif est de déterminer si l'enfant se trouve dans une situation de danger ou de risque pour son développement futur, et si une aide peut être proposée.

Les services de PMI ont également un rôle dans le suivi de la santé et l'accompagnement des enfants faisant l'objet d'une mesure éducative administrative ou d'une mesure de protection judiciaire. Les services de PMI peuvent assurer le suivi en matière de santé. Les missions et les partenariats très larges des équipes de PMI facilitent ce suivi avec tous les professionnels de santé qui entourent l'enfant, et avec tous ses milieux de vie – domicile, structures d'accueil, crèche, halte-garderie, école…

Il est indispensable de rappeler que les besoins fondamentaux d'un enfant bénéficiaire d'une mesure d'aide ou de protection éducative ne sont pas différents de ceux de tout enfant : il doit bénéficier d'une prise en charge qui assure la continuité de ses repères dans ses figures d'attachement, bénéficier de conditions de vie qui permettent son développement psychomoteur et psychoaffectif, recevoir des soins de qualité qui lui permettent de se construire et d'être respecté en tant que sujet, bénéficier d'un climat relationnel et d'un environnement stable pour que ses rythmes et ses besoins premiers soient respectés.

Cependant, les études et les rapports qui se multiplient depuis une quinzaine d'années montrent que les enfants confiés présentent des troubles multiples, avec notamment une surreprésentation des troubles psychoaffectifs et du comportement. Selon les études, 13 % à 15 % des enfants confiés ont un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), c'est-à-dire sept fois plus que dans la population générale. C'est dire l'importance et la légitimité de la présence des professionnels de la PMI, auprès des travailleurs sociaux de l'ASE, dans la mise en oeuvre de l'orientation et du suivi médical de ces enfants. Les repères du développement de l'enfant, notamment très jeune, sont souvent méconnus des travailleurs sociaux.

Les autres dimensions du travail de la PMI en matière de protection de l'enfance consistent notamment à participer à la dimension santé du projet pour l'enfant prévu par la loi du 14 mars 2016. Les CPEF peuvent également assurer, auprès des mineurs accueillis par l'ASE et des jeunes majeurs, un suivi en matière de santé sexuelle et reproductive.

Les services de PMI rencontrent néanmoins certaines difficultés. Leurs équipes peuvent être fragilisées dans l'exercice de leurs missions si les professionnels sont trop mobilisés par les évaluations de la protection de l'enfance, au détriment des activités de prévention globale.

Les familles peuvent hésiter à faire confiance à la PMI par crainte d'un regard évaluatif et jugeant. Par exemple, si la puéricultrice est identifiée dans le quartier comme évaluant des risques de danger, il peut être un peu compliqué de lui ouvrir la porte pour une visite postnatale. C'est ce qu'ont bien pris en compte la loi de mars 2016 et le décret sur l'évaluation des informations préoccupantes (IP), qui prévoient de différencier les professionnels qui évaluent de ceux qui accompagnent la famille.

Plus généralement, l'action de la PMI est entravée par l'insuffisance des moyens consacrés à la prévention en santé. La mission menée par Mme Peyron sur l'évaluation de la politique de PMI devrait formuler des propositions pour renforcer le dispositif de PMI. À propos du financement de la PMI, et à titre d'exemple la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) évalue la dépense de santé en 2017 à 199,3 milliards d'euros et celle consacrée aux soins préventifs à 9,1 milliards d'euros. La dépense de PMI serait évaluée entre 400 et 500 millions d'euros par la mission Peyron. Une augmentation de 200 millions d'euros de la dépense de PMI par le biais d'un financement fléché représenterait une augmentation de 2,2 % des dépenses de prévention, et seulement de 0,1 % de toutes les dépenses de santé. Cela devrait être à la portée d'une politique cherchant à revivifier la prévention, tant pour sa finalité propre que pour sa contribution à la protection de l'enfance.

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