Intervention de Raymond Girardi

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 10h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Raymond Girardi, vice-président du MODEF :

La grande distribution prélève de l'argent aux fournisseurs d'une façon que je qualifierais au moins d'illégitime, voire de racket. Je pense ici aux marges arrière, qui étaient autrefois illégales mais qu'une loi a, d'une certaine façon, validées. Dans une économie de marché, lorsqu'un produit est vendu, la transaction est normalement close. Il n'en est pas ainsi avec la grande distribution, qui exige a posteriori un pourcentage de marge arrière. J'estime que celles-ci doivent disparaître totalement. Elles vont en effet à l'encontre des principes économiques, dans un système d'offre et de demande.

Passons au référencement. Lorsque je propose mes tomates à une centrale d'achat, celle-ci me demande de lui verser 20 000 euros pour me référencer, sans me donner la moindre garantie d'achat. Ce n'est autre que du racket. Comment accepter de devoir verser de l'argent pour écouler nos produits ?

J'en viens aux « Promotions ». Quand le marché frôle le surencombrement, en raison des importations, notamment, la grande distribution annonce qu'elle nous achète cinq palettes de melon… dont deux gratuites. Elle propose ensuite à ses clients trois melons pour le prix de deux. Est-il normal que l'agriculteur assume le coût des promotions en magasin ?

En outre, pour que nos produits soient placés en tête de gondole, nous devons soit payer l'enseigne, soit lui accorder un avantage sur le prix de vente.

La pratique de la contestation des produits est encore plus problématique. Lorsque nous livrons un camion de pommes à un acheteur, surtout à une distance éloignée, il peut décider de décompter trois palettes de son règlement, pour des motifs fallacieux : quelques fruits étaient de trop petit calibre ou étaient abîmés. L'éloignement nous empêche d'aller vérifier les faits sur place. Les années où la majorité des pommes sont de belle taille, les centrales d'achat demandent systématiquement le calibre inférieur – et inversement, les années où les fruits sont plus petits. Cette pratique est courante pour de nombreux produits.

En plus de tout ceci, certaines enseignes vont jusqu'à réclamer des ristournes. Leclerc a été condamné à ce titre.

J'en arrive au levier des importations. Dans le Sud-Ouest, les premiers melons parviendront à maturité début juin. Une dizaine de jours avant l'arrivée sur le marché de la production française, une vague de melons importés du Maroc déferlera sur les étals de la grande distribution et fixera les prix au niveau le plus bas. Les enseignes nous diront ensuite qu'elles privilégient la production française, mais au prix du Maroc. Là encore, cette pratique est systématique. Aucun produit n'y échappe, que les importations proviennent de l'Union européenne ou du reste du monde. Entre autres exemple, nous sommes soumis à la concurrence massive des pays d'Europe centrale pour les pêches, les nectarines, les fraises, les tomates mais aussi la viande.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, les écarts de prix entre nos produits et ceux qui sont importés tiennent en partie à des disparités sociales. La mondialisation est de mise, nous explique-t-on, et chaque pays est libre de définir ses normes. La France peut être fière de ses règles sociales et de son code du travail. Peut-elle accepter que les salariés de certains pays producteurs de fruits et légumes soient maintenus dans la misère ? Est-il normal qu'elle importe massivement leurs produits ? À cela s'ajoute une concurrence déloyale sanitaire : ces pays utilisent, pour traiter leurs produits, des molécules interdites en France depuis trente ans. Un agriculteur français qui en ferait de même encourrait la prison !

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