Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous présentons ce matin devant vous le rapport d'information sur l'application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Le présent rapport est réalisé en application du premier alinéa de l'article 145-7 du Règlement de l'Assemblée nationale, aux termes duquel deux rapporteurs, dont le rapporteur de la loi – que j'ai l'honneur d'avoir été – et un autre rapporteur appartenant à un groupe d'opposition, mon collègue Jérôme Nury, très impliqué sur ce texte, doivent présenter, à l'issue d'un délai de six mois suivant l'entrée en vigueur d'une loi, un rapport sur sa mise en application.

La loi ayant été promulguée le 30 octobre 2018, le délai de six mois est intervenu le 30 avril dernier.

Nous présentons devant vous une nouvelle étape d'un processus débuté il y a près de deux ans, au début de la législature :

– d'août à décembre 2017, les États généraux de l'alimentation (EGA) ont permis de rassembler tous les acteurs du monde agricole et alimentaire en deux phases portant sur la création et la répartition de la valeur, d'une part, et sur l'accès à une alimentation saine, sûre et durable, d'autre part ;

– en janvier 2018 avec le dépôt du projet de loi, les conclusions des EGA ont été traduites dans les deux titres du projet de loi initial ;

– d'avril à septembre 2018, les débats parlementaires ont considérablement enrichi la loi. Les Français se sont passionnés pour ces questions et beaucoup de travail a été effectué (6 300 amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale à toutes les étapes de la discussion du texte), si bien que 98 articles ont été adoptés en lecture définitive ;

– la loi promulguée après son passage devant le Conseil constitutionnel comporte 75 articles (23 articles ayant été censurés par le Conseil constitutionnel, n'y revenons pas).

Nous voilà, six mois plus tard, à la première étape du contrôle de l'application de la loi. Et puisqu'il s'agit du premier rapport d'application d'une loi adoptée par notre commission sous cette législature, j'en profite pour vous préciser son objet.

L'exercice a consisté à recenser les textes réglementaires publiés et ceux qui ne le sont pas, les ordonnances prises en vertu d'habilitations inscrites dans la loi, ainsi que la remise des rapports au Parlement prévus par la loi. Par extension, le détail des mesures d'application étant susceptible de détourner la lettre ou l'esprit de la loi, ce rapport s'est également assuré que les textes pris pour son application étaient bien conformes aux intentions du législateur. Pour ceux qui nous écoutent, il ne s'agit pas d'un rapport d'évaluation, c'est un rapport de contrôle de l'application de la loi par le Gouvernement chargé de sa mise en oeuvre.

Je présenterai le bilan des textes réglementaires et des rapports publiés. Mon collègue co-rapporteur vous présentera les ordonnances.

Trente-six mesures réglementaires d'application sont nécessaires à l'application de la loi (dont trente et un décrets et cinq arrêtés) : dix-sept décrets ont été publiés à ce jour soit un taux d'application de 47 %. Aucun arrêté n'a encore été publié.

À six mois de la publication de la loi, ce taux est satisfaisant.

À noter que sur le titre Ier relatif aux relations commerciales, les deux décrets nécessaires ont été pris. Nous avons fait le point sur la publication des indicateurs par les organisations interprofessionnelles : elles s'y sont mises. Parfois le consensus est difficile à trouver mais, pour nombre d'entre elles, les indicateurs sont déjà en ligne ou ont été notifiés à la Commission européenne.

Certaines mesures réglementaires étaient déjà satisfaites dès la promulgation de la loi du fait de décrets préexistants. D'autres n'ont pas encore été publiées mais ont déjà fait l'objet d'une consultation ou d'un avis.

Les mesures réglementaires les plus attendues concernent l'aide alimentaire et, surtout, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. L'article 76 entré en vigueur le 1er janvier 2019 interdit la vente en libre-service de certaines catégories de produits biocides aux utilisateurs non professionnels, ainsi que plusieurs pratiques commerciales susceptibles d'encourager l'utilisation de ces produits. Le projet de décret a été soumis à consultation du public. L'article 80 complète le contenu du plan Ecophyto, en vue de soutenir le développement d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Un décret précisant la composition de l'instance de concertation et de suivi sur les produits phytopharmaceutiques est en attente de publication. L'article 82 prévoit une expérimentation de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits autorisés en agriculture biologique. L'arrêté définissant les conditions et les modalités de cette expérimentation de manière à garantir l'absence de risque inacceptable pour la santé et l'environnement a circulé auprès des professionnels mais il est en attente de publication. L'article 83 prévoit l'interdiction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives présentant des modes d'action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits. Il prévoit également que l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments soit subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures, adaptées à divers paramètres, sont formalisées dans une charte d'engagements à l'échelle départementale. À défaut, l'autorité administrative peut en restreindre ou en interdire l'usage. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Deux décrets précisant l'application de ces dispositifs sont en attente de publication.

Pour finir et concernant les rapports au Parlement : le rapport sur le dioxyde de titane a été remis dans le délai prévu par la loi, tout comme le rapport annuel du Conseil de l'alimentation.

En revanche, il est regrettable que le rapport sur le financement et les modalités de la création, avant le 1er janvier 2020, d'un fonds d'indemnisation des victimes de maladies liées aux produits phytopharmaceutiques n'ait pas été remis (le délai était fixé au 30 avril 2019). Nous interpellons donc le Gouvernement sur ce point.

En conclusion, un certain nombre de choses ont été faites. La loi fournit des instruments qui s'ajoutent aux boîtes à outils constituées par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (dite « LME ») et la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin 2 ») mais il faut que ces instruments et outils soient utilisés. J'ai fait le tour de la France pour les expliquer : on ne peut que constater sur le terrain qu'ils sont sous utilisés, notamment en matière de contractualisation sur la base des indicateurs de coûts de production. Seules certaines filières comme celle du lait les utilisent. Il faut absolument activer ces outils : j'ai rencontré les organisations interprofessionnelles et je leur ai rappelé cet état de fait. Si on veut que la loi ait un effet il faut que l'ensemble de ses outils soient utilisés. Ça n'est pas à l'État de mettre en place la contractualisation, c'est aux organisations de producteurs et aux producteurs de se mobiliser pour le faire.

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