Intervention de Serge Letchimy

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur :

Je remercie l'ensemble des groupes pour leur soutien. Je veux dire à Mme Albane Gaillot que j'ai été sincèrement touché par la déclaration du Président Macron à Fort-de-France. Je le souligne sans opportunisme : c'était la première fois qu'un Président de la République française reconnaissait ce « scandale environnemental », fruit d'« un aveuglement collectif », celui, je suppose, du productivisme.

Mais le Président Emmanuel Macron est allé plus loin en invitant « la République à avancer sur le chemin de la réparation ». Nous ne parlons pas là d'indemnisation : les Martiniquais et les Guadeloupéens sont assez fiers et dignes pour ne pas quémander çà et là une indemnisation. Il s'agit bien de réparation, car avec la moitié des terres polluées – 12 000 hectares –, et la moitié du littoral contaminé, l'agriculture et la pêche locales sont mortes. Nous avons tué le pays.

Nous devons enclencher un processus de mutation, non seulement scientifique et technique – nous prônons tous l'interdiction des pesticides –, mais aussi culturelle, en changeant les pratiques économiques. C'est une lourde responsabilité.

Quarante ans que cela dure, et l'on ne sait combien de temps encore cette pollution produira ses effets : deux cents, trois cents ans peut-être ? Ce n'est pas moi, mais Santé publique France qui avance ces chiffres : 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont contaminés au chlordécone. À quel degré le sont-ils ? On ne le sait pas, car il n'existe pas de dispositif généralisé de détection.

Nous ne faisons de procès d'intention à personne, surtout pas à la majorité qui n'était pas aux responsabilités il y a quarante ans.

J'ai participé aux réunions avec Mme Buzyn et Mme Girardin ; je les ai écoutées attentivement. La dynamique reprend depuis dix-huit mois. Cela faisait trois ans que les plans chlordécone, sur l'efficacité desquels je suis réservé, étaient éteints – plus personne n'en parlait.

Madame Gaillot, le fonds d'indemnisation que vous évoquez, et vous avez l'honnêteté de le préciser, concerne les maladies professionnelles et accidents du travail dans le domaine agricole. Il convient de rapporter le nombre de 12 000 agriculteurs antillais et guadeloupéens à la population contaminée, environ 750 000 personnes. C'est donc un dispositif beaucoup plus important qu'il faut mettre en place, et qui ne se limite pas à une indemnisation « sèche », de 2 000 ou 3 000 euros, mais qui réponde aux enjeux de la dépollution, de la prise en charge des travailleurs agricoles et de la prise en charge sanitaire globale.

Monsieur Door, nous l'avons précisé d'emblée, il ne s'agit pas de débattre ici du chlordécone. Depuis que le caractère cancérigène du produit a été établi par l'OMS en 1976 et que les Américains ont interdit son utilisation en 1977, l'ensemble des études convergent. Les études « Karu-prostate » et « Madi-Prostate », en Martinique et en Guadeloupe, n'ont malheureusement pas abouti, même si la prévalence très importante du cancer de la prostate en Guadeloupe a été démontrée. Les professeurs Luc Multigner et Pascal Blanchet ont publié récemment une étude montrant que la prévalence et la récurrence du cancer de la prostate sont trois à quatre fois supérieures chez les sujets exposés au chlordécone. Des études « Timoun » sur la prématurité et les malformations ont été menées sur une cohorte mère-enfant. Il existe des suspicions très fortes d'une influence du chlordécone sur l'endométriose. Les signaux sont donc très inquiétants.

Ce travail, que nous devons mener collectivement, ne doit pas être dirigé contre qui que ce soit. Les propositions qui en seront issues, formulées en concertation avec les ministères, doivent nous permettent de sortir de ce drame.

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