Intervention de Nathalie Sarles

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Sarles, rapporteure pour avis :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre commission est saisie, pour avis, du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, et, au fond, sur deux articles, les articles 2 et 4, à la suite d'une délégation conférée par la commission des affaires économiques.

En tant que rapporteure pour avis, j'ai procédé, en un peu moins de deux semaines, à une trentaine d'auditions, et participé à six tables rondes, pour partie communes avec M. Anthony Cellier, rapporteur au fond pour la commission des affaires économiques. Ces auditions m'ont permis d'entendre les différentes parties prenantes : associations, industriels, organismes publics et syndicats.

Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, il convient de souligner, une nouvelle fois, l'urgence à faire face aux changements climatiques par des mesures touchant toutes les activités humaines, qui soient à la fois rapides et décisives. Comme le rappelait le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de septembre 2018, il est important de veiller à contenir le réchauffement à un niveau de 1,5 degré. Or les engagements pris par les États parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques laissent, à ce stade, présager une augmentation des températures de plus de trois degrés en 2100.

Lancement du plan climat dès juillet 2017, création du Conseil de défense écologique, qui définit les orientations en matière de transition écologique, ou encore création du Haut Conseil pour le climat, sont autant de mesures proposées pour accélérer la lutte contre les changements climatiques et l'adaptation à ces changements.

Le projet de loi traite de façon essentiellement technique et sectorielle des questions relatives à la nécessaire évolution de notre production française d'énergie pour répondre à l'urgence climatique. Si l'ambition du Gouvernement a été déclinée dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas-carbone, le Parlement doit être partie prenante de toute décision ayant un impact sur le climat. Aussi aurions-nous souhaité que les textes réglementaires régis par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte soient soumis au pouvoir législatif, tout particulièrement la PPE et la SNBC.

Alors que le ministre de la transition écologique et solidaire a présenté en Conseil des ministres, lundi dernier, la convention citoyenne sur la transition écologique qui permettra de donner toute sa place à l'expression citoyenne, je souhaite insister sur le rôle de la représentation nationale.

Les enjeux relatifs au transport font actuellement l'objet d'un projet de loi spécifique en cours d'examen en séance publique. Cependant, le secteur du logement est aussi un contributeur majeur à l'émission de gaz à effet de serre. Or, les dispositions relatives à ce secteur mériteraient d'être renforcées pour améliorer l'équilibre du texte.

Pour autant, ce projet de loi présente, dans son premier article, de nouveaux objectifs ambitieux pour notre pays, notamment celui d'atteindre la neutralité carbone en 2050, avec une division des émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050, alors que le précédent objectif retenait une division par quatre. De plus, il renforce l'objectif de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles en 2030 par rapport à l'année de référence 2012, en la faisant passer de 30 % à 40 %.

Certes, s'agissant de la réduction de la part de l'énergie nucléaire dans notre production d'électricité, il repousse l'atteinte de cet objectif de 2025 à 2035. Ce report répond à un souci de réalisme, avec une trajectoire qui implique la fermeture de quatorze réacteurs, dont les deux de Fessenheim, tout en assurant la sécurité de l'approvisionnement électrique et la réduction effective de nos émissions de gaz à effet de serre.

La création du Haut Conseil pour le climat doit être saluée. Cette instance autonome, dont la légitimité reposera à la fois sur le haut niveau d'expertise et la variété des compétences de ses membres, ainsi que sur les moyens de fonctionnement qui lui seront attribués, devra donner un nouveau souffle à l'analyse des questions climatiques en France. Je vous proposerai un certain nombre d'amendements pour mieux ancrer la définition de ses missions dans la loi, ainsi que ses relations avec le Parlement. Il nous reviendra, ainsi qu'au Gouvernement, de veiller à préserver puis à accroître rapidement le budget de ce Haut conseil, afin qu'il puisse pleinement jouer son rôle.

L'article 4, relatif à la définition de l'autorité compétente pour prendre les décisions au cas par cas dans le cadre de l'autorité environnementale, doit permettre d'assurer le régime juridique des projets, la situation d'examen actuelle ne pouvant être que temporaire.

La fermeture, inévitable, des centrales à énergies fossiles les plus émettrices de gaz à effet de serre – en pratique, il s'agit des quatre dernières centrales à charbon situées sur le territoire métropolitain –, est préparée par l'article 3 du projet de loi. Je me suis évidemment inquiétée des conséquences sociales et économiques des fermetures d'installations envisagées, plus ou moins marquées suivant les cas pour les salariés et les territoires concernés. Le Gouvernement a bien tiré les conséquences de sa responsabilité à leur égard. Néanmoins, la question de la reconversion au sein des bassins de vie doit être considérée dès aujourd'hui.

Pour ce qui est de la lutte contre la fraude sur les certificats d'économies d'énergie (CEE), dont traite l'article 5, je suis d'autant plus convaincue de sa pertinence que ces certificats représentent désormais un effort financier substantiel, de l'ordre de 9 milliards d'euros pour la quatrième période. D'après l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), cela correspond à 3 à 4 % des dépenses énergétiques des Français. Par ailleurs, les CEE constituent désormais l'un des principaux outils de la politique d'efficacité énergétique française. Il apparaît donc essentiel que les consommateurs puissent non seulement être bien informés de ce dispositif et en bénéficier facilement, mais aussi y faire appel en toute confiance.

Au-delà de la question essentielle de la lutte contre la fraude, se pose celle des progrès – ou de l'absence de progrès constatée ces dernières années – en matière de performance énergétique des bâtiments. Son amélioration est un enjeu majeur pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050. Les dispositions du projet de loi ne suffisant pas, à elles seules, pour traiter cette question, il m'apparaît incontournable de prévoir des mesures complémentaires.

L'Europe engage ses membres à décliner les directives du paquet « une énergie propre pour tous les Européens ». La plupart auraient mérité, à mon sens, un débat législatif en bonne et due forme préalablement à leur transposition. Le délai de transposition des quatre directives en question, qui va de six à douze mois, aurait pu permettre au Parlement d'en examiner, pour une partie d'entre elles au moins, les modalités. Ainsi, les règles applicables aux communautés énergétiques locales prévues par la directive sur le marché intérieur de l'électricité devront être mises en cohérence avec celles applicables aux communautés d'énergies renouvelables, créées par la directive sur l'énergie renouvelable. Les décisions prises à cette occasion auront certainement un impact majeur sur le développement de ces communautés. Un débat au Parlement permettrait d'identifier les solutions les mieux adaptées.

S'agissant de l'article 7 du projet de loi, il comporte diverses mesures relatives à la Commission de régulation de l'énergie (CRE), pour l'essentiel techniques, ainsi qu'une autorisation à légiférer par ordonnance, afin d'autoriser le président de la CRE à transiger, pour permettre un traitement non juridictionnel des quelque 15 000 requêtes en remboursement de tout ou partie de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Dans la mesure où il s'agit d'une innovation juridique, je considère qu'il aurait été souhaitable que le Parlement puisse avoir communication du projet d'ordonnance correspondant, pour mieux pouvoir en évaluer les implications.

Enfin, le dernier article est consacré au calcul des compléments de prix du mécanisme d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH). Il est lui aussi assez technique, puisqu'il modifie le mode de calcul et de répartition du complément de prix versé par un fournisseur ayant fait une demande excédentaire. Néanmoins, c'est un sujet d'une actualité brûlante, puisque, d'après les informations transmises par la Commission de régulation de l'énergie, l'atteinte du plafond de l'ARENH a fortement contribué à l'augmentation récente des tarifs réglementés de l'électricité, à hauteur d'environ 3 %. Si l'objectif de réduction de la consommation de l'électricité doit rester prioritaire, la limitation du plafond de l'ARENH contribue à faire augmenter le prix final pour le consommateur. Aussi, en augmenter le plafond devrait-il permettre de prévenir de nouvelles hausses tarifaires défavorables au pouvoir d'achat des Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.