Intervention de Alain Liberty

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Alain Liberty, président du Syndicat interprofessionnel des radios indépendantes (SIRTI) :

Pour avoir été mis en cause, je me permets de revenir sur l'objectivité de l'étude que nous avons faite. Nous avons pris le soin d'avoir recours à France Pub, qui est un organisme reconnu par l'ensemble des acteurs, relativement indépendant depuis longtemps. Vous avez affirmé qu'en 2007, l'ouverture partielle n'a pas eu d'impact négatif. Je voudrais juste rappeler, en me basant sur des chiffres de France Pub qui datent de plus d'une dizaine d'années, dont l'exactitude ne peut pas être mise en cause, qu'en 2007, le secteur de la distribution investit sensiblement les mêmes budgets en communication qu'en 2006 : + 0,8 %. Néanmoins, ce sont 187 millions d'euros qui ont été captés par la télévision à la suite de transfert des investissements, au détriment de la presse (– 23 %), la publicité extérieure (– 9 %), et la radio (– 4 %).

Ensuite, concernant ce mal nécessaire qu'est la publicité qui nous finance, et du trop-plein de présence promotionnelle à la radio, on peut considérer que 50 % du financement lié à la distribution peut faire beaucoup. Mais c'est la moitié de notre financement donc de notre moyen de subsistance.

Certes, les recettes baissent depuis dix ans, mais l'audience, fort heureusement, se maintient. Je tiens à rappeler que huit Français sur dix écoutent la radio tous les jours, que la radio est de très loin le média dans lequel les Français ont le plus confiance. Cela fait de nombreuses années que l'ensemble des études confirme cet état de fait.

Quels sont les obstacles principaux à l'augmentation du volume publicitaire ? Quels sont les arbitrages des annonceurs entre les médias ? Quel est l'impact des mentions légales ? Comment justifier l'interdiction de la publicité segmentée ? Autant de questions qui se recoupent.

Les arbitrages pour des annonceurs entre les médias ont plusieurs facteurs, mais les mentions légales y sont pour beaucoup. Imaginez que demain à la télévision ou sur internet, au lieu d'avoir ces petites mentions qui passent très vite, vous ayez en plein écran, pendant quatre ou cinq secondes, le texte des mentions légales. Car c'est ce qui est exigé à la radio.

Nous comprenons bien l'intérêt d'informer nos concitoyens des dangers divers et variés par le biais des mentions légales, mais à chaque fois que l'on rajoute une mention légale, on durcit les conditions d'accès aux annonceurs. Quand l'annonceur achète une publicité à la radio, il paie aussi le temps consacré à cette information légale. Quand il doit arbitrer entre différents types de communication, cela ne me plaide pas en faveur de la radio.

J'ai récemment entendu parler d'un projet de nouvelles mentions légales pour l'automobile. L'automobile représente 15 % du chiffre d'affaires de la radio en France et pas seulement des radios indépendantes. Nous avons déjà, pour l'automobile, de nombreuses mentions légales liées au crédit à la consommation. Si demain nous devions ajouter d'autres mentions légales liées au sujet sensible à l'écologie, nous ne pourrions qu'y souscrire. Mais faites attention aux conséquences que cela pourrait avoir sur le détournement de ces annonceurs extrêmement importants vers d'autres types de médias, comme la télévision, la presse, et en premier lieu, bien évidemment, internet.

Comment justifier l'interdiction de la publicité segmentée, alors qu'elle existe à peu près partout en Europe et dans le reste du monde ?

Nous ne sommes pas catégoriquement opposés à la publicité segmentée. La publicité segmentée a un réel intérêt pour optimiser le contact avec les annonceurs. Comme je le disais précédemment, les radios locales font déjà de la publicité segmentée depuis très longtemps ! Ce qui nous inquiète, c'est le flou ou l'imprécision du projet. Ne pourrait-on envisager des étapes dans le déploiement de cette publicité segmentée, avant de permettre de toucher jusqu'à l'individu par un hyper ciblage ? Soyons très attentifs à cela, car les conséquences seraient absolument irréversibles.

Je pense que ce n'est peut-être pas le lieu, mais ce que l'on attend du service public est important. Sur l'idée qu'il n'y aurait pas forcément de transfert des investissements en faveur du service public vers les médias traditionnels, quand on compare la liste des annonceurs communiquant aujourd'hui sur les ondes de Radio France versus nos radios et nos entreprises, on constate quand même une grande similitude. La mission de service public, quelle est-elle ? Son mode de financement, mérite une véritable réflexion, et son accès au marché publicitaire, encore plus.

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