Intervention de Florence Parly

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Florence Parly, ministre des armées :

Passons à Pôle emploi. La subvention pour charges de service public accordée à cet organisme en 2018 s'est élevée à près de 1,5 milliard d'euros. La baisse de 50 millions d'euros de cette subvention en 2018 se justifie par l'effort transversal demandé aux opérateurs publics et doit être rapportée au budget global, qui dépasse 5 milliards d'euros, puisque l'essentiel du financement de Pôle emploi ne provient pas de la subvention de l'État mais des cotisations mutualisées des employeurs, car je rappelle qu'il s'agit d'un système d'assurance largement financé par les entreprises. Pôle emploi bénéficie d'une ressource très dynamique avec la contribution de l'UNEDIC, assise sur la masse salariale. Or, nous avons créé 470 000 emplois nets en deux ans, d'où une baisse des charges et une hausse des recettes selon un effet de ciseau mécanique ; en cas de crise, c'est l'inverse qui se produit. C'est pourquoi les mouvements du curseur dépendent en grande partie de la situation de l'UNEDIC et de Pôle emploi. En bref, la reprise de l'emploi a permis à la contribution de l'UNEDIC d'augmenter de 70 millions d'euros, d'où une augmentation totale de 20 millions d'euros du budget de Pôle emploi l'an dernier. D'autre part, la baisse du financement de l'État est liée aux efforts de productivité engagés par l'opérateur, s'agissant notamment des fonctions support et un effort massif de numérisation grâce auquel le montant ainsi économisé a pu être intégralement réaffecté au coeur de métier de Pôle emploi, à savoir le face-à-face individuel ou collectif avec les demandeurs d'emploi et leur accompagnement. Je saisis l'occasion pour saluer le travail accompli par les salariés de Pôle emploi. Je me rends dans de très nombreuses agences locales – et ce ne sont pas des visites en forme de vitrine. Je constate que le taux d'engagement et le taux d'innovation sont encore sous-estimés par rapport à la réalité.

En ce qui concerne les effectifs de Pôle emploi, le plafond d'emplois a été diminué de 400 ETP en 2018 par rapport à 2017 et a été fixé à 46 445 ETP. Néanmoins, il a été sous-exécuté de 361 ETP, notamment en raison des redéploiements vers l'accompagnement grâce à l'effort de numérisation. Cela étant, dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, il faudra tenir compte non seulement de la question de l'indemnisation des demandeurs d'emploi mais aussi de leur accompagnement ; nous aurons l'occasion d'en reparler dans quelques semaines. Pour illustrer l'effort consenti, les effectifs de Pôle emploi consacrés aux fonctions support ont diminué de 560 ETP pour la seule année 2018. La nouvelle convention tripartite que nous sommes en train de négocier avec les partenaires sociaux pour la période 2019-2022 abordera également la question des moyens alloués à l'opérateur, l'enjeu consistant moins en questions d'ordre budgétaire qu'à veiller à ce que l'accompagnement adéquat soit fourni et que le nombre d'emplois y suffise. Les emplois francs ont été instaurés à titre expérimental à compter du 1er avril 2018 dans deux cents quartiers représentant 25 % des demandeurs d'emploi. À la fin 2018, seuls 4 500 emplois francs avaient été signés, d'où une sous-consommation de 160 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 8 millions en crédits de paiement. Je note une bonne nouvelle : 80 % de ces emplois francs sont des contrats à durée indéterminée (CDI) ; or le but était précisément de faire confiance à des habitants des quartiers prioritaires pour aller jusqu'au CDI. En revanche, les territoires retenus pour l'expérience étant géographiquement dispersés, il a été très difficile de sensibiliser les demandeurs d'emploi et les entreprises. Nous en avons tiré les leçons : un décret du 24 avril 2019 a modifié les périmètres de sorte que la moitié des quartiers relevant de la politique de la ville sont désormais concernés, ainsi que tous les outre-mer, exclus de la première phase de l'expérimentation, et des régions entières comme les Hauts-de-France et l'Île-de-France, ainsi que des départements entiers comme le Vaucluse, par exemple. Depuis, le nombre de signatures augmente, comment en témoigneront les résultats obtenus en 2019. L'appui aux filières, branches et entreprises est effectivement très important, madame la rapporteure spéciale. De ce point de vue, avec 50 millions d'euros, on peut faire énormément. Nous avons signé des engagements de développement des emplois et des compétences (EDEC) avec vingt-sept secteurs d'activité. En fait, c'est de la prospective, et c'est très important parce que, compte tenu de la révolution numérique et de la transition écologique, la moitié des emplois connaîtront de profondes transformations au cours des dix prochaines années ; il est donc essentiel d'éclairer l'avenir. Personne n'est capable de dire ce que seront les métiers exercés dans vingt ans, mais nous avons besoin d'une visibilité à trois ou cinq ans – le temps utile pour l'action, notamment en matière de développement des compétences et de formation. C'est le sens de ces EDEC qui connaissent aujourd'hui un fort développement. Ce qui est nouveau, c'est la prise en compte plus fine, au titre du programme 103, de la dimension territoriale, grâce aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Nous savons que les perspectives d'embauche sont importantes ; encore faut-il éclairer pour pouvoir former à temps. Une entreprise sur deux en France n'arrive pas à recruter, faute de trouver les compétences précisément recherchées. Conjuguons une prévision à trois ou cinq ans à la réactivité dans l'urgence, grâce à Pôle emploi et au PIC.

Celui-ci représente effectivement un effort sans précédent : 14 milliards d'euros sur cinq ans. Une partie est dévolue à l'éducation nationale et à l'enseignement supérieur. Il s'agit de former un million de jeunes et un million de demandeurs d'emploi. En 2018, la mise en oeuvre fut conforme aux objectifs : 300 000 parcours de formation et d'accompagnement, dont plus de 200 000 parcours de formation. Les efforts conjugués de l'État, des régions et de Pôle emploi ont permis 826 000 entrées en formation et 103 000 prestations d'accompagnement. Les conventions d'amorçage ont bien fonctionné en 2018. Non seulement c'est « bien lancé » mais nous avons encore beaucoup avancé, avec la signature de quatorze pactes régionaux – et deux seront encore signés au cours des prochaines semaines. Nous avons pu signer ces accords pour quatre ans avec seize des dix-huit régions, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur faisant exception. L'État et les collectivités territoriales travaillent donc de concert. Bien évidemment, les domaines économiques concernés par les formations sont définis par les régions dans le cadre de leur compétence de développement économique. Nous ne formons pas pour former, cela n'intéresse personne. Nous formons, d'une part, pour répondre à des besoins économiques et, d'autre part, pour aider ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi à mettre le pied à l'étrier. C'est le sens des « prépas apprentissage » et du dispositif Prépa compétences, développés à l'échelon national et à l'échelon régional.

Les régions ont une visibilité de quatre ans sur ce sujet, sous réserve de la clause de revoyure évoquée. Pour des raisons administratives internes, qui ne dépendent pas de nous ni de la contractualisation menée, nous connaissons une sous-consommation ; les régions concernées sont en train de mettre les bouchées doubles. Nous évaluerons cet effort lors de la révision annuelle du mois de septembre prochain. J'espère que le problème constaté n'était que provisoire ; le cas échéant, nous pourrons continuer l'effort. Le but est évidemment de le faire partout. Nous tenons beaucoup à une prise en compte des spécificités régionales ; ce n'est pas que dans l'air du temps, c'est aussi une question d'efficacité. Chaque plan régional d'investissement dans les compétences cofinancé prend donc en compte les particularités économiques, sociales et territoriales des régions, qui peuvent être plus ou moins rurales ou urbaines, compter des villes moyennes ou des métropoles, etc.

Quant au système d'information AGORA, confié à la Caisse des dépôts et consignations, cela paraît de bon sens mais en France nous n'avons pas de système qui regroupe tout ce qui se fait en matière de formation dans le public. On ne parvient que très laborieusement à une connaissance globale de l'effort des collectivités territoriales et de l'État pour les demandeurs d'emploi et des jeunes. Il nous faut une interopérabilité qui permette de fluidifier les échanges et de contrôler la qualité des organismes de formation. Toutes les régions sont d'accord sur le principe mais c'est un travail important. Sur le plan technique, nous en voyons le terme, et d'ici au 31 octobre prochain l'ensemble des régions et Pôle emploi pourront et devront être connectés à AGORA, une trajectoire de montée en qualité des données étant prévue jusqu'au premier trimestre de l'année prochaine. La mise en oeuvre de cette plateforme commune sera concomitante du lancement de l'application dédiée aux compétences grâce à laquelle 26 millions d'actifs auront accès à leur compte personnel de formation en euros. Tout cela nous permettra des progrès énormes, tant du point de vue des droits que de la qualité.

Autre chantier important, France compétences a été créé le 1er janvier dernier et reprend une large partie des compétences du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, du comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation et de la commission nationale de la certification professionnelle. Vous aurez donc compris que nous avons procédé à un exercice de simplification et de rationalisation. France compétences est à la fois une autorité de régulation et de veille sur les coûts et règles de prise en charge. Je tiens à en féliciter les équipes. En un temps record, elles ont permis la mise en place au mois d'avril des onze opérateurs de compétences et, surtout, des « coûts-contrats » pour la réforme de l'apprentissage. Elles ont traité plus de 20 000 diplômes. Les branches ont fait leur travail – dans 80 % des cas, c'était bon tout de suite –, mais France compétences a été capable d'être leur interlocuteur. D'ici à quelques semaines, ce sera terminé.

L'État finance 50 % du budget des missions locales. Elles n'ont subi qu'une baisse de 1,1 % ; c'est extrêmement faible au regard des efforts que nous demandons à tous les autres opérateurs en 2019. En revanche, nous leur demandons, en 2019, de concentrer leurs efforts sur les résultats. C'est ainsi que nous allons mutualiser la garantie jeunes et le budget de fonctionnement avec des objectifs de résultat. Je comprends que certaines missions locales s'en émeuvent, mais d'autres se réjouissent à l'idée que, demain, leurs résultats soient reconnus. Nombreuses sont les collectivités territoriales qui soutiennent l'État dans cette démarche. Pour les aider, nous avons décidé de financer la transition entre les deux systèmes, en dégageant 60 millions d'euros – peu d'opérateurs bénéficient de telles incitations au changement.

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