Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 16h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances :

En ce qui concerne l'absence de budgétisation en LFI du programme Dotation du Mécanisme européen de stabilité et l'utilisation de la mission Crédits non répartis, vous connaissez les explications techniques – et les avez, du reste, rappelées. Il s'agit d'un sujet politique. Une nouvelle rétrocession des intérêts est prévue en 2019, correspond au minimum aux montants perçus depuis le début de l'année par la Banque de France sur un dépôt qui provient de l'ensemble des États membres du MES. Il reste un petit reliquat sur les montants touchés en 2018, qui n'a pas encore été rétrocédé.

La difficulté, vous l'avez compris, vient du fait que le mécanisme a été accepté par la France pour éviter une érosion du capital de l'institution, mais sous une condition : que d'autres États membres fassent de même. Or, comme vous l'avez très bien rappelé, seuls deux États membres se sont engagés dans cette démarche. Ils représentent quand même 150 millions de personnes – il ne s'agit donc pas d'États membres totalement microscopiques –, mais il est vrai que nous nous sentons un tout petit peu seuls. Pour le moment, nous respectons un engagement que nous avons pris. Toutefois, nous ne l'avons pas renouvelé pour le futur. Nous souhaitons en discuter avec les autres États membres. Soit le mécanisme est plus largement appliqué, ce qui est tout de même la logique qui préside au fonctionnement de l'Union européenne, soit nous ne nous réengagerons pas.

Faut-il, pour accroître la sincérité budgétaire, mettre ces éléments dans la LFR ? La difficulté est d'ordre politique : nous ne bougeons qu'une fois que l'Allemagne a elle aussi pris la décision. Or nos deux pays n'ont pas exactement le même calendrier budgétaire. J'ai le sentiment que, dès lors qu'il est clair que nous allons respecter cet engagement cette année encore et que les montants qui doivent être rétrocédés sont connus, le fait de ne pas les inscrire ne nuit pas à la lisibilité des documents. Nous n'avons donc pas, a priori, l'intention de placer la disposition en LFR. Cela dit, vos deux observations sur le sujet sont tout à fait valides.

J'en viens à l'OAT verte.

En ce qui concerne le projet de règlement en faveur d'une finance durable et le projet de taxonomie européenne, vous avez complètement raison, madame la rapporteure spéciale : c'est à la fois un sujet d'experts et un sujet très politique. La Commission européenne s'appuie sur les travaux d'un groupe technique d'experts. Ce n'est pas un problème, c'est même une très bonne chose que d'être capable d'innover en s'appuyant sur des travaux qui présentent une dimension européenne. Il est bon qu'une expertise européenne puisse être produite sur ces sujets, comme sur les normes IFRS (International Financial Reporting Standards). Cela dit, les discussions sont en cours au sein du Conseil. La France y participe activement, en tant que force de proposition, à un niveau politique, au-delà de l'expertise. Parallèlement, un autre groupe d'experts travaille à la définition d'un standard européen applicable aux obligations vertes. Il a rendu publique une première mouture de son rapport au mois de mars dernier, et la France a été très présente également dans la consultation publique qui a suivi.

D'une manière générale, notre position sur ces travaux peut être exprimée ainsi : implication, expertise, politique. Les trois sont importants. Nous rejoignons donc votre analyse, madame la rapporteure spéciale, et vous pouvez compter sur notre engagement. Nous y avons un intérêt très concret : si nous voulons donner à la place de Paris un rôle primordial en matière de finance verte, il faut aussi que nous puissions contribuer à la définition des normes.

Le différentiel de taux entre l'OAT verte et une OAT classique est légèrement favorable à la première. Il permet au moins de couvrir les coûts administratifs additionnels inhérents à la mise en oeuvre des engagements de transparence pris par l'État lors de l'émission inaugurale. Vous les avez recensés : ce sont notamment des engagements de reporting à propos de l'allocation des fonds et de la performance des dépenses et d'évaluation ex post des impacts environnementaux – en termes d'émissions de CO2 évitées –, pour une croissance soutenable et durable. La logique suivie n'est pas celle d'une maximisation de la rentabilité du point de vue du contribuable. En revanche, un léger bénéfice nous permet à la fois d'être attractif et de rechercher d'autres poches d'investisseurs et, du point de vue des coûts administratifs, d'avoir un programme autofinancé.

Quant aux études d'impact environnemental liées à l'OAT verte, nous avons publié l'an dernier une étude sur le CITE. La réalisation de ces études est confiée à un conseil indépendant qui rassemble des experts de stature internationale, y compris des étrangers. L'avis rendu est public et des rapports sont produits à mi-parcours. En ce qui concerne le CITE, nous nous sommes également appuyés sur des équipes des ministères, mais dans le cadre d'une méthodologie définie ex ante et d'un suivi effectué par des personnalités extérieures aux ministères concernés. Selon moi, c'est un très bon dispositif, qui conjugue, d'une part, méthodologie rigoureuse et indépendance et, d'autre part, une approche efficace pour le recueil des données, notamment via les systèmes d'information. Cela permet aussi une montée en compétences des équipes en interne – ce n'est pas à négliger.

Serait-il opportun d'élargir le champ des dépenses couvertes par l'OAT verte ? Serait-il pertinent d'ajuster le champ du CAS Transition énergétique pour le rendre éligible à l'OAT verte ? Effectivement, madame la rapporteure spéciale, la discussion se poursuit entre les ministères. Évidemment, cela présenterait des avantages : élargir le périmètre de l'OAT verte, ce serait notamment se donner plus de profondeur.

Cependant, le CAS Transition énergétique permet de faire le lien entre des dépenses en faveur de la transition énergétique et des recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui lui sont affectés, et c'est un mécanisme assez puissant. Une fois dénoués certains liens de la mécanique budgétaire, on ne se souvient pas toujours qu'il y avait une recette à l'appui d'une dépense, et l'on est alors légèrement tenté de revenir sur la dépense en question, en particulier dans un contexte où la dépense publique est examinée avec attention. Je ne trancherai pas ce débat, en cours au sein du Gouvernement. Cela étant, avec la montée en puissance de la transition écologique et énergétique dans tous les programmes que nous menons, le périmètre éligible à l'OAT verte tendra naturellement à s'étendre. Par ailleurs, il n'y aura pas de nouvelle émission à court terme.

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