Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Renseignez-vous ! L'usine de fabrication de pales d'éoliennes installée à Cherbourg crée des emplois. Il est certain que moins d'emplois seraient créés si nous devions mener la politique voulue par M. Aubert ! L'éolien fait vivre 18 000 personnes, cette filière industrielle compte de nombreux sous-traitants, dont certains travaillaient autrefois pour l'automobile et se sont diversifiés. L'usine de Saint-Nazaire est en difficulté car les projets offshore n'ont pas pu sortir ; lorsque ce sera le cas, elle redémarrera, et de nombreux emplois seront créés dans cette région industrielle, fière de fabriquer, au même titre que des bateaux, des éoliennes. Les Chantiers de l'Atlantique n'ont-ils pas une unité spécialisée dans les constructions offshore, qu'elle exporte, notamment en Allemagne ?

Madame Peyrol, les comptes créés à la Caisse des dépôts et consignations seront soldés et clos lorsque les dernières opérations seront finalisées. Nous y travaillons. Il y aura bien une rebudgétisation, comme vous le souhaitez. Mais cette simplification du circuit de paiement nécessite en amont une « purge » des flux financiers résiduels. Elle est programmée et engagée.

Alors qu'elles étaient en hausse en 2017 – nous l'avons déploré –, les émissions de CO2 ont diminué en France en 2018, et pas uniquement par habitant, mais également globalement. Nous en aurons la confirmation en juillet, mais un institut statistique européen a déjà publié ses conclusions pour toute l'Europe. Je vous laisse juge, madame Peyrol, de l'origine de ces fluctuations – la hausse était-elle de notre faute ? La baisse est-elle liée à notre action ? Je laisserai également MM. Aubert et Coquerel y réfléchir...

Madame Cariou, vous le savez, le CITE a été légèrement recentré. Il a donc un peu baissé en volume. Nous ne disposons pas encore des données pour 2018 – nombre de bénéficiaires et montants – car les Français viennent tout juste de finaliser leur déclaration de revenus. Ce crédit d'impôt n'est pas une niche fiscale, c'est-à-dire un dispositif permettant d'échapper à l'impôt ou de bénéficier d'un taux très réduit d'impôt au regard de son niveau de revenu. C'est une aide aux travaux d'efficacité énergétique, qui représente en moyenne environ 1 000 euros par demandeur hors foyers modestes et très modestes, pour lesquels la moyenne est de l'ordre de 9 000 euros. C'est donc un outil important de justice fiscale.

Vous avez raison, nous devons rendre le système encore plus juste socialement et plus efficace écologiquement. Le travail interministériel est en cours, mais il est plus facile de le dire que de le faire ! Actuellement, deux dispositifs cohabitent : les aides de l'ANAH, qui représentent 400 millions d'euros à destination exclusive des ménages modestes, et le CITE. Une solution – qui n'est pour l'instant qu'une hypothèse de travail – pourrait consister en une prime pour les ménages modestes et très modestes : cela permettrait de déclencher les travaux sans avoir à avancer les fonds, contrairement au crédit d'impôt, qui contraint les contribuables qui en bénéficient à faire cette avance. La prime serait octroyée sous conditions de revenus, ce qui donne lieu à de nombreuses discussions – on se considère toujours comme le pauvre de l'autre. Qu'est-ce qu'un ménage modeste ou très modeste ? Qu'entend-on par classe moyenne ? Nous devons y être attentifs, afin de ne pas réduire l'engagement des travaux d'efficacité énergétique.

Monsieur Potier, sur la loi foncière, comme sur les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, je vous ai entendu, mais nous sommes loin de l'évaluation budgétaire ! Je suis tout à fait prêt à discuter à nouveau avec vous de nos efforts pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Mais je vous rappelle que nous avons réformé la redevance pour pollutions diffuses et que ce n'est pas passé comme une lettre à la poste... Beaucoup de députés de la majorité ont fait l'objet de très fortes pressions des organisations agricoles. Je ne sais pas si vous avez soutenu cette mesure, car vous avez voté contre le budget – ce qui peut se comprendre, compte tenu de votre position politique. La réforme visait à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires et à financer des actions en faveur de l'agriculture biologique et de la biodiversité.

Concernant la taxe carbone, je vous ai, en partie, répondu.

Puisque Mme la présidente vous a laissé 20 secondes supplémentaires pour en parler, et même si le sujet est assez éloigné de ceux que traite le ministère de l'écologie, j'aborderai l'ISF, Je n'avais pas compris que les recettes de l'ISF étaient fléchées, et encore moins qu'elles alimentaient le ministère de l'écologie ! Arrêtons de nous jeter des affirmations à la figure... Ces 3,5 milliards – et non 5 milliards comme vous le dites – ne peuvent pas tout financer. Je ne sais pas si vous étiez solidaire de votre présidente de groupe, mais elle a milité avec acharnement contre la taxe carbone, alors qu'il s'agissait de recettes concrètes pour alimenter le budget de l'État, et notamment les actions de transition écologique. Son rendement ne progresse donc plus depuis 2013. C'est celui voté par deux majorités différentes, dont une à laquelle vous apparteniez. Nous en débattrons à l'occasion de la Convention citoyenne.

En outre, dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités, actuellement débattu à l'Assemblée, nous soutenons le développement du versement mobilité. Les petites communautés de communes ne vont pas mettre en place des transports en commun – cela n'aurait pas de sens dans des zones où les densités de population sont faibles et l'habitat dispersé. Mais doivent-elles pour autant s'interdire de financer des services de transport adapté, du transport solidaire, par minibus, à la demande, par le biais de systèmes de covoiturage ou de voitures partagées ? Ainsi, en Corrèze ou dans les Ardennes, les expériences menées sont très intéressantes et fonctionnent bien. Les dépenses ne sont pas très importantes, mais les collectivités concernées doivent pouvoir les financer. Le projet de loi leur ouvre la possibilité de le faire et de prélever un versement mobilité.

Monsieur Castellani, j'ai compris que vous contestiez les taxes et les tarifs de l'électricité. Malheureusement, vous avez été mal renseigné. Ce chiffre a beaucoup circulé ; je ne suis donc pas étonné... L'électricité n'est pas taxée à 55 %, ce n'est pas sérieux ! Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, vous le savez, je soutiens vos travaux d'évaluation budgétaire, mais notre travail serait plus efficace si nous pouvions disposer des rapports en amont, afin que je vous fournisse des réponses plus précises. Nous pourrions ainsi confronter nos données en toute transparence, sans être en permanence dans le débat.

Le prix de l'électricité se décompose en trois tiers : en moyenne, un tiers pour la production du fait de la mutualisation nationale – les prix seraient bien différents si l'on faisait payer l'électricité en fonction du lieu d'habitation ! –, un tiers pour le réseau et un tiers pour les taxes. Certains enlèvent le prix du réseau de leur calcul, comme si ce n'était pas un coût constitutif du prix de l'électricité ! Mais comment voulez-vous que les lumières s'allument à l'Assemblée nationale si aucun réseau n'amène l'électricité ? L'institution n'a pas de centrale nucléaire, n'en déplaise à M. Aubert, même s'il existe un petit générateur thermique utilisable en cas de coupure électrique – ou de révolution. Nous sommes bien heureux que ce réseau distribue l'électricité partout ; nous y sommes tellement habitués et c'est tellement simple qu'on l'oublie, sauf dans certains territoires – M. Serville pourrait sans doute évoquer certaines zones de Guyane.

Il faut entretenir et, parfois, étendre ce réseau. M. Aubert dans le Vaucluse, M. Coquerel en Seine-Saint-Denis, moi-même en Loire-Atlantique, nous le savons : la population augmente et le réseau électrique – comme l'assainissement – doit suivre, sous peine de constater assez rapidement des dégâts et des coupures. Les investissements sont donc constants et l'implantation de nouveaux transformateurs n'est pas du goût de tout le monde. Monsieur Aubert, vous n'imaginez pas combien de moratoires nous pourrions décréter sur l'implantation de lignes électriques... Savez-vous combien on compte de pylônes par rapport aux mâts d'éoliennes ? Je vous transmettrai les chiffres, c'est intéressant !

Pour en revenir aux taxes sur l'électricité, on peut toujours décréter une baisse de taxe chaque fois que les coûts de production augmentent dans un secteur, mais ce n'est pas sans risques : dans certains secteurs, les acteurs n'augmenteraient-ils les prix pour ensuite réclamer une baisse de taxe aux politiques ? Ce n'est pas possible ! M. le rapporteur général nous le rappelle souvent : les recettes et les dépenses doivent converger et s'équilibrer dans la durée. Évidemment, j'aimerais vous annoncer une baisse des taxes sur l'électricité, mais quand certaines personnes – et non des moindres – expliquent qu'il faut la financer en augmentant les taxes sur l'énergie fossile, je leur réponds : « sur le principe, pourquoi pas, mais soyez concrets ! » Il faudra expliquer aux Français qui se chauffent au fioul, au gaz ou qui roulent avec une voiture thermique que leur facture va augmenter. Soyons cohérents et ne mentons pas à nos concitoyens.

Monsieur Aubert, concernant l'éolien et le photovoltaïque, je suis contre les monopoles et pour la diversité – c'est valable dans tous les domaines, d'ailleurs. Nous ne devons pas être économiquement dépendants d'une technologie ou d'une source d'approvisionnement. La France est dépendante à 100 % pour le pétrole, le gaz, le charbon et l'uranium, qu'elle importe. Notre objectif est clairement de réduire cette dépendance. Dans le secteur de l'électricité, nous assumons totalement cette réduction. Même si certains m'ont critiqué pour l'avoir rappelé, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ou la programmation pluriannuelle de l'énergie présentée fin 2018 ne vise pas à sortir du nucléaire. Avec Emmanuel Macron, nous n'avons pas été élus sur un tel programme ; nous n'avons donc pas menti aux Français. En revanche, nous prônons la diversification et la réduction de la dépendance au nucléaire. Cela passe par une utilisation raisonnable – et une analyse de l'impact environnemental – de l'éolien, du solaire, mais aussi du biogaz, des réseaux de chaleur, de la biomasse, de la forêt, etc.

Actuellement, seuls l'éolien terrestre et maritime, et le solaire photovoltaïque nous permettent de développer l'électricité renouvelable sans dégagement de CO2 ni utilisation du nucléaire. Monsieur Aubert, n'allons pas raconter n'importe quoi à nos concitoyens : dans le Vaucluse, par exemple, il y a beaucoup de soleil, mais peu de terres pour accueillir des panneaux solaires photovoltaïques de grande taille au sol. Nous devons utiliser les surfaces disponibles, tout en respectant les terres agricoles.

Je vous ai répondu concernant le TURPE et ne vous laisserai pas dire que l'électricité est vendue à prix négatif dans notre pays ! C'est le cas dans d'autres pays, et les rares fois où nous avons été dans cette situation, c'est parce que nos centrales nucléaires étaient en situation de surproduction. Monsieur Aubert, vous le savez, une centrale nucléaire ne s'arrête pas en appuyant sur un bouton...

Je ne sais pas si c'est votre cas, mais nous sommes attachés à la construction européenne et l'interconnexion des réseaux est une belle réussite. Ces derniers font l'objet d'investissements publics, mais on en parle peu, alors que même M. Coquerel pourrait sans doute s'en féliciter. L'interconnexion nous permet notamment de gérer la variabilité – et non l'intermittence – de la production solaire photovoltaïque, assez prévisible compte tenu de la météo, et celle de la production éolienne, ainsi que la variabilité de la consommation. En effet, production et consommation d'électricité sont très rarement de même niveau.

Mme De Temmerman a relancé le débat sur les indicateurs de développement durable. Je partage sa préoccupation, nous en reparlerons. M. Serville a évoqué le projet Montagne d'or en Guyane – le contraire m'aurait étonné – mais le sujet est assez éloigné de l'évaluation budgétaire. Il a raison, et je me rendrai en Guyane dans moins de deux semaines. Je suis à l'écoute des différents projets dans cette région, notamment dans le secteur de l'énergie.

M. Coquerel, je l'ai dit à d'autres occasions, je n'accepte pas que l'on fasse peur aux Français en prétextant que le Gouvernement sacrifie Météo France. Au contraire, nous avons réalisé un investissement de 148 millions d'euros dans un supercalculateur, qui sera opérationnel dès 2020, ainsi que dans cinq nouveaux radars, déployés d'ici 2021 – notamment dans le sud de la France – afin de mieux prévoir les phénomènes de pluies cévenoles. Nous assumons la rationalisation de l'organisation territoriale : elle découle de l'amélioration de la prévision et fait l'objet d'un dialogue avec les collectivités locales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.