Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 21h30
Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

C'est ce que nous nous sommes attachés à faire, jusqu'à en faire un marqueur de notre action. Aucune résignation politique ne nous habite. Au contraire, le volontarisme caractérise ces deux dernières années : de nombreuses dispositions ont été prises, élargissant ainsi le panel d'outils à notre disposition pour lutter contre le fléau de la fraude et de l'évasion fiscales, qui érode notre cohésion sociale.

La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude répond en grande partie aux préoccupations indiquées dans votre proposition de résolution. Elle constitue une étape essentielle dans la concrétisation d'une politique de lutte de grande ampleur. Grâce à d'importantes innovations, elle renforce les moyens de détection et de caractérisation de la fraude, notamment par la création d'un service national chargé d'effectuer des enquêtes judiciaires au sein du ministère chargé du budget. Cette nouvelle organisation des structures enquêtrices et leur spécialisation sont révélatrices d'une volonté politique forte de donner les moyens aux agents de mener à bien leurs missions d'intérêt général.

Certes, ce n'est pas la panacée mais la mise en place de nouvelles amendes fiscales et sociales, qui pourront sanctionner les tiers complices de graves manquements en concourant par leurs prestations de services à l'élaboration de montages frauduleux ou abusifs, ou encore à la dissimulation d'activités occultes, est également significative. Il n'est pas possible d'accepter que l'exercice d'un métier de conseil se fasse au détriment des exigences minimales de la justice fiscale. En parallèle, l'aggravation des amendes encourues par les contribuables qui tenteraient de se soustraire à l'impôt démontre la volonté de renforcer l'arsenal pénal dédié à la fraude et à l'évasion fiscales. Il s'agit d'un délit grave, d'un coup de canif dans notre pacte républicain et les sanctions d'un tel comportement devraient être proportionnelles.

Enfin, la fin du monopole du ministère des finances en matière de poursuites à l'encontre des évadés fiscaux et des fraudeurs a permis à l'administration de voir ses prérogatives en la matière renforcées. Le fameux verrou de Bercy a été très largement réduit dans sa portée, et désormais l'administration fiscale sera tenue de transmettre de manière automatique au parquet les affaires ayant donné lieu à des pénalités administratives importantes. Cette avancée considérable répond à nombre d'inquiétudes légitimes exprimées dans la proposition de résolution et assure une plus grande éthique fiscale.

Je serais bien trop longue si j'étais exhaustive sur les apports considérables de cette loi à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Elle constitue une véritable transition vers une politique exigeante et quantifiable de lutte, dont on ne peut que se réjouir. En raison de son caractère récent, ses effets n'ont pas encore été évalués, ce qui paraît cependant absolument nécessaire pour pouvoir en approfondir encore les dispositions. En matière de fraude fiscale, seule une évaluation rigoureuse et régulière de l'efficacité des outils mis en place nous permettra d'avancer, en renforçant continuellement notre arsenal administratif et juridique.

Si l'action nationale est nécessaire, elle doit se conjuguer à l'action européenne et internationale pour gagner en force. La France pèse aujourd'hui de tout son poids à ces différents niveaux pour que soient adoptées des règles permettant une lutte plus ferme et coordonnée. Notre pays est déjà en première ligne sur les négociations liées à la refonte de la fiscalité internationale menée par les structures de coopérations mondiale. La France propose, innove, mobilise ses partenaires. Notre action est reconnue sur la scène internationale, notamment au sein de l'OCDE. Nous sommes en pointe sur le sujet, nous y consacrons bien plus de moyens que de nombreux États. Il faut absolument maintenir cette activité, qui ne peut manquer d'entraîner d'autres pays partageant notre constat et nos ambitions dans notre sillage, dans ce qui s'avère être une lutte de tous les instants.

Les frontières bougent, les choses changent. Dans un rapport publié le 7 juin 2019, l'OCDE indique que l'échange automatique d'informations a permis à une vingtaine de pays de collecter 95 milliards d'euros d'impôts depuis 2009 sur des comptes bancaires situés à l'étranger, la France représentant 10 % de ce montant. L'approfondissement de la coopération dans ce domaine permettrait à notre pays d'en récupérer davantage.

De son côté, l'Union européenne est loin d'être inactive. Elle renforce les moyens à sa disposition pour faire face à la fraude et à l'évasion fiscales, mouvement vivement soutenu par la France. Elle a récemment créé puis modifié la « liste noire » des paradis fiscaux – elle n'est pas parfaite, c'est vrai,...

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