Intervention de Jean-Louis Masson

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Masson :

À mon tour, je voudrais reconnaître le travail de notre collègue Laetitia Avia que je ne mets nullement en cause. Ce texte recèle néanmoins un danger potentiel : pour ne pas encourir les sanctions financières prévues, les grands opérateurs pourraient être tentés d'appliquer le principe de précaution et censurer des publications considérées à tort comme haineuses.

Je vais vous donner deux exemples qui montrent la difficulté d'établir cette frontière. Il y a douze ans, lors du procès retentissant des caricatures de Mahomet, le tribunal correctionnel de Paris avait retenu, en première instance, la qualification d'injures envers les musulmans. Par la suite, cette analyse avait été infirmée par la cour d'appel. En 2018, il a fallu aller jusqu'en cassation pour trancher la qualification à donner à l'expression Fuck Church peinte sur la poitrine dénudée de plusieurs militantes de Femen. C'est dire s'il est compliqué d'établir la qualification de propos haineux.

Or cette proposition de loi apporte une réponse préoccupante. Elle donne aux grands opérateurs la capacité de se prononcer sur la légitimité ou le caractère haineux d'une publication, sans intervention du juge. Cette disposition se heurte au respect des droits fondamentaux, à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Comme certains collègues, je pense qu'il convient de redéfinir avec beaucoup plus de précision le rôle du juge – garant des libertés individuelles – et celui du CSA.

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