Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du jeudi 4 juillet 2019 à 9h30
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

Mon collègue Jean-Paul Mattei l'a rappelé lors des débats en première lecture : il y a actuellement un écart de 14 points entre l'imposition des entreprises établies en France et celle des géants du numérique, alors que les premières créent des emplois sur nos territoires et ne sont pas délocalisables.

Anatole France disait : « La justice est la sanction des injustices établies. » L'injustice qui s'est établie entre les entreprises de notre quotidien et de nos territoires et les géants du numérique sera demain, grâce à ce texte, un peu moins grande. Ce texte répond donc à la fois à un besoin de justice fiscale et à un besoin d'équité entre nos entreprises. En outre, il permettra de financer, entre autres, des services publics dont nous avons besoin.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à adopter est novateur d'un point de vue juridique.

Premièrement, il permet d'anticiper l'adoption d'une directive européenne défendue par la France – nous espérons qu'elle sera adoptée d'ici à 2021.

Deuxièmement, il tend à introduire un nouveau critère objectif, dont la validité a été reconnue par le Conseil d'État dans son avis, à savoir la taxation des bénéfices réalisés sur un consommateur fournisseur de valeur situé en France. C'est l'origine territoriale de la création de valeur qui sera le critère d'imposition.

Troisièmement, cette taxe de 3 % devrait permettre de recueillir 500 millions d'euros – en régime de croisière, certes – , ce qui contribuera à financer, entre autres, les mesures en faveur des plus modestes votées à la suite du grand débat.

Nous saluons ici le travail constructif réalisé avec nos collègues du Sénat, tant au cours de la navette parlementaire que lors de la CMP, qui a été conclusive. C'est une grande avancée et un signe de la détermination de notre pays à agir en faveur de la justice fiscale.

En matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, on le sait, seule une action coordonnée à l'échelle européenne pourra être réellement efficace. Toutefois, notre responsabilité, celle de notre pays, est aussi de montrer l'exemple et de manifester notre détermination à ce sujet, tandis que les négociations internationales se poursuivent.

Nous ne sommes pas naïfs : cette seule taxe ne suffira probablement pas, si elle n'est pas accompagnée d'un travail de négociation régulier et permanent avec nos partenaires. C'est ce que montre l'exemple de la taxe sur les transactions financières, toujours au point mort au niveau européen.

Je relaie ici l'interrogation exprimée par mon collègue Jean-Paul Mattei quant à l'article 1er bis A, qui prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les motifs d'une absence de notification de la taxe à la Commission européenne. Un tel rapport pourrait créer un doute de nature à affaiblir cette taxe. Espérons, comme l'avait souligné le rapporteur général, que cette disposition soit simplement « superfétatoire » !

Lors de la restitution du grand débat, j'ai cité Rousseau à cette tribune : « La justice est une gigantesque toile d'araignée qui attrape la petite mouche et laisse passer guêpes et frelons. » Grâce à cette nouvelle taxe, mes chers collègues, nous allons pouvoir désormais attraper quelques guêpes, voire quelques frelons ! C'est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutiendra pleinement ce texte, qui constitue une étape importante vers une fiscalité plus juste.

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