Intervention de Christian Charpy

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Christian Charpy, président de la Commission des comptes de la sécurité sociale :

Merci Madame la présidente, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et Messieurs les députés. N'étant pas dans l'activité opérationnelle comme la directrice du budget et la directrice de la Sécurité sociale, ma position est différente de celle de mes deux voisines. Mon rôle au sein de la Commission des comptes de la Sécurité sociale consiste à dresser un bilan en début d'année, en fin d'année ou à mi-parcours, de l'exécution des lois de financement de la Sécurité sociale.

J'aimerais insister rapidement sur trois points en réponse à ce qui a été dit.

Sur les compensations d'allègement de charges, la situation n'est pas fondamentalement nouvelle. Chaque année, certaines charges ne sont pas compensées par l'État, ce qui a été le cas dans le passé à deux reprises s'agissant du crédit d'impôt de la taxe sur les salaires, qui, systématiquement, n'a pas été compensé à hauteur de 400, 500 ou 600 millions d'euros.

La Commission des comptes de la Sécurité sociale, lorsqu'elle fait ses comptes, doit appliquer la loi telle qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire le principe de compensation sauf disposition spécifique d'une loi de financement de la Sécurité sociale. Les allègements de charges supplémentaires décidés dans le cadre de la loi MUES n'ont pas fait l'objet d'une exécution spécifique en loi de financement de la Sécurité sociale. Ainsi, dans son compte tendanciel pour l'année 2019, la Commission des comptes considère ces charges comme étant compensées, d'où une recette fiscale indéterminée affectée aux caisses par ces allègements de charges. Les dispositions qui prévalaient au moment de la loi de financement pour 2019 étaient la règle du « chacun chez soi », proposition du Gouvernement dans le cadre de ce rapport remis au Parlement. J'ai clairement fait apparaître dans la Commission des comptes un chiffre théorique de déficit à 1,7 milliard et un autre à 4,4 milliards en l'absence de compensation de l'allègement de charges.

Deuxième élément sur ces allégements de charges : c'est une règle qui s'applique depuis la loi Veil de 1994. Elle a subi des ajustements à plusieurs reprises, en gros chaque année, et doit être revisitée de fait car on est obligé de compenser la règle de 1994 par des crédits budgétaires. Quand on opère autrement que par des crédits budgétaires, on est obligé de prendre une disposition en loi de financement. Il faudra revoir fondamentalement cette règle si on considère qu'elle n'est plus adaptée à la situation d'aujourd'hui. Quand l'écart de solde entre la Sécurité sociale et l'État,ou des administrations publiques et collectivités locales, est très significatif, la question des compensations doit être traitée. Ce qui importe fondamentalement est le solde public global, davantage que la répartition, d'autant plus que la répartition des soldes varie en fonction des transferts. Quand la Sécurité sociale était financée par les cotisations sociales à 95 %, ce qui était le cas dans les années 1992 à 1994, les choses étaient différentes. Lorsque plus de 60 milliards de recettes fiscales sont transférées de l'État à la Sécurité sociale, on ne peut plus dire qu'on est dans un financement à 100 % des cotisations sociales. Par conséquent, la question des allégements et de leur compensation se pose.

Le dernier élément sur lequel je voudrais insister concerne les soldes. Nous parlions des soldes entre l'État et la Sécurité sociale ; la question des soldes à l'intérieur des branches de la Sécurité sociale se pose également. Compte tenu de l'ampleur des changements d'affectation de recettes au cours des deux ou trois dernières années (par exemple lorsque les cotisations salariales maladie ont été supprimées et que la CSG a été affectée, et qu'il a fallu repasser les recettes à l'État, puis répartir à nouveau les recettes fiscales ou non fiscales entre les branches), la signification des soldes par branche est singulièrement atténuée. Il m'est parfois arrivé de dire qu'on mettait le déficit là où on voulait. Ce n'est pas exactement le cas mais en fonction des ressources fiscales affectées à telle ou telle branche, on aboutit à un excédent important, à un déficit important ou à l'équilibre.

Je réponds de ce point de vue à la question posée par M. Lurton. La branche Famille est à l'équilibre depuis deux ans et c'est aussi celle pour laquelle les dépenses et les recettes ont évolué le plus faiblement au cours des dernières années. Il faut se méfier des analyses par solde et par branche et regarder plus globalement, également au niveau de l'État, de la Sécurité sociale et des administrations publiques locales. Plus on procède à des allégements d'impôts supportés par l'État, qu'il s'agisse des charges sociales ou des impôts locaux, , plus il est difficile de demander à l'État, sur le seul champ de ses dépenses, d'absorber la totalité de ces allègements d'impôts et des charges sociales. Soit il faut partager la charge des réductions d'impôts ou de charges, soit il faut réexaminer le partage des dépenses. À partir du moment où on réalise des allégements considérables de prélèvements obligatoires et que l'État les prend en charge tout seul, l'État ne peut pas sur son seul périmètre réduire les dépenses à due concurrence pour amener l'ensemble à l'équilibre.

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