Intervention de Claude Onesta

Réunion du mardi 25 juin 2019 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Claude Onesta, manager général de la haute performance de l'Agence nationale du sport :

Je vais m'y efforcer, en tout cas.

Cela fait presque deux ans que je suis associé à ce projet, non pas dans sa forme actuelle, mais dans une forme plus lointaine, puisque lorsque j'ai mis un terme à ma carrière de coach sportif et d'entraîneur national, j'ai été sollicité par Laura Flessel, alors ministre des sports, pour réfléchir et analyser le périmètre de la haute performance en France. Je lui ai rendu un rapport au début de l'année 2018 dans lequel je mettais en avant un certain nombre de dysfonctionnements, ou du moins d'organisations qui n'étaient plus au fait de la modernité ou de l'évolution du sport de haut niveau. Elle m'a alors confié la mission d'essayer de construire ce nouveau projet. Le reste du périmètre et du développement des pratiques sportives s'est organisé autour de ce projet, en soutien du projet de performance.

Pour être précis, pour notre part, nous sommes prêts depuis longtemps. Quand je dis « nous », c'est que je dispose d'une petite équipe dédiée, de personnes très liées à la performance – anciens athlètes eux-mêmes, anciens entraîneurs sportifs, voire anciens directeurs techniques nationaux. Nous sommes prêts à agir parce que ce qui m'est le plus apparu, c'est que, justement, tout n'est pas toujours « droit au but ». Le temps nécessaire pour construire les chemins est relativement long, et le périmètre dans lequel j'évoluais par le passé, à savoir le sport de très haut niveau, nécessitait des prises de décisions immédiates et des adaptations permanentes. Nous sommes là dans un fonctionnement plus contraint, et plus long. Pour autant, nous avons essayé de trouver notre place au milieu de ce dispositif.

Qu'évoquait mon rapport il y a quelques mois ?

Il évoquait une organisation du sport français qui datait d'une cinquantaine d'années, voire plus. Il montrait que le sport au niveau international avait beaucoup évolué et que, parfois, ces évolutions n'étaient pas prises en compte dans l'organisation qui était la nôtre. De manière générale, nous avions le sentiment d'un système très globalisé, dans lequel on essayait de faire entrer tout le monde et d'adapter les individus au système. Nous nous rendions compte, nous, spécialistes du sport de très haut niveau, que ces modèles étaient de plus en plus éclatés, de plus en plus singuliers et que les sportifs qui réalisaient aujourd'hui les meilleures performances étaient ceux qui avaient su adapter des écosystèmes de pratique, avec des intervenants qui leur étaient dédiés, et qu'ils étaient tous capables, dans ces conditions, d'aller chercher des performances nettement améliorées. L'idée était donc de prendre en compte le système général et de voir comment nous allions l'adapter, le transformer peu à peu avec les acteurs associés.

Dès l'abord, nous avons identifié que se posait un problème de terminologie. Dans notre approche ou dans l'approche telle que décrite par le ministère, il était toujours question de sport de haut niveau. Mais, que l'on soit détecté à treize ans parmi les meilleurs de son département ou de sa région ou que l'on soit Teddy Riner, c'était toujours du haut niveau. Cette incapacité à identifier de manière plus précise différents champs laissait à penser que tout le monde était de haut niveau, que tout le monde pouvait le revendiquer et solliciter toutes les aides requises.

Il nous est apparu que, dans ce périmètre du sport de haut niveau, une certaine pratique était qualifiée « de hauts niveaux », alors qu'elle relevait plutôt du chemin d'accès à la performance. Cette pratique peut partir d'un âge plus ou moins prématuré ou tardif selon les disciplines sportives, mais disons que c'est le moment où on va prendre en compte un athlète, le faire progresser au travers de l'entraînement, mais aussi le placer dans un environnement social qui lui permet de continuer à vivre avec les siens une vie liée à son âge avant, peu à peu, de lui permettre d'accéder à des niveaux d'entraînement et des qualités d'encadrement qui vont l'amener à devenir, progressivement, un athlète dans le contexte international. Je me dois de souligner que ce cheminement est plutôt bien organisé en France. Bien organisé parce que le système qui date de la fin des années soixante, après les Jeux olympiques de Rome, a permis une pratique sportive de plus en plus intensive et encadrée dans un périmètre scolaire adapté. Il importe de le dire, et de nombreux pays nous l'envient.

Pourtant, ce dispositif, qui est plutôt bien en place, ne traite pas la véritable période : celle de la réalisation de la performance. Vous pouvez être amené à pratiquer dans un contexte international et, pour autant, ne jamais monter sur les podiums alors que, parfois, les compétences et le talent que vous laissiez apparaître donnaient à espérer ce résultat. Nous nous sommes rendu compte que ce résultat était particulièrement difficile à obtenir. Cela nous a amenés à réfléchir sur ce périmètre de « la haute performance », comme nous l'appelons, pour que, véritablement, aujourd'hui, tous les athlètes français qui sont dans le périmètre olympique ou paralympique ou qui travaillent pour accéder à ces grandes compétitions internationales, puissent y jouer pleinement un rôle et réaliser les performances que leur potentiel permet d'espérer.

Telle est, me semble-t-il, la nouveauté de notre dispositif : essayer d'aller beaucoup plus loin, d'être beaucoup plus précis et beaucoup plus en proximité de ces athlètes, pour être capables de les accompagner de la meilleure façon et leur permettre de réaliser ces performances.

Nous ne cachons pas que tout cela est en projection des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Mais le sport de très haut niveau ne commence pas à Paris en 2024 ; nous sommes à un an des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo, qui seront suivis, en 2022, des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver à Pékin. Le périmètre de ce que nous entreprenons aujourd'hui doit, bien évidemment, permettre d'ores et déjà de trouver des améliorations de fonctionnement et constituer un tremplin pour 2024. Mais cela ne s'arrêtera pas à Paris, bien évidemment. Si l'on considère que le dispositif actuel a duré cinquante ou soixante ans, celui que nous sommes en train de mettre en place sera peut-être capable d'apporter un meilleur soutien au sport français pour les vingt ou trente prochaines années.

Je pourrai vous décrire plus avant les périmètres, si vous le souhaitez. Je pense toutefois que c'est avant tout une structuration de plus en plus précise, encadrée par des experts, validée par cette gouvernance partagée, qui paraît être l'axiome déterminant pour les personnes qui, comme moi, ont toujours plaidé pour le projet collectif, les acteurs associés et pour voir comment une équipe qui accepte de cohabiter, de collaborer, est capable de relever des performances de meilleur niveau. Je pense que cette gouvernance partagée parviendra à nous proposer cet environnement et que le soutien qui sera ainsi apporté à nos meilleurs athlètes sera susceptible de nous conduire à de meilleurs résultats.

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