Intervention de Pascale d'Artois

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Pascale d'Artois, directrice générale de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) :

Mesdames, messieurs les députés, je vous répondrai de façon thématique.

Pour ce qui est du plan de rebond de l'AFPA, la situation est en effet catastrophique, monsieur Cherpion, et je n'ai pas souhaité la minimiser. L'état de nos finances et de notre trésorerie nous empêche d'investir dans le développement et le rebond de la structure. En dix ans, trois plans se sont succédé, avec des stratégies totalement différentes, allant de l'extension vers le marché privé au développement du statu quo, c'est-à-dire la préservation de notre position historique et de notre organisation centralisatrice. Nous avons proposé une stratégie un peu différente, en mettant l'accent sur ce qui relève de l'ADN de l'AFPA. J'en profite pour saluer tous les salariés de l'AFPA qui se lèvent tous les matins, sans avoir été augmentés depuis sept ans : il n'y en a pas un qui ne sait pas pourquoi il se lève chaque jour : sa mission est d'accompagner des personnes très éloignées de l'emploi.

Notre stratégie est partie du foncier, mais elle ne peut se réduire à cela. Nous nous sommes dit qu'en tant que propriétaires de 8 millions de mètres carrés de foncier et de 2 millions de mètres carrés de bâti, qui sont pratiquement vides, nous pouvions jouer un rôle d'aménagement du territoire, en proposant aux acteurs et aux opérateurs de l'emploi bien plus qu'une simple stratégie foncière, une co-construction autour de la sécurisation des parcours professionnels et de vie. Nous proposons à des acteurs du logement, de la mobilité ou encore de la santé de s'installer à l'AFPA en résidence. Ils ont des bureaux au sein de nos centres, pour valoriser leur offre, dans la même temporalité d'action que le projet des stagiaires – c'est important.

Nous avons également proposé de devenir des tiers lieux de l'insertion professionnelle, afin d'accueillir non seulement des bénéficiaires de la formation, mais également les publics que l'on dit invisibles, ainsi que des personnes potentiellement éloignées de l'emploi, qui n'osent pas venir dans un centre de formation pour poser des questions. Nous avons prévu de mettre en place des actions d'insertion par le sport et par la culture, ce qui permettra aux centres AFPA de ne plus être des centres fermés, mais des centres ouverts. Je reprends avec plaisir les mots du directeur du programme du Village de l'AFPA, qui me répète pratiquement chaque semaine que nous aurons gagné le jour où les publics viendront boire un café à l'AFPA. Nous allons organiser des espaces de coworking et d'apprentissage par les pairs ; tout en poursuivant notre activité socle sur la formation professionnelle, nous allons également proposer à des opérateurs qui concourent à la sécurisation des parcours de se rassembler pour travailler ensemble, au lieu de rester éparpillés sur le territoire, sachant qu'un centre AFPA peut accueillir quotidiennement entre 150 et 500 stagiaires.

Par exemple, la Varappe, installée à Marseille, qui récupère des containers du port pour les transformer en hébergements d'urgence, nous a proposé, après qu'on lui a parlé de la stratégie du Village de l'AFPA, d'installer ses unités de production dans le centre AFPA. Les containers arrivent au centre, où les stagiaires apprennent le métier – c'est l'idée particulièrement ingénieuse de la Varappe –, de sorte qu'ils peuvent être ensuite accompagnés par des entreprises d'insertion pour prendre un emploi ailleurs. C'est un projet énorme pour l'AFPA, pour peu que notre statut nous le permette. Nous avons, dans d'autres centres et d'autres régions, accueilli des entreprises d'insertion et des acteurs du logement, qui peuvent s'installer chez nous ou venir en résidence ponctuelle valoriser leur offre de services, quand les stagiaires en ont besoin.

Nous avons proposé à des fédérations professionnelles et à des entreprises, dont les métiers souffrent d'un manque d'attractivité, de venir, grâce à des parcours organisés en amont de la qualification, au sein des centres AFPA multiplier les rencontres avec des bénéficiaires certes éloignés de la qualification et de l'emploi mais qui pourraient être attirés par certains métiers, dès lors qu'un chef d'entreprise vient les leur proposer directement dans le bassin d'emploi. Cette stratégie concourt à proposer à nos financeurs historiques – les conseils régionaux et les nouveaux opérateurs de compétences (OPCO) – d'être à nouveau conquis par ce que l'AFPA peut faire, aussi bien sur le terrain – la formation qualifiante – qu'en faveur de l'accompagnement des publics et l'attractivité des métiers. C'est une stratégie assez payante.

Je vous ai parlé de quatre projets alternatifs sur lesquels nous travaillons avec tous les acteurs, financeurs et collectivités territoriales depuis le mois d'octobre 2018. L'un d'eux consiste à créer une manufacture collaborative d'artisans dans un territoire rural, où il est très difficile de trouver un emploi salarié. L'idée est de proposer à des artisans de créer leur propre activité, en mutualisant le plateau technique de l'AFPA, et d'être accompagnés dans leur projet. Cette capacité à devenir un objet différent selon les territoires permet à nos financeurs historiques de porter un regard nouveau sur la manière dont nous accompagnons les projets et la sécurisation des parcours professionnels et de mener des expérimentations grâce aux financements du plan d'investissement dans les compétences. Montrer comment accompagner les publics les plus éloignés vers des métiers jusqu'alors peu attractifs, comment travailler avec les fédérations professionnelles sur cette attractivité au moment de la rencontre avec les publics, c'est une solution parmi d'autres, qui fonctionne aujourd'hui et qui permet d'assurer une activité nouvelle que nous n'aurions pas pu avoir sans ce projet. Cette stratégie est désormais mise en oeuvre dans tous les centres AFPA de France.

Pour ce qui est de la présence territoriale, notre problème économique est notamment lié à la rigidité de nos charges de structure. Il y a plusieurs façons d'être présents sur le territoire. D'autres organismes de formation sont très mobiles : nos concurrents sont un jour à tel endroit et six semaines plus tard ailleurs, au gré d'une nouvelle action. Nous voulons continuer à être présents dans les territoires, mais pas seulement en tant que centres AFPA, mais potentiellement en partenariat avec d'autres organismes de formation, puisque l'un des grands leviers de notre stratégie est de ne plus agir seuls. Pour co-construire, pour co-innover, pour trouver des compétences que nous n'avons pas, il faut répondre aux appels d'offres en partenariat, mais aussi être en partenariat de façon plus générale, et sans cesse s'interroger sur les pédagogies mises en oeuvre et les innovations à créer ensemble. La compétence de l'organisme de formation concurrent qui est en face de l'AFPA ne sera pas celle du formateur ou du personnel de l'AFPA. Le fait de travailler ensemble favorise l'innovation. Dans certains territoires, où nous souhaitons fermer les centres, nous avons élaboré des partenariats pour nous installer dans les plateaux techniques de nos actuels concurrents ou partenaires. Par exemple, nous sommes allés voir un gros CFA, qui jusqu'alors était un concurrent, pour lui proposer de mettre en place des actions sur son plateau technique. Grâce à ce partenariat, nous resterons présents dans le territoire, même si nous fermons notre site.

Nous entendons également rester présents dans les territoires par le biais d'offres mobiles. Cela nous donnera un avantage concurrentiel certain, puisqu'il est rare d'être mobile avec des plateaux lourds, industriels et des bâtiments qui coûtent très cher. Or nous avons, par exemple, des plateaux techniques sur la fibre optique ou pour former des techniciens de maintenance en chaîne automatisée. Se déplacer là où sont les personnes, pour des petits groupes, dans des bassins d'emploi, pour répondre au besoin d'une entreprise, c'est une autre façon d'être agile. Dans l'Ain, par exemple, des entreprises avaient des difficultés de recrutement. Nous avons lancé six actions sur une offre mobile : au lieu de rester dans notre centre de Bourg-en-Bresse, nous avons loué des locaux et installé des plateaux techniques. Une fois l'action terminée, nous irons les transporter ailleurs, en fonction des besoins. La présence territoriale peut être agile et souple et répondre aux besoins des entreprises, sans ces millions de mètres carrés de foncier et de bâti qui coûtent très cher à l'AFPA et représentent un de ses principaux problèmes.

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