Intervention de Pascale d'Artois

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Pascale d'Artois, directrice générale de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) :

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons délibérément choisi de nous positionner non comme un opérateur mais comme un prestataire associé au conseil en évolution professionnelle, notamment avec Pôle emploi, notre grand cousin. Il s'agit de proposer aux publics les plus éloignés de l'emploi de pouvoir réfléchir à leur parcours professionnel, de découvrir les métiers via des appuis, une prestation qui peut durer jusqu'à vingt jours au terme desquels sera élaboré un projet qui n'aurait peut-être pas pu être réfléchi ni mis en oeuvre dans le cadre d'un simple entretien. Nous essayons évidemment de faire en sorte que les personnes puissent tester les métiers.

Cette évolution en termes d'accompagnement est une richesse pour nous. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel représente une grande avancée pour un opérateur comme le nôtre qui travaille avec les publics les plus éloignés de l'emploi, dans la mesure où elle nous permet d'inclure les prestations de positionnement et d'accompagnement social dans la définition de l'action de formation professionnelle. Jusqu'alors, toutes ces prestations qui étaient mises en oeuvre et qui servent la qualité à la sortie de la formation n'étaient pas financées à l'AFPA, ce qui concourait à détruire notre compétitivité-prix dans la mesure où la qualité ne pouvait pas être mise en avant dans le cadre de la seule unité d'oeuvre dont nous disposions jusqu'à présent, à savoir l'heure de formation d'un stagiaire. Cette nouvelle définition de l'action de formation nous ouvre une voie extrêmement intéressante qui nous permet déjà de proposer à certaines fédérations professionnelles, à certains OPCO, de travailler à l'accompagnement de publics éloignés pour recruter des personnes dans les secteurs où la tension est forte, là où les fédérations professionnelles ont déjà tout tenté : quelle fédération professionnelle n'a pas essayé de travailler sur l'attractivité des métiers ? Il faut donc proposer des prestations d'accompagnement qui vont, à un moment ou un autre du parcours, se transformer en une orientation vers un métier. Nous croyons beaucoup à cette nouvelle stratégie : le centre AFPA devient un lieu de rencontre physique entre demandeurs et entreprises, au moment où se développe, pour les plus autonomes, une application CPF. Sachant que cette prestation d'accompagnement peut être rémunérée, ce qui nous réjouit, que le travail de nos 650 conseillers en formation peut être valorisé, ce qui n'était pas le cas auparavant, et que leur activité peut être développée.

Nous avons aussi une stratégie de développement de l'apprentissage en accompagnement des grands groupes – nous ne l'attendions pas forcément de cette manière – qui réfléchissent, depuis l'adoption de cette loi, à monter leur propre école de formation, leur propre section d'apprentissage, mais qui trouvent un peu compliqué de le faire seuls. Ces grands groupes ont pensé – et nous les y avons aidés –, dans les quelques centres qui rencontrent encore aujourd'hui potentiellement des difficultés économiques, investir dans des plateaux techniques non achetés par les financeurs publics et qui pourraient leur permettre de faire naître leur propre école interne à proximité. Nous travaillons sur cet axe qui nous paraît très intéressant : en aidant une grande entreprise à créer son école interne, nous nous inscrivons dans notre stratégie visant à reconquérir les financeurs, en répondant par des solutions et pas uniquement avec un catalogue de formations. Les solutions aux problématiques des ressources humaines passent aussi par l'organisation de la mise en oeuvre des modalités pédagogiques de développement des compétences de ses propres salariés.

Cet axe fort vise deux objectifs : d'une part accompagner les entreprises sur un nouveau volet de l'apprentissage, d'autre part leur permettre d'utiliser nos plateaux techniques qui ne sont pas achetés.

Je ne vous ai pas parlé des plus de 150 chantiers de transformation que nous avons mis en place depuis l'année dernière. Comme vous l'avez fort bien souligné, notre problème n'est pas le maillage territorial, mais l'organisation structurelle de l'AFPA. Jusqu'à présent, notre modèle était très centralisé et laissait peu de pouvoir ou de responsabilités aux régions comme aux centres de formation. Notre travail consiste dorénavant à inverser ce modèle. Comme on l'a vu tout à l'heure, les besoins de formation sont territorialisés, ils sont devenus locaux et se posent au niveau du bassin d'emploi. Notre stratégie consiste à aider chaque centre de formation, chaque directeur de centre, chaque collectif de salariés à prendre la mesure de la possibilité qui leur est offerte de devenir un outil au profit du territoire et de développer leur propre projet. Certes, il y a toujours une stratégie nationale et des axes d'accompagnement, mais l'idée est que chaque centre AFPA développe son propre projet de territoire et réponde de façon utile à l'ensemble des financeurs publics et bien évidemment à l'ensemble des entreprises.

Cette inversion du modèle est à l'oeuvre dans plus de 150 chantiers de transformation. Ainsi, l'AFPA a construit, depuis des années, un système informatique qui est devenu assez complexe et dont la technologie est assez obsolète. Devenir un opérateur capable d'accompagner les parcours discontinus de formation oblige désormais à adopter une gestion des données et du big data à même de permettre la mise en oeuvre d'une politique de marketing adaptée à l'adresse des personnes qui ont un compte personnel de formation et qui se tourneront vers l'AFPA. Toute notre ingénierie étant découpée en blocs de compétences, l'AFPA permet à certaines personnes, notamment celles qui sont en alternance, en emploi et au chômage, de mettre en oeuvre un module de qualification et de repasser d'autres modules ultérieurement, tout en ayant l'objectif d'acquérir une qualification finale. D'autres organismes de formation ont aujourd'hui cette capacité, parce qu'ils ont tout de suite travaillé sur les données. Nous devons avoir une politique de gestion de la donnée pour fidéliser, accompagner, sécuriser le parcours des personnes, ne serait-ce que pour les informer qu'une nouvelle réglementation est entrée en vigueur dans leur métier et qu'ils peuvent venir se mettre à jour grâce au CPF. Nous avons mis au point toute une stratégie pour les fidéliser, les recontacter en cas de nouveauté dans leur secteur professionnel dès lors qu'ils sont venus une fois chez nous.

Cette stratégie de développement concerne tous les dispositifs, mais elle n'est pas tous azimuts sur tous les financeurs, dans la mesure où nous sommes vraiment revenus à notre coeur de métier : accompagner les publics les plus éloignés de l'emploi et les moins qualifiés, qu'ils soient demandeurs d'emploi ou salariés. C'est ce que font nos salariés depuis soixante-dix ans, c'est ce que nous savons faire et c'est là où nous obtenons les meilleurs résultats. Encore faut-il faire reconnaître ce temps de l'accompagnement et ce qu'il représente en termes de coût. Je vous donnerai un exemple que je prends souvent : le temps de formation ne sera pas le même pour accompagner un plombier en reconversion qui a envie de créer son entreprise et un stagiaire qui veut devenir plombier mais qui était éloigné de l'emploi, en rupture sociale et qui a dû franchir plusieurs étapes avant d'arriver à l'AFPA. La nouvelle définition de l'action de formation va nous permettre de le faire.

J'en viens à la question de Mme Valentin sur le centre du Puy-en-Velay. Nous intégrons un partenaire, Make Ici, qui a son propre modèle économique et a créé des tiers lieux artisanaux à Montreuil, Nantes et Marseille. L'idée est donc de travailler avec des partenaires qui apportent une autre activité à l'AFPA et qui permettent de financer les investissements en partenariat et en consolidant évidemment l'ensemble des projets.

Je veux revenir sur la suspension du plan de réorganisation et la décision du tribunal de grande instance de jeudi dernier. Nous sommes en train d'étudier les voies judiciaires que nous pourrions évidemment prendre pour répondre à cette décision, sachant que – les mots sont importants – la décision ne concerne que de la mise en oeuvre de la réorganisation de l'AFPA : ce n'est pas une suspension du plan social. On nous demande effectivement de mettre en place une étude améliorée de l'évaluation des risques psychosociaux. Un plan de prévention des risques psychosociaux existe à l'AFPA depuis juin 2018, un bilan a même été établi. Le juge considère que ce n'est pas suffisant au regard de l'ampleur de ce plan. Nous en prenons acte et nous allons nous conformer à sa décision. Mais attention aux mots que nous employons : on suspend la mise en oeuvre de la réorganisation, pas le plan social d'entreprise. Il est important de faire la différence.

Vous m'avez interrogée sur le programme HOPE. Nous sommes sortis de l'expérimentation depuis la fin de 2016 puisque le programme HOPE est entré dans la politique d'insertion des réfugiés du Gouvernement. Aujourd'hui, nous avons atteint le niveau de 1 500 réfugiés accompagnés par an. Il y a tout lieu d'être satisfait de ce programme qui a connu des difficultés lors de son démarrage. Nous avons plus de 250 entreprises partenaires, l'ensemble des onze OPCO sont partenaires de l'AFPA. Effectivement, cette vision globale de l'individu et de l'appréhension de l'ensemble de ses besoins – hébergement, apprentissage de la langue française, apprentissage d'un métier – en ayant pris le parti d'identifier les besoins en emplois en fonction des territoires, est un gage de réussite. C'était un pari fou ; or nous enregistrons un taux de retour à l'emploi de ces personnes proprement exceptionnel et seulement 4 % d'abandons, souvent liés d'ailleurs à des problèmes psychologiques liés à ce qu'ils ont vécu. De nouvelles entreprises et de nouveaux territoires font appel à nous pour mettre en oeuvre ce programme qui comprend aussi l'hébergement et l'accompagnement social et administratif de ces publics.

Vous m'avez posé beaucoup de questions sur les publics spécifiques et les publics effectivement éloignés de l'emploi, notamment sur notre action en direction des publics handicapés. C'est notre filiale accès à l'emploi qui développe ces activités. Nous avons un taux de retour à l'emploi de 53 %, qui est évidemment moindre que pour l'ensemble de nos bénéficiaires. Mais nous comptons bien aller plus loin. Nous avons compris que tant que nous n'avions pas de référent handicap dans les centres, il était un peu compliqué de conduire ces actions. Il faut professionnaliser nos formateurs et nos personnels d'appui à l'accompagnement de ces publics pour pouvoir aller beaucoup plus loin en termes de volumétrie d'accueil.

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