Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du lundi 8 juillet 2019 à 16h00
Accord france-luxembourg sur le renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Examiner un accord qui touche à la coopération en matière de transports transfrontaliers n'est pas habituel pour quelqu'un, comme moi, qui vient d'une province qui souffre encore de l'enclavement ; mais l'exercice a du sens pour quelqu'un qui appartient à un groupe intitulé Libertés et territoires, au sein duquel nous partageons la vision d'une Europe dotée de transports sûrs, durables et connectés. Nous voulons d'une Europe davantage connectée en matière de transports pour faire de la devise européenne, « unie dans la diversité », une réalité tangible pour chaque Européenne, pour chaque Européen.

Cette diversité des territoires fait la force de l'Union européenne. Elle lui permet de rayonner à l'extérieur, mais aussi de résister aux épreuves du temps et d'affronter les défis qui se présentent à elle. Cependant, pour que les pièces de ce manteau d'arlequin ne se détachent pas les unes des autres, il est nécessaire que les États membres soient toujours plus et mieux reliés les uns aux autres. Ces liaisons se font, bien sûr, de manière immatérielle, par des valeurs communes qui sont les fondements de l'Union européenne, mais elles prennent corps également grâce aux infrastructures qui permettent les échanges entre les territoires européens et contribuent ainsi à leur prospérité.

Les transports sont l'une des pierres angulaires de ces échanges et de la croissance de nos territoires. Ils sont essentiels à la libre circulation des personnes, des biens et des services. Ils participent largement à l'économie et représentent plus de 9 % de la valeur ajoutée brute de l'Union européenne et emploient environ onze millions de personnes. Le réseau transeuropéen de transport participe de ce maillage. Intégré à une politique des transports européenne, il vise à mettre en place les infrastructures et les interconnexions qui servent de base au marché unique, afin d'assurer la libre circulation des personnes et des marchandises et de soutenir la croissance, l'emploi et la compétitivité dans l'Union européenne.

L'objectif affiché par la Commission européenne, depuis six ans, est de s'appuyer sur le réseau transeuropéen de transport, afin de garantir que, d'ici à 2050, le temps de trajet nécessaire à la grande majorité des entreprises et des citoyens européens pour rejoindre ce vaste réseau d'irrigation du territoire européen ne soit pas supérieur à trente minutes. En France, nous en sommes encore loin : lorsqu'on examine la carte des neuf corridors prioritaires définis en 2013 dans ce réseau transeuropéen de transport pour son développement entre 2014 et 2020, on ne peut que constater qu'une grande partie de l'arc atlantique, de la Bretagne aux Charentes, ainsi que l'ensemble des régions du centre de la France, sont totalement oubliés. On pense à des voies qui contribueraient au désenclavement des territoires ruraux qui se sentent laissés de côté.

Les 26 milliards d'euros dédiés à améliorer ce réseau de transport d'ici à l'année prochaine ont pourtant concerné 172 projets routiers, ferroviaires, fluviaux ou maritimes. Il conviendra que lors du prochain plan, le Gouvernement défende vraiment l'accessibilité européenne des territoires périphériques ou enclavés français. Cette nécessité est d'autant plus vive que le projet de loi d'orientation des mobilités, que l'Assemblée nationale vient d'adopter, ne répond pas de manière précise à la question du financement des infrastructures de transports, en particulier en milieu rural.

Pour les États membres, atteindre un objectif ambitieux de limitation à trente minutes de temps de trajet vers ce vaste réseau européen suppose d'oeuvrer ensemble à une plus grande fluidité et durabilité des transports, dans le cadre de relations bilatérales insérées dans un schéma européen.

C'est tout l'enjeu du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.

En approuvant le protocole d'accord entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg, nous contribuerons à la mise en oeuvre d'une politique de transports multimodale et concertée, qui répond aux besoins de déplacements identifiés ainsi qu'aux objectifs de développement durable.

Le groupe Libertés et territoires estime que ce protocole d'accord est indispensable pour apporter une réponse concrète à plusieurs défis que nos deux pays doivent relever dans leurs liaisons transfrontalières.

Il en est ainsi de la suppression des goulets d'étranglement, de la modernisation des infrastructures, d'une plus grande fluidité dans les flux transfrontaliers, d'une meilleure interconnexion entre des modes de transport durables, et de l'atteinte des objectifs en matière de changement climatique.

L'accessibilité des territoires dans le respect des objectifs de développement durable est, pour notre groupe, un enjeu majeur de croissance économique ; notre assemblée doit contribuer à la mener à bien.

Nous avons donc une responsabilité. Celle-ci est d'autant plus importante que le constat de l'urgence, en matière de mobilité, est clair : les liaisons de transport terrestres entre la région Grand Est, en France, et le Luxembourg connaissent une fréquentation importante et en forte croissance. En effet, plus de 95 000 travailleurs frontaliers empruntent chaque jour la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. L'étude d'impact qui accompagne cet accord nous révèle d'ailleurs que cette fréquentation pourrait atteindre 135 000 travailleurs transfrontaliers d'ici dix ans.

L'axe Metz-Luxembourg se situe sur l'un des plus grands corridors de transports définis par la Commission européenne, qui relie la mer du Nord et ses grands ports maritimes à l'Europe méditerranéenne. Ce corridor européen, baptisé « Mer du Nord-Méditerranée », est un élément structurant du réseau transeuropéen de transport, et contribue à la croissance économique des territoires qu'il traverse. Il joue donc un rôle essentiel, non seulement pour la France et le Luxembourg, mais aussi pour de nombreux autres États membres.

Le constat de l'urgence en matière d'intermodalité est également clair. Nous mesurons tous, non sans inquiétude, combien le développement des transports en dehors de toute considération environnementale est nuisible pour l'avenir. C'est pourquoi les politiques de transports, comme toutes les politiques publiques, doivent, selon nous, être pensées en fixant des objectifs de développement durable.

Ce protocole participe d'une intermodalité européenne qui comprend des axes routiers et ferroviaires ainsi que des voies navigables. La mise en oeuvre de transports durables, innovants et connectés est indispensable à la réalisation des objectifs de l'Union européenne en matière d'énergie et de climat, à l'heure où nos sociétés deviennent de plus en plus mobiles.

La bonne mobilité des travailleurs franco-luxembourgeois n'est pas uniquement un enjeu de coopération entre nos deux pays. C'est aussi un enjeu d'action climatique, qui vient appuyer l'engagement de la France et du Luxembourg dans l'Alliance pour la décarbonation des transports.

Derrière ce protocole d'accord, l'objectif plus large est de conduire une démarche active, ambitieuse et coordonnée dans le domaine des transports pour mettre en oeuvre l'accord de Paris. Agir pour le changement climatique exige que le monde, peu après 2050, réduise à zéro ses émissions nettes. Cela constitue un défi majeur, et nécessite des actions audacieuses pour une transformation systémique du secteur des transports. La France, le Luxembourg et l'ensemble des États membres doivent donc aller vers des transports plus propres et plus efficaces, tant publics que privés.

Ce protocole illustre bien la volonté de nos deux pays de mettre en oeuvre une politique des transports répondant à ces objectifs, en promouvant notamment le transport par rail et, plus généralement, les transports en commun et le covoiturage.

En effet, les objectifs, à l'horizon 2030, des projets d'aménagements multimodaux prévus par ce protocole sont de multiplier par 2,5 le nombre de passagers quotidiens du train, de doubler le nombre de covoitureurs et de tripler le nombre d'usagers des cars transfrontaliers.

En oeuvrant pour une mobilité plus propre et plus efficace des travailleurs transfrontaliers, nos deux pays dynamiseront également l'économie locale, en permettant par exemple la circulation de trains de marchandises transfrontaliers et européens, même aux heures de pointe, ce qui n'est pas possible aujourd'hui, et en favorisant une meilleure circulation vers les bassins d'emplois frontaliers.

Le groupe Libertés et territoires est particulièrement engagé pour la mise en oeuvre de politiques de transports plus efficaces, visant à une plus grande fluidité des échanges, à moins d'émissions polluantes, à une croissance verte de plus en plus développée pour des emplois durables au coeur des territoires.

Nous considérons que ce protocole d'accord entre la France et le Luxembourg s'inscrit dans notre vision d'une Europe des transports sûrs, durables et connectés. C'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de ce projet de loi.

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