Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Je regrette que vous ayez prémédité l'échec de la négociation sociale et que vous ayez porté un coup probablement fatal au paritarisme. C'est une préméditation ancienne puisqu'en novembre 2016, le candidat Emmanuel Macron prévoyait déjà, dans une interview, que l'État reprenne la main sur l'Unédic.

Soyons clairs : un chômeur sur deux n'est pas indemnisé et ne s'abandonne donc pas au confort des allocations chômage, 50 % des chômeurs indemnisés touchent moins de 860 euros par mois, quatre allocataires sur dix qui travaillent vivent sous le seuil de pauvreté, et nous sommes bien loin d'être le système le plus généreux d'Europe en ce qui concerne le taux de remplacement. Si 4 % des allocataires, c'est-à-dire 2 % des chômeurs, gagnent un peu plus au chômage qu'en emploi, 40 % de ceux qui pourraient cumuler ne le demandent pas, et il existe un problème de non-recours que votre réforme ne vient pas régler.

Votre réforme est purement financière. En réalité, l'Unédic est bien gérée, il faut le dire. Le régime de droit commun a dégagé un excédent de 60 milliards d'euros sur les vingt-cinq dernières années, et l'essentiel de son déficit provient du financement de Pôle emploi qui a été décidé par l'État et d'un certain nombre de régimes dérogatoires qu'il faut soutenir mais qui ne relèvent pas de la gestion des partenaires sociaux.

Votre réforme abîme le paritarisme, elle abîme le débat parlementaire – puisque nous n'aurons finalement que cet espace pour en parler –, et elle abîme notre principe assurantiel. En réalité, elle fera beaucoup de victimes. Vous ne luttez pas contre la précarité mais contre les précaires ; vous ne luttez pas contre le chômage mais contre les chômeurs, et je pense à tous ceux dont vous réduisez les droits : les jeunes en intérim qui travaillent moins qu'ils le souhaiteraient et qui n'ont droit ni aux allocations ni au revenu de solidarité active (RSA), les intermittents de l'emploi qui enchaînent les contrats courts et dont 30 % d'entre eux seulement seront concernés par vos mesures puisqu'elles ne s'appliqueront qu'à sept secteurs, les femmes qui travaillent à temps partiel et qui sont en situation de précarité, les cadres de moins de cinquante-sept ans, les saisonniers.

Vous me rétorquerez que nous ne parlons pas de l'accompagnement des chômeurs. S'il est renforcé, tant mieux. Vous parlez de 1 000 créations d'emplois, mais je vous rappellerai que vous avez supprimé 1 500 emplois à Pôle emploi ces deux dernières années. Quant à la taxation des contrats courts, elle est tout à fait modeste.

Votre réforme fera 100 % de perdants. Elle surfe sur tous les préjugés et toutes les caricatures : c'est extrêmement décevant et extrêmement grave.

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