Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 16h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je répondrai à vos questions en les regroupant par thèmes, dont une dizaine se détache.

Concernant les cadres, beaucoup de commentateurs se trompent en indiquant que les cadres cotisent plus. En réalité, plus aucun salarié ne cotise puisque je vous rappelle que nous avons supprimé les 2,4 % de cotisations chômage et maladie des salariés du secteur privé en 2018 pour augmenter leur pouvoir d'achat. La contribution sociale généralisée (CSG) a remplacé ces cotisations : ce sont désormais tous les contribuables qui paient l'équivalent de la part des salariés – les cotisations des employeurs ayant été maintenues. Nous devons désormais le prendre en compte.

En outre, l'élément le plus important sur lequel se fonde le raisonnement est le taux de chômage des cadres – 3,8 %. Nous n'aurions pas pris la même mesure avec 7 % de chômeurs. Enfin, nous sommes quasiment hors champ des comparaisons internationales.

Madame Vignon, vous êtes interpellée sur Twitter. Malheureusement, ce sont les faits. Certes, ils sont contre-intuitifs, et je comprends que ce concitoyen soit choqué – je l'ai aussi été en les découvrant : ceux qui sont indemnisés plus de 5 000 euros par mois le sont, en moyenne, durant 585 jours, alors que ceux qui touchent entre 1 000 et 2 000 euros ne le sont que pendant 280 jours. En outre, les premiers retrouvent, en général, un emploi au cours des deux derniers mois de leur indemnisation.

Avec un taux de chômage à 3,8 %, on peut parler de plein-emploi ; les chômeurs concernés commencent donc à avoir le choix. Leur qualification leur permet d'accéder à un marché du travail extrêmement dynamique – les embauches de cadres vont encore augmenter de plus de 10 % l'an prochain ; on cherche des cadres absolument partout ! En outre, nous conservons le niveau d'indemnisation le plus élevé d'Europe – 6 600 euros. À l'inverse, pour ceux qui ne sont pas qualifiés et qui vivent dans un bassin d'emploi sinistré, la marge de manoeuvre est faible. Le régime assurantiel doit fonctionner de manière cohérente et juste. Le système doit se concentrer sur ceux qui en ont besoin.

Je crois beaucoup en la préparation opérationnelle à l'emploi. Elle est très efficace. Le coût du chômage est lié à sa récurrence. Dans le plan d'investissement dans les compétences, les formations sont mieux rémunérées que par le passé. Pourquoi ? Car nous mettons « le paquet », si vous me permettez l'expression, sur la qualité, afin de permettre le retour à l'emploi. Rien n'est pire que de suivre quatre formations inutiles.

Il faut investir dans la bonne formation pour la bonne personne. C'est le sens de la POE individuelle. Lorsqu'un employeur dépose une offre d'emploi et qu'un demandeur d'emploi souhaite postuler mais ne dispose pas des compétences, une formation adaptée à cette offre pourra être financée. C'est un dispositif que les partenaires sociaux avaient mis en place et que je trouve très positif. Nous créons un droit de tirage pour les personnes et les entreprises qui contractualisent, déjà abondé à hauteur de 50 millions d'euros dans le cadre du PIC. S'il en faut plus, nous abonderons davantage. Quelle meilleure formation que celle qui vous ouvre un emploi ?

La POE collective recouvre, quant à elle, des appels à projets de Pôle emploi qui ouvrent droit à un financement des formations à hauteur de 90 %, notamment dans les branches déficitaires en termes de compétences.

Au total, nous dégageons 200 millions d'euros pour ces POE dans le plan d'investissement pour les compétences et nous ferons plus si besoin, car, tout à fait logiquement, nous faisons des formations qui permettent un retour à l'emploi la priorité.

Beaucoup d'entre vous ont posé des questions sur Pôle emploi. J'ai déjà visité plus d'une vingtaine d'agences et, partout, j'ai rencontré des salariés extrêmement engagés dans leur métier : ils savent pourquoi ils se lèvent le matin et ont à coeur la réussite des demandeurs d'emploi et des entreprises. Je souhaitais en témoigner devant vous, car les critiques que j'entends sont très souvent injustifiées. Nous chargeons chaque année un institut un sondage d'effectuer une enquête de satisfaction : 71 % des demandeurs d'emploi et 73 % des entreprises sont satisfaits des prestations de Pôle emploi ; l'amélioration est nette. Beaucoup de gens ont donc une image de l'organisme qui ne correspond pas à la réalité.

Pour autant, améliorer l'efficacité de Pôle emploi est un travail permanent. Sur un peu moins de 4 millions d'offres déposées chaque année, 80 % trouvent preneur. C'est bien mais, avec Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, et les équipes, nous souhaitons aller encore plus loin. C'est ce qui nous a conduits à développer l'accompagnement précoce et celui des entreprises.

La déconcentration de l'organisation de Pôle emploi, en cours, est très importante, car les besoins et les défis ne sont pas les mêmes dans un bassin d'emploi rural, en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) avec un très fort taux de chômage, outre-mer ou au coeur d'une métropole. Quand certains départements sont au plein-emploi avec 5 à 6 % de chômage, d'autres, comme les Pyrénées orientales, sont à 14,5 % – le double pour les jeunes. Quant aux outre-mer, ils connaissent un taux bien supérieur.

L'offre et la demande ne sont pas les mêmes partout. Avec notre palette nationale d'outils, nous devons construire des partenariats locaux adaptés, notamment en partant d'un métier. Ainsi, ce matin, je me suis rendue dans un EHPAD qui travaille main dans la main avec Pôle emploi et la mission locale ; ils ont trouvé des solutions sur-mesure, grâce à leur proximité. C'est là l'essentiel et cela suppose une plus grande déconcentration. Elle est en cours.

Monsieur Maillard, vous posez une question intéressante sur les métiers. On ne pourra jamais demander aux agents de Pôle emploi de connaître précisément tous les métiers de toutes les entreprises. C'est la raison pour laquelle, sous ma houlette, depuis un peu moins d'un an, Pôle emploi a lancé l'opération #VersUnMétier : une fois par semaine, dans chaque agence, un métier en tension est mis en avant ; on invite les entreprises concernées à se présenter devant les demandeurs d'emploi. Cela a, par exemple, permis de recruter en masse dans le secteur numérique, où l'on recherche 80 000 personnes en France. Beaucoup d'actifs pensent qu'il faut être geek et bon en mathématiques pour y travailler. C'est faux, il faut simplement être prêt à apprendre et avoir l'esprit logique.

Le plan d'investissement dans les compétences a ainsi financé la Grande École du Numérique, qui a vu le jour à Montreuil. J'y ai rencontré une ancienne boulangère en reconversion parce qu'allergique à la farine et un jeune en échec scolaire en fin de troisième. Tous deux travaillent désormais dans le domaine de la data intelligence chez Safran et Thales. Il n'y a donc pas de fatalité, mais ils ne se seraient pas projetés si on ne leur avait pas présenté le métier. Je pourrais citer bien d'autres exemples encore.

Je partage le constat de Justine Benin sur l'aspect territorial. Nous avons posé ensemble la première pierre de l'agence Pôle emploi à Marie-Galante, en décembre 2017. J'en suis très fière, car cette proximité de terrain est fondamentale. Nous réfléchissons, d'ailleurs, à la façon dont Pôle emploi va s'engager dans toutes les maisons France Services, afin de proposer une première réponse de proximité, même si des équipes de spécialistes ne seront pas disponibles partout.

Il y a quelques jours, j'étais à Villeurbanne. Nous avons rencontré des chefs d'entreprise, des demandeurs d'emploi et des conseillers emploi. J'ai été frappée par le témoignage d'un chef d'entreprise qui disait avoir eu, par le passé, des réticences à s'adresser à Pôle emploi. Puis il a réalisé que l'agence constituait un vivier extraordinaire de millions de ressources territorialement proches. Et avec son outil Emploi Store, Pôle emploi utilise l'intelligence artificielle pour profiler entreprises et demandeurs d'emploi, et trouver des correspondances entre les offres proposées et les recherches. La transformation de Pôle emploi est donc loin d'être terminée et permettra d'accompagner au mieux notre réforme.

Bien sûr, madame Rist, pour affecter les effectifs supplémentaires, nous allons tenir compte des besoins : les outre-mer, les zones rurales avec un fort taux de chômage ou les QPV seront forcément privilégiés, comme c'est déjà le cas pour le plan d'investissement dans les compétences, les emplois francs ou les parcours emploi compétences (PEC), centrés sur les outre-mer.

Vous avez évoqué l'illettrisme. Je viens de confier une mission à Yves Hinnekint et Christian Janin sur cet important sujet. Depuis dix à quinze ans, nous avons progressé, mais 7 à 8 % des actifs sont encore en situation d'illettrisme. Pour eux, les transformations technologiques et le numérique sont un handicap supplémentaire, et nous devons encore progresser.

Vous m'avez interpellée sur la mobilité et les freins périphériques. La mobilité est, en effet, très importante. Son coût entre certes en ligne de compte, mais faut-il encore que l'offre existe ! Ainsi, récemment, j'étais en Bretagne, à Carhaix, commune connue pour son festival des Vieilles Charrues. Le reste de l'année, il y a moins de monde. J'ai rencontré des jeunes bénéficiant de la Garantie jeunes qui, n'ayant ni permis ni voiture, doivent faire une heure et demie d'auto-stop pour rejoindre la mission locale, car les transports en commun sont inexistants. C'est la réalité de notre pays, vous la connaissez tous. C'est pourquoi nous mobilisons les régions sur le sujet, ainsi que sur le logement et la garde d'enfants.

Vous avez parlé des problèmes de gardes d'enfants atypiques. Pour bénéficier d'une place en crèche, il faut un contrat à durée indéterminée. Mais comment faire durant la période d'essai ? Comment s'adapter si les horaires ne correspondent pas ? Comment impliquer les assistantes maternelles ? La mobilisation doit être locale et tout le monde doit se mettre autour de la table – caisse d'allocations familiales (CAF), Action Logement, acteurs de terrain, etc.

Les textes seuls ne peuvent pas tout, la bonne volonté collective locale doit aussi participer à trouver des solutions concrètes. Certes, il ne s'agit pas directement d'indemnisation, mais ces sujets sont tout aussi essentiels puisqu'on estime qu'un Français sur cinq refuse un emploi ou une formation en raison de problèmes de mobilité. Le projet de loi d'orientation des mobilités comporte des avancées ; nous allons désormais les concrétiser.

Vous m'avez posé de nombreuses questions sur la responsabilité des employeurs et le bonus-malus. C'est l'ancienne dirigeante d'entreprise qui parle : cela ne me dérange pas qu'on responsabilise les employeurs dans l'intérêt général, car les contrats courts, ce sont des personnes précaires et 9 milliards d'euros de déficit pour l'assurance chômage. Lorsque, dans un même secteur d'activité, des entreprises de même taille travaillant sur le même marché recourent, les unes, de façon massive aux contrats courts et, les autres pas, c'est qu'il n'y a pas de fatalité.

On parle beaucoup du malus, mais qui parle du bonus ? Le système s'équilibre. Les entreprises qui jouent le jeu de l'insertion, de la formation, de l'emploi sont ravies de ce bonus et de cette reconnaissance. Elles en ont assez de payer pour les autres.

Vous avez bien compris que la comparaison des taux de séparation sera réalisée par secteur – l'hôtellerie-restauration n'est pas semblable à l'industrie agroalimentaire, par exemple. Dans l'hôtellerie-restauration, les écarts sont incroyables. Ainsi, chez les traiteurs, les taux de précarité peuvent varier de 1 à 40 entre deux entreprises ! Certains s'organisent en signant des contrats plus longs, travaillent en groupements d'employeurs, recourent à des CDI intérimaires, etc. D'autres ne le font pas ; ils y seront désormais incités.

Les employeurs peuvent également s'organiser en fonction de leurs secteurs géographiques. Ainsi, des groupements existent en matière d'animation sportive, permettant de mutualiser la saison de ski et la saison de voile. Des moyens ont été alloués au développement de telles initiatives dans le PIC.

Je précise que les contrats courts spécifiques – contrats d'insertion, d'apprentissage ou de professionnalisation – n'entrent pas dans le champ du bonus-malus, par cohérence avec nos autres politiques.

Notre réforme, par effet induit, va fortement contribuer à lutter contre le travail illégal : les demandeurs d'emploi auront toujours intérêt à travailler plus et à le déclarer puisque leurs indemnités de chômage augmenteront en conséquence ; les employeurs seront également encouragés à déclarer par la sur-cotisation sur les CDDU et le bonus-malus.

Je n'ai pas vraiment compris la question concernant le revenu de solidarité active. Notre réforme ne durcit en rien les conditions d'admission au RSA. Au contraire, dans le cadre du plan pauvreté, des moyens importants sont dégagés afin que des binômes Pôle emploi-travailleurs sociaux travaillent ensemble. Ces moyens renforcés permettront de mieux traiter les problèmes de santé, de logement, parallèlement à la recherche d'emploi. Actuellement, seul un bénéficiaire du RSA sur cinq revient dans l'emploi chaque année, et ils ne sont pas toujours prioritaires dans l'accompagnement.

Vous avez été nombreux à m'interpeller sur les jeunes. Nous sommes tous horrifiés par leur taux de chômage. Il commence à baisser mais cela reste une priorité, en particulier du PIC. Nous augmentons le nombre de places en établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), en écoles de la deuxième chance et dans les autres dispositifs.

Notre priorité, c'est aussi l'apprentissage. Les jeunes n'ont pas besoin d'indemnités, mais d'un métier, d'une qualification et d'un départ dans la vie. L'augmentation progressive de la Garantie jeunes est une bonne chose. C'est certes une indemnisation, mais surtout une aide efficace pour définir son projet. L'évolution de l'apprentissage est encourageante, avec une hausse de 7,7 % du nombre d'apprentis l'an passé et probablement de plus de 10 % cette année.

Malgré tout, je vous alerte. Vous l'avez peut-être lu récemment, certaines régions ne jouent pas le jeu de la transition. En 2019, elles sont seules compétentes ; elles disposent de l'intégralité des 51 % de la taxe d'apprentissage – rien n'a changé. Pourtant, plusieurs d'entre elles ont annoncé une baisse de 10 à 30 % de leurs subventions aux centres de formation des apprentis (CFA) pour la fin d'année, compromettant l'avenir des jeunes et celui des entreprises. Prochainement, nous dirons publiquement quelles sont ces régions.

Il s'agit d'un véritable combat politique ! Je suis scandalisée et je n'arrive pas à comprendre que, par esprit de revanche suite à la perte d'une partie de leurs compétences, et alors même qu'elles en récupèrent sur l'orientation, on pénalise la rentrée des jeunes et les entreprises. L'espoir renaît, le changement culturel est en cours, beaucoup de jeunes et de familles ont évolué et les entreprises proposent des offres. On n'a pas le droit de pénaliser les jeunes et les entreprises ! En tout cas, ce n'est pas dans l'intérêt général.

Concernant les indemnisations, c'est l'ANI du 23 décembre 2008 – transcrit dans la convention d'assurance chômage du 19 février 2009 – qui a mis en place les quatre mois d'affiliation et les vingt-huit mois de période de référence. Le 23 décembre, la crise avait déjà commencé – Lehman Brothers a fait faillite le 15 septembre et le plan d'urgence du Gouvernement date du 9 décembre. Je m'en souviens, chacun à son niveau, nous étions tous mobilisés. Au moment de la signature de l'ANI, la crise était au coeur de l'actualité et les partenaires sociaux l'avaient parfaitement en tête – ils avaient raison. L'assurance chômage doit évoluer en fonction de la situation du marché du travail et, aujourd'hui, nous sommes dans un autre contexte.

Vous craignez que ce soit plus difficile pour les jeunes et les contrats courts. Mais on ne parle que de six mois travaillés sur vingt-quatre mois, soit ce qui était auparavant la règle. En Allemagne, en Espagne, il faut travailler six mois sur douze ou douze mois sur vingt-quatre. Parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous sommes un de ceux qui donnent accès le plus rapidement et le plus massivement au chômage. On ne peut donc pas dire que le système n'est pas protecteur, d'autant que les jeunes peuvent bénéficier de la Garantie jeunes qui procure un revenu. En outre, le PIC va permettre une hausse des formations pour les jeunes, et l'apprentissage leur donnera un métier et un emploi durable.

La moitié des contrats très courts concerne des jeunes. Quelle image du travail leur donne-t-on ? Le purgatoire des contrats courts jusqu'à trente ans ! Notre combat, aujourd'hui, c'est de leur offrir plus de CDI. Cela passe à la fois par la qualification et par l'ouverture d'esprit des entreprises, qui évolue. Auparavant, les employeurs se plaignaient souvent que les jeunes n'avaient pas d'expérience. Désormais, ils recherchent désormais tellement de personnel qu'ils acceptent de recruter des salariés sans expérience et de les former !

Les règles liées aux droits rechargeables sont très techniques. Le cumul des règles de rechargement et des règles de l'activité réduite rend possible d'être indéfiniment indemnisé au chômage en travaillant un jour sur deux. La convention d'assurance chômage de 2014 a créé ce système de recharge rapide – au bout de 150 heures, soit un mois de travail, un allocataire reconstitue ses droits. En outre, un jour travaillé en activité réduite peut allonger la durée potentielle du chômage de deux jours : un salarié en activité réduite, qui travaille un jour sur deux, peut reporter ce deuxième jour en fin de période d'indemnisation, tout en bénéficiant d'un jour d'indemnisation supplémentaire. Un jour travaillé donne donc potentiellement droit à deux jours de chômage indemnisés. En conséquence, la proportion de salariés cumulant de façon durable emploi et chômage a fortement augmenté depuis la mise en place de cette nouvelle règle – de 9 à 17 %. Les employeurs qui recourent aux contrats courts et les règles de la permittence font que les deux parties privilégient le contrat court. Or, même si cela semble favorable à court terme au demandeur d'emploi, en réalité, cela l'enferme dans la précarité contre laquelle nous voulons lutter avec cette réforme. La précarité n'a jamais permis l'autonomie, et notre combat, c'est l'emploi stable.

Pour les indépendants, vous avez raison, nous créons une indemnité sans cotisation supplémentaire, ce qui peut sembler paradoxal. Il s'agit de leur donner le temps de se retourner. Les agriculteurs, les commerçants ou les artisans en faillite ou en liquidation judiciaire se retrouvent absolument sans rien du jour au lendemain. Nous faisons un effort de solidarité de 800 euros pendant six mois. Ce n'est donc pas le régime complet d'assurance chômage qui s'applique – il faudrait mettre en place un système de cotisations qu'ils ne souhaitent pas pour le moment. En outre, ils ont tout à fait le droit de demander l'accompagnement personnalisé de Pôle emploi.

N'oublions pas les évolutions liées au compte personnel de formation. On ne mesure pas à quel point cela va constituer une révolution : nous sommes le premier pays au monde – Singapour va le faire à moindre échelle – où 26 millions d'actifs auront 500 à 5 000 euros sur leur CPF à partir de novembre. Une application leur permettra de visualiser leurs droits, mais aussi toute l'offre de formation – qualifiante, certifiante, etc. – en temps réel. Nous mesurerons la satisfaction des utilisateurs. Nous réalisons ce travail gigantesque avec la Caisse des dépôts et consignations et des start-up.

L'ensemble de ces dispositifs, ainsi que ceux mis en place pour les démissionnaires, vont constituer les outils de la prévention des risques de chômage. Beaucoup de gens voudraient se reconvertir – on le constate par le biais des sondages d'opinion –, soit parce qu'ils ne font pas le métier qu'ils auraient voulu faire, soit parce qu'ils veulent évoluer, changer de voie, progresser ou élargir leur pratique professionnelle.

Je reviens sur le bonus-malus et les contrats à durée déterminée d'usage. Le bonus-malus sera appliqué dans les sept secteurs où le taux de séparation est le plus important – ceux qui envoient le plus régulièrement le plus grand nombre d'actifs vers Pôle emploi. Cela représente 37 % des ruptures de contrat. Avec eux, nous allons réfléchir, leur exposer les solutions et les accompagner. Si le bonus-malus est efficace et conduit à moins de précarité – ce dont je suis persuadée – et si, parallèlement, les autres secteurs n'ont pas progressé, nous n'excluons pas de l'étendre.

La taxe sur les CDDU sera, quant à elle, appliquée dans les seize secteurs d'activité où ils sont utilisés. En outre, des rapports de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) soulignent que certains secteurs les utilisent sans en avoir le droit ; nous allons y mettre bon ordre.

Les CDDU se caractérisent, en effet, par l'absence de prime de précarité et la possibilité d'embaucher indéfiniment la même personne. Ils peuvent être utilisés, par exemple, dans l'hôtellerie-restauration, du fait de conditions particulières d'emploi, mais il faut savoir faire la différence entre bon usage et usage excessif. Il est certain qu'imposer une taxe de 10 euros sur un unique contrat de six mois ou un an n'aura aucun effet – mais ce n'est pas ce type de contrat que l'on vise. Par contre, 10 euros sur cinq contrats de cinq heures par semaine inciteront peut-être l'entreprise à rédiger un contrat pour une semaine entière.

Grâce à ces deux outils, nous disposerons d'une vision complète. Après évaluation, cela permettra de conserver ce qui est nécessaire.

Vous avez également évoqué le carnet de bord. Nous ne l'avons pas oublié. Durant les deux demi-journées d'accompagnement du demandeur d'emploi, le conseiller doit faire un minimum d'administratif et se concentrer sur le projet du demandeur. En outre, en Centre-Val de Loire et Bourgogne Franche-Comté, nous allons tester le carnet de bord digital : avant son rendez-vous mensuel, chaque demandeur d'emploi remplira les informations relatives aux démarches qu'il a effectuées – résultats des démarches, difficultés, manques… –, ce qui libérera du temps et permettra un dialogue plus constructif. Vous le voyez, Pôle emploi innove.

Enfin, vous m'avez interrogée sur le paritarisme. Il évolue au fil du temps. La démocratie sociale est indispensable à la démocratie et constitutive de son équilibre. La démocratie parlementaire est le socle de notre représentativité, mais démocratie sociale et démocratie citoyenne ou participative – que nous développons – sont des compléments fondamentaux.

Les ordonnances revitalisent le dialogue social dans les entreprises. J'ai parlé de la première édition des Réussites du dialogue social : c'était impressionnant. Ceux qui étaient là, tant du côté syndical que patronal, nous ont confirmé n'avoir jamais connu cela. Il y a encore beaucoup à faire, car ce changement culturel n'a pas atteint toutes les entreprises, mais les plus avancées utilisent tous les outils pour renforcer le dialogue social.

Les ordonnances ont transféré plus de prérogatives aux branches – qualité de l'emploi, définition des coûts du contrat d'apprentissage et des diplômes professionnels. Les discussions sur les coûts du contrat d'apprentissage ont démarré très rapidement. Le travail a été efficace puisque la copie est rendue à 85 %. À l'inverse, il y a encore peu de nouveaux accords de branche, mais nous y croyons.

Au niveau interprofessionnel, nous devons poursuivre les discussions avec les partenaires sociaux. Ils ont un rôle à jouer, nous en sommes tous conscients ; ils le souhaitent et nous le souhaitons, mais le système hybride de l'assurance chômage ne simplifie pas les choses.

Pourquoi dis-je que le système est hybride ? D'abord, parce que les cotisations salariales n'existent plus – c'est le contribuable qui paie. Ensuite, parce que la dette est garantie par l'État à un niveau très important – c'est la deuxième dette la plus élevée garantie par l'État après celle de la SNCF. Le système est donc plus hybride qu'il n'en a l'air sur le papier. En conséquence, si les partenaires sociaux échouent à définir les règles, c'est à nous de le faire. Pour autant, ce n'est pas très satisfaisant ; cela fait sans doute partie des sujets sur lesquels nous devrons revenir.

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