Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires économiques

Julien Denormandie, secrétaire d'état auprès du ministre de la cohésion des territoires :

Cela dépend où, vous avez raison, mais raisonnons d'abord en termes globaux : il y a 4,5 millions de logements sociaux et 1,5 million de ménages qui attendent d'en obtenir un.

Face à cette situation, il y a deux possibilités.

La première consiste à modifier les plafonds des revenus de référence pour l'attribution d'un logement social. Nous avons clairement indiqué que nous ne voulions pas choisir cette voie.

La deuxième consiste à construire plus de logements sociaux et à créer plus de mobilité au sein du parc HLM. C'est la politique du choc de l'offre que nous voulons appliquer, notamment au bénéfice des bailleurs sociaux. D'autres mesures, de nature très technique, bénéficieront également aux bailleurs sociaux, je pense en particulier à la conception-réalisation qui leur permet de réaliser des économies certaines. Accroître la mobilité suppose que la commission d'attribution procède à un réexamen périodique de la situation des ménages. Cela passe également par l'accession sociale pour les logements sociaux à prêt locatif social (PLS), dont les loyers sont les plus élevés. Sur les 4,5 millions de logements sociaux, 8 000 sont vendus chaque année. L'accession sociale, outre qu'elle encourage la mobilité et la mixité, stimule la construction : la vente d'un logement permet de récupérer du capital pour la construction de deux ou trois logements.

Les APL ne sont pas le coeur du problème, même si elles pèsent aujourd'hui 18 milliards d'euros – soit la moitié du budget de la défense nationale –, ce qui constitue une dérive objective par rapport aux 14 milliards d'il y a dix ans. Pour mettre un terme à cette dérive, il faut agir sur les deux facteurs qui expliquent cet accroissement massif : d'une part, la paupérisation de la société, d'autre part, l'augmentation continue des loyers. Lutter contre la paupérisation, notamment en relançant l'emploi, est un combat de longue haleine, mais la vraie question, ici, est celle de la maîtrise des loyers. D'un territoire à l'autre, les enjeux ne sont évidemment pas les mêmes et une politique du logement ne fonctionne que si elle s'adapte à chaque territoire mais, globalement, il s'agit de faire baisser les loyers.

Dans le parc privé, cela passe par un choc de l'offre, ce qui prendra forcément du temps. Quant à l'encadrement des loyers, nous n'avons pas encore assez de recul aujourd'hui pour en évaluer l'efficacité, et nous estimons qu'il faut attendre et voir pour savoir si le dispositif mérite d'être pérennisé.

Dans le parc social, en revanche, nous avons un énorme avantage : c'est nous qui finançons les bailleurs sociaux. Avant même de mettre sur la table la question des APL, le premier message que nous leur adressons est donc que notre objectif est d'améliorer leurs conditions de financement, dans la mesure où ce sont elles qui déterminent la rentabilité des opérations, donc la définition des loyers. Ces conditions de financement sont les mêmes depuis des années, et nous avons dû faire preuve d'imagination, toujours au bénéfice des bailleurs sociaux, pour les améliorer.

Une première solution consiste à allonger la dette : concrètement, si la banque vous prête sur quarante ans plutôt que sur trente ans, vous avez moins à rembourser chaque mois.

Ensuite, il est très important de pouvoir donner de la prévisibilité aux schémas de financement. Les taux concédés aux bailleurs sociaux sont variables, indexés sur le taux du Livret A et ils varient donc chaque année ; nous avons décidé de stabiliser le taux du Livret A pour les deux prochaines années, ce qui donnera de la visibilité aux bailleurs.

Il faut enfin savoir que les bailleurs sociaux ne se financent aujourd'hui quasi exclusivement qu'auprès de la Caisse des dépôts, dont nous avons voulu rendre les conditions de financement plus avantageuses. Pour être au plus près des demandes exprimées par les bailleurs sociaux, la Caisse leur consent donc 4 milliards d'euros de prêts à taux fixe, avec un remboursement in fine, ce qui représente un énorme gain de trésorerie. À cela s'ajoutent, ainsi que le réclamaient depuis longtemps les bailleurs, 2 milliards d'euros de prêts de haut de bilan, soit des quasi fonds propres, que l'on peut utiliser pour asseoir d'autres investissements. Enfin, la Caisse des dépôts propose 3 milliards d'euros de prêts destinés au financement de la rénovation thermique des bâtiments, avec, pour corollaire, une diminution des charges.

L'amélioration de ces conditions de financement fera gagner beaucoup d'argent aux bailleurs sociaux, avec qui les discussions portent sur la manière pour eux de rétrocéder ce gain au travers de baisses de loyers, lesquelles conduiront mécaniquement à la baisse des APL.

Telle est la logique dans laquelle nous nous inscrivons et qui emporte deux conséquences. La première est qu'elle implique, toutes proportions gardées, de changer de modèle ou, plus précisément, de changer de conditions de financement, et ce après accord des deux parties sur l'ensemble des dispositifs. La seconde conséquence a trait à la mutualisation. En effet, tous les bailleurs sociaux ne bénéficient pas des dispositifs à hauteur équivalente soit parce que leurs stocks de dettes sont différents, soit parce que les besoins de financement varient en durée, soit enfin parce que certains investissent beaucoup dans la rénovation, tandis que d'autres l'ont déjà fait. Tout l'enjeu des discussions que nous avons aujourd'hui avec l'USH porte sur la mutualisation des gains entre l'ensemble des bailleurs sociaux et sur la nécessité qu'aucun d'entre eux ne soit mis en difficulté par les nouvelles dispositions.

J'insiste vraiment sur cette logique, qui nous conduit à prendre le problème à la racine, c'est-à-dire à agir sur le coût des loyers en améliorant les conditions de financement mais également en favorisant l'accession sociale à la propriété. En effet, les 4,5 millions de logements sociaux qui existent en France ont tous une valorisation nulle dans le bilan des bailleurs tant l'accession sociale est rare. Si, au contraire, un bailleur pouvait espérer revendre à terme 40 000 ou 60 000 euros un logement qui lui en a coûté 100 000, le seuil de rentabilité de son opération serait divisé par deux, et les loyers pourraient l'être également. Les deux jambes sur lesquelles nous marchons sont donc les conditions de financement et l'accession sociale à la propriété, qui doivent permettre à terme de construire davantage de logements et de baisser les loyers. C'est complexe, et nous sommes donc en pleine discussion avec les bailleurs sociaux.

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