Intervention de Christine Gétin

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Christine Gétin, présidente de l'association HyperSupers :

Notre association a été créée en 2002, trois ans avant la loi de 2005, à l'écriture de laquelle j'ai contribué en participant au comité des associations du handicap. Je suis notamment fière d'avoir fait inscrire dans la loi le terme de « handicap cognitif », incluant le TDAH.

Le TDAH se manifeste selon trois dimensions cliniques : l'inattention, l'hyperactivité et l'impulsivité. L'inattention est le coeur du problème : ce sont des enfants qui ont du mal à se concentrer, qui se laissent distraire extrêmement facilement, d'où un apprentissage problématique en situation de classe. L'hyperactivité et l'impulsivité sont beaucoup plus visibles : ce sont des enfants agités, qui bougent, qui ne tiennent pas en place, qui anticipent les questions avant qu'elles ne soient posées. Ces manifestations aboutissent souvent à ce que ces enfants qui dérangent soient exclus, mis à l'écart par les enseignants. L'inattention entraînera plutôt de grandes difficultés d'apprentissage.

Les documents que je vous ai remis résument deux enquêtes montrant l'évolution de la situation entre 2011 et 2018. Il faut savoir qu'avant la loi de 2005, comme personne n'était diagnostiqué TDAH, les enfants se retrouvaient en conseil de discipline puis étaient exclus. A partir de 2005, on constate une progression du diagnostic et de la prise en considération du TDAH. En 2011, environ 43 % des familles ayant répondu à notre enquête avaient demandé une reconnaissance du handicap de leur enfant et des aménagements scolaires. En 2018, elles étaient 77 % à avoir constitué un dossier, les parents étant mieux informés des possibilités offertes. Les difficultés résident, aujourd'hui, dans l'application des mesures prises : les familles obtiennent un PAP ou un PPAS, selon les difficultés de l'enfant, mais ensuite, sur le terrain, il n'est pas mis en application. Au collège, par exemple, il y aura trois enseignants qui prennent réellement les choses à coeur, mais deux autres qui feront tout déraper parce qu'ils prennent l'enfant à rebrousse-poil, c'est-à-dire exactement ce qu'il ne faut pas faire si l'on veut éviter qu'il soit énervé tout le reste de la journée.

On continue donc d'avoir des enfants qui subissent des exclusions : le taux des exclusions était de 22 % en 2011, il est de 21 % en 2018. Malgré le peu de données que nous avons, j'avais comparé à des études faites antérieurement, dont j'ai oublié le nom : c'était trois à huit fois plus. C'est énorme.

J'en viens à l'évolution des aménagements – détaillée dans le document que je vous ai apporté. La difficulté demeure en particulier pour les examens : nous sommes inquiets pour l'avenir, car il semble que les aménagements ne seraient accordés qu'aux élèves ayant un dossier MDPH, et non un dossier PAP ne relevant pas de la MDPH. Ils auraient donc des aménagements toute l'année mais, le jour de l'examen, plus rien ! Nous avons réalisé un petit documentaire que vous pouvez regarder sur le web, dans lequel des séquences de dix ou quinze minutes montrent des enfants qui « boguent » lors des examens. Dix minutes se passent et l'enfant « n'est plus là », il ne fait pas l'examen, car il a vraiment besoin de temps supplémentaire pour faire des pauses, pour bouger, pour se reconcentrer.

Nous souhaitons que cette loi descende davantage sur le terrain, c'est-à-dire que les enseignants soient mieux formés et acceptent de ne pas considérer ces aménagements comme un avantage, mais comme un moyen de rétablir l'égalité en faveur de ces enfants qui souffrent de réelles difficultés et ne sont pas simplement mal élevés ou de mauvaise volonté. Il faut plus de pédagogie différenciée, des travaux en mode projet ou en mode groupe, en réunissant des compétences différentes, comme dans le monde du travail qui attend les élèves. La valorisation des compétences des élèves est insuffisamment développée dans notre milieu.

Il faut respecter les aménagements tels qu'ils sont définis et mettre en oeuvre les procédures plus rapidement, car les dispositifs décidés en septembre ne sont bien souvent opérationnels qu'en avril, quand l'année est plus qu'entamée – il y a quasiment deux trimestres de fichus ! De même, les équipes de scolarisation se mettent toujours en place trop lentement. Il faut aussi faciliter les démarches d'obtention des aménagements pour les examens.

Sur le plan pédagogique, il est nécessaire de privilégier l'autonomie des enfants en s'appuyant sur des outils adaptés. On a tendance à accorder assez facilement une AVS – 90 % des demandes sont acceptées – alors que les aides matérielles ne sont satisfaites qu'à 60 %. C'est pourtant moins coûteux, plus facile, et ça donne plus d'autonomie à l'enfant.

Il faut aussi assouplir le temps scolaire, car ces enfants ont besoin d'un certain nombre de rééducations, pour les aider à gérer leur impulsivité, leur attention, etc. Tout cela se fait hors du temps scolaire, si bien qu'ils ont des emplois du temps de ministre ! Il faudrait davantage intégrer ces rendez-vous dans le temps scolaire : c'est prévu en théorie, sur le papier, mais souvent c'est refusé : on ne veut pas voir entrer les rééducateurs à l'école…

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