Intervention de Stéphanie Jacquet

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 16h30
Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Stéphanie Jacquet, référente de l'association Une égalité des chances pour nos enfants TDAH pour le département de Seine-et-Marne :

Je tiens d'abord à vous remercier, madame la présidente, pour votre invitation, car nous avons besoin de mettre en lumière le problème du TDAH, qui est un problème de santé publique.

Notre collectif de parents a été créé en juin 2018, suite au lancement de la pétition nationale « Une égalité des chances pour nos enfants TDAH », qui a recueilli à ce jour plus de 65 500 signatures. L'un de nos principaux objectifs est la sensibilisation du grand public à ce problème de santé publique très important, dont on parle peu. Nous avions préparé un petit texte sur la définition du TDAH, mais il a été très bien résumé par Mme Gétin.

Le TDAH est souvent associé à des troubles comme les « dys », l'anxiété, ou même le trouble du spectre autistique. Il nécessite des prises en charge diversifiées, tant médicales que scolaires, car chaque enfant est différent, et concerne environ 5 % des enfants d'âge scolaire, soit un à deux élèves par classe. C'est une proportion importante, bien qu'on en parle très peu. Il s'agit de troubles invisibles – comme 80 % des handicaps –, mais le TDAH est particulier en ce qu'il est méconnu du grand public : journalistes, médecins, enseignants, parents, autres enfants. On le confond souvent avec une carence éducative ou d'origine psychologique, ce qui complique les prises en charge. Or, il n'en est rien : il s'agit d'un trouble du neurodéveloppement. Il n'y a pas de déficience intellectuelle, mais un fonctionnement différent du cerveau. Beaucoup d'enfants ayant un TDAH ont un bon potentiel, masqué par les troubles de l'attention.

Nous pensons que les enfants ayant un TDAH ont toute leur place en classe ordinaire, sous réserve de l'application de la loi de 2005. J'aimerais vous lire un extrait de la brochure À la découverte du TDAH écrite par le docteur Nathalie Franc et le docteur Frédéric Kochman, pédopsychiatres, portant sur l'impact scolaire.

« L'impact scolaire est fortement lié au degré d'hyperactivité motrice. En effet, le garçon – on peut ajouter : « la fille »… même si les filles sont moins hyperactives – turbulent, instable, dérangeant en permanence toute la classe, n'écoutant pas les consignes, faisant rire la classe et perturbant l'enseignant, va très rapidement être mis de côté, puni, voire exclu de la classe. En revanche, l'élève présentant au premier plan un déficit de l'attention, rêveur, plus attiré par la fenêtre que par le tableau, peut tout à fait passer inaperçu. En règle générale, la multiplication des frasques, l'agitation, l'instabilité, les oublis, les devoirs non rendus, les copies bâclées, les erreurs d'inattention, vont être préjudiciables pour l'élève. Le jugement de l'enseignant va être le plus souvent à charge négative de l'élève qui n'écoute pas, de l'enfant qui n'en fait qu'à sa tête, irrespectueux, paresseux, manquant de motivation, etc. Tout se passe comme si un enfant myope, non diagnostiqué et sans lunettes, était considéré comme faisant exprès de ne pas lire les consignes, non motivé par les cours. Le diagnostic posé et diagnostiqué à l'école peut avoir, au contraire, un impact très positif, réactivant une compréhension plus objective et une prise en charge empathique de l'élève. »

Ce texte a été écrit par deux pédopsychiatres qui connaissent bien le sujet, et je crois qu'il était important de donner cette vision de professionnels de santé sur l'impact scolaire des TDAH.

Nous constatons que ces troubles sont méconnus du grand public, y compris du personnel éducatif, qui y voit le plus souvent de la mauvaise éducation. En général, les enfants entendent les enseignants leur dire : « Non, tu n'es pas hyperactif, tu es mal élevé ». Mais l'hyperactivité peut avoir différentes origines et il y a effectivement des enfants mal élevés qui ont des comportements hyperactifs, des problèmes psychologiques, mais ça ne concerne pas le trouble du déficit de l'attention.

Parfois, je l'ai dit, les plans spécifiques tels que les PAP ou les PPS ne sont pas respectés.

Nous avons beaucoup de craintes quant au dispositif des PIAL car il est en train d'être généralisé sans avoir été évalué. Les familles, les associations, sont vraiment très inquiètes de ce qui est proposé et du risque de confusion des rôles – par exemple entre enseignants et professionnels de santé, au regard du secret médical. L'idéal serait de continuer à travailler entre professeurs et professionnels de santé, avec des préconisations sur les aménagements scolaires.

Concernant l'AVS mutualisée, il est indiqué que la demande d'une AVS individuelle reste possible, sous réserve de l'accord de l'enseignant et du directeur d'école, mais les équipes éducatives ne sont pas formées à ces troubles invisibles, mal connus et mal compris. Les élèves ayant un TDAH risquent donc de ne pas bénéficier de ces accompagnements. De plus, la raison d'être d'une AVS ou d'une AESH est la compensation d'un handicap personnel ; son octroi doit se faire en fonction de la personnalité de l'enfant, non de la disponibilité du personnel d'accompagnement.

Les enfants sont privés de récréation, ce qui est contraire au but recherché. Il existe des expériences différentes dans d'autres pays, qui passent par exemple par des séances de méditation plutôt que par des punitions. De nombreuses propositions visant à une meilleure inclusion scolaire peuvent paraitre originales, mais ont fait leurs preuves. S'en inspirer peut être intéressant – pas uniquement, d'ailleurs, pour les enfants TDAH, mais pour tous les autres.

Si vous interrogez un parent d'enfant TDAH, il vous dira que son enfant a toujours sur son bulletin scolaire les appréciations : « manque de concentration », « coupe la parole »... Effectivement, même pour nous, en tant que parent, c'est agaçant, mais le problème est l'impulsivité. La cause est médicale : c'est le fonctionnement des enfants, qui n'est pas dû à une envie chez eux de commander. C'est comme un enfant qui est myope et qui ne voit pas au tableau : son bulletin mentionnera-t-il « porte des lunettes » ?

Malheureusement pour nos enfants, les démarches mises en oeuvre ne sont pas extraordinaires, le sujet reste très difficile. Les enseignants et accompagnants sont démunis face au TDAH et l'enfant est souvent en souffrance. Nous avons mis au point un questionnaire sur les difficultés rencontrées, pour connaître la prévalence des cas de dépression, d'anxiété, de harcèlement scolaire, de décrochage scolaire : seuls 14,9 % n'ont pas rencontré ce type de difficulté. Je vous remettrai une copie à chacun. Sur 953 élèves diagnostiqués TDAH, 12,3 % ont subi du harcèlement scolaire, 12,6 % sont en décrochage scolaire, 7,4 % souffrent de phobie scolaire. Nous parlons énormément de ces thèmes, et des parents m'ont dit : « Il aurait fallu pouvoir donner plusieurs réponses, car mon enfant a subi au moins trois ou quatre de ces difficultés ».

Nous travaillons beaucoup sur le décrochage scolaire, pour faire de la prévention. J'ai travaillé comme conseillère en insertion sociale et professionnelle auprès de jeunes de 16 à 25 ans. Pourquoi ne pas lutter contre le décrochage dès l'école primaire et le collège ? Il y a toute une prévention et une sensibilisation au handicap à faire.

Un autre problème vient de l'absentéisme des élèves dû au rendez-vous médicaux liés à leur trouble. Il n'y a pas de solution miracle à ça.

Le secrétariat d'État aux personnes handicapées a répondu en ces termes à notre demande de formation du personnel éducatif : « Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour offrir un accompagnement adapté à chaque enfant handicapé. Celui-ci nécessite notamment une formation et une meilleure sensibilisation des enseignants. À cet égard, 750 personnes du milieu éducatif ont été formées en 2018 dans le cadre de formations croisées avec les professionnels du secteur médico-social et des MDPH. » 750 personnes sur 861 000 enseignants, cela fait un taux de 0,09%... qui plus est, pour le handicap en général. Donc, grande question : comment réaliser l'inclusion scolaire dans ces conditions ?

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