Intervention de Aude Bono-Vandorme

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 17h05
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Bono-Vandorme :

Madame la Présidente, mes chers collègues, voilà six mois, nous faisions ensemble le point sur la politique spatiale européenne. Or, lors des six mois qui viennent de s'écouler, des décisions majeures ont été prises – la dernière, nationale, étant l'annonce, par le Président de la République samedi dernier, d'une « nouvelle doctrine spatiale militaire » permettant « d'assurer notre défense de l'espace et par l'espace » et de la création d'un « commandement de l'espace » au sein de l'armée de l'Air, appelée à devenir « à terme l'armée de l'Air et de l'Espace », et cela à la veille d'un 14 Juillet placé sous le signe de la coopération militaire en Europe. La Chine a détruit un de ses satellites en 2007, l'Inde a réalisé un « test anti-satellite » en mars dernier, et je ne reviens pas sur les projets de « Space Force » de l'Administration Trump, nous en avons largement parlé l'hiver dernier.

Dans un peu moins de six mois, l'Europe spatiale a un rendez-vous crucial, la session du Conseil de l'Agence spatiale européenne (ASE) au niveau ministériel, à Séville. D'ici là, deux questions majeures devront trouver une réponse au niveau de l'Union européenne : quel sera le cadre financier pour l'espace entre 2021 et 2027 ? Et, de manière plus immédiate, qui sera le Commissaire en charge de la politique spatiale, sachant que la Commissaire Bieńkowska a été un élément décisif dans les avancées marquées entre 2014 et 2019 ? Il est aussi à nouveau question ici ou là d'une DG Espace, voire d'une DG Espace et Défense, dont l'articulation avec le SEAE devra toutefois être éclaircie.

Je commencerai donc par le spatial de défense. Nous n'en avions pas parlé directement lors de notre présentation l'hiver dernier, car une mission de la Commission de la défense, dont j'étais membre, s'apprêtait à rendre public son rapport sur ce sujet même. C'est aujourd'hui chose faite, depuis le 15 janvier. Une coopération européenne dans le secteur spatial de défense est compliquée par des divergences de points de vue entre Européens parfois rivaux. Mais il y a pour nos collègues rapporteurs de la Défense, Olivier Becht et Stéphane Trompille, une possible « fenêtre de tir » et ils identifient deux axes : d'une part, des discussions autour du lancement d'un projet fédérateur à l'échelle européenne, en commun avec l'Allemagne, dans le domaine de la surveillance de l'espace, à travers le Fonds Européen de Défense ; et, d'autre part, les éléments de la proposition de règlement établissant le programme spatial de l'Union et l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (dit règlement sectoriel Espace) relatifs à la surveillance de l'espace, avec une proposition financière de 250 millions d'euros pour cette surveillance, la météorologie de l'espace et les géocroiseurs.

En s'engageant dans la voie des communications gouvernementales sécurisées avec l'initiative Govsatcom, ou encore dans la surveillance de l'espace, l'Europe spatiale avance dans le processus d'approfondissement de la construction européenne dans le respect des spécificités nationales. Pour le moment, nous sommes très dépendants de données fournies par les Américains pour la gestion du trafic spatial et la surveillance des objets. Investir dans l'autonomie, dans ces deux domaines, est vital pour conserver notre liberté d'action dans l'espace.

Car l'enjeu premier, c'est bien évidemment celui de l'autonomie stratégique. C'est d'ailleurs un enjeu à la fois militaire et civil, car elle seule permet d'accéder à l'espace et d'en tirer les bénéfices militaires comme nous venons de le voir, mais aussi sociaux et économiques. Et sur ce point, à force d'acharnement, des avancées significatives se sont produites en matière d'accès autonome à l'espace et de préférence européenne, tant côté Union européenne que côté ASE.

Les conclusions du Conseil et la résolution du Conseil ASE « L'espace en tant que catalyseur », élaborées en commun par la Présidence roumaine, la présidence espagnole du Conseil de l'ASE, l'exécutif de l'ASE et la Commission et entérinées le 28 mai dernier, affirment « qu'il est nécessaire pour l'Europe de maintenir un accès à l'espace qui soit sûr, autonome, fiable, rentable et abordable » et rappellent « l'importance stratégique que revêt un accès indépendant à l'espace ». Cette mention d'une réelle volonté d'indépendance vis-à-vis des États tiers a fait l'objet de grandes discussions chez les États membres, certains d'entre eux - dont l'Allemagne - préférant jusqu'à très tardivement dans les échanges une approche politique plus souple privilégiant la simple autonomie.

Un accord partiel sur le règlement sectoriel Espace a été obtenu fin mai dernier à l'issue des négociations interinstitutionnelles entre le Parlement et le Conseil. Il couvre l'ensemble des chapitres à l'exception des dispositions financières et des dispositions horizontales sur les pays tiers, qui seront arrêtées dans le contexte des négociations sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. L'Union européenne affirme sa volonté d'une politique d'accès autonome à l'espace et se dote d'outils pour la mettre en place (soutien aux infrastructures de lancement ; soutien à la recherche et l'innovation) et ainsi conforter son indépendance stratégique.

Quant à la préférence européenne, elle figurait sans dire son nom dans la Stratégie pour l'espace d'octobre 2016. Elle est aujourd'hui beaucoup plus clairement affirmée : l'article 5 du règlement sectoriel permet l'agrégation de la demande de services de lancements de l'Union et des États membres qui le souhaitent. Deux résolutions ASE, celle d'octobre 2018 dont nous avions parlé, mais aussi celle du 17 avril dernier, comprennent des engagements de commandes institutionnelles d'ici la prochaine conférence ministérielle en novembre et une garantie donnée par les États, indispensable pour démarrer la production d'Ariane 6. C'est, sur ce dernier point, chose faite : à la suite de ces premières commandes et ces engagements futurs, ArianeGroup a décidé le 6 mai de lancer la production des quatorze premiers lanceurs Ariane 6 de série.

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